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Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, après dix ans de gouvernement de droite, le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté par la gauche suscite des attentes et des exigences fortes.
Favoriser l’accès aux soins pour tous en restaurant les droits des patients après toutes ces mesures qui, de franchises en déremboursements et autres forfaits, ont conduit un nombre de plus en plus important de nos concitoyens à renoncer à des soins ou à les différer ; développer des réponses publiques sans lesquelles un accès à des soins de qualité pour tous est impossible, notamment en commençant à rétablir un mode de financement qui permette un fonctionnement efficace de nos hôpitaux publics, si gravement désorganisés ces dernières années ; résorber le déficit des comptes sociaux – ce qui est parfaitement possible, comme je vais le démontrer – grâce à des mesures de financement équitables et courageuses, pour prendre l’argent là où il est : telles sont les attentes légitimes de nos concitoyens, qui vous ont accordé leur confiance.
Certes, ce texte comporte des mesures positives. En matière de recettes, tout d’abord, nous nous félicitons notamment de l’augmentation de la C3S à la charge des entreprises d’assurance, de l’élargissement de la taxe sur les salaires aux éléments de rémunération complémentaires ou de l’incitation au développement des génériques. Nous saluons également la prise en charge intégrale des IVG et l’augmentation des moyens consacrés au secteur médico-social. En ce qui concerne les victimes de l’amiante, la possibilité de liquider, dès l’âge de 60 ans, les pensions de retraite pour les bénéficiaires de l’ACAATA est également une décision importante.
M. Marc Dolez et M. Christian Hutin. Très juste !
Mme Jacqueline Fraysse. Le renforcement des moyens de lutte contre la fraude aux cotisations employeurs et la responsabilisation des donneurs d’ordres s’attaquent enfin aux sources principales de la fraude sociale.
Nous ne sous-estimons pas ces avancées, mais que de manques dans ce texte ! Comment se fait-il qu’à aucun moment il ne remette en cause les mesures prises lors des précédentes législatures, qui ont tant contribué au recul de l’accès aux soins dans notre pays et contre lesquelles les députés socialistes avaient pourtant beaucoup bataillé ?
M. Marc Dolez. Eh oui !
Mme Jacqueline Fraysse. Je pense principalement aux franchises médicales, que je proposais de supprimer dans un amendement qui a été refusé par les services de la commission des affaires sociales, mais aussi aux nombreux déremboursements, à l’augmentation du forfait hospitalier ou à la taxe sur les mutuelles. Autant de prélèvements injustes dont Mme la ministre indiquait elle-même, l’année dernière, à cette tribune, qu’ils n’ont « d’autre effet que d’accroître les inégalités en matière de santé ».
M. Arnaud Robinet. Paroles, paroles !
Mme Jacqueline Fraysse. Pas de remise en cause non plus de la journée de carence pour les agents de la fonction publique,…
M. Arnaud Robinet. Heureusement !
Mme Jacqueline Fraysse. …ni même de la scandaleuse fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d’accidents du travail. « De l’injustice à l’état pur ! », dénonçait pourtant, à juste titre, Mme Touraine.
M. Marc Dolez. Absolument !
Mme Jacqueline Fraysse. Bien entendu, il aurait fallu, pour revenir sur ces mesures, davantage de moyens pour financer un objectif de dépenses d’assurance maladie plus ambitieux que celui que vous proposez. De 2,5 % l’an dernier, il est de 2,7 % cette année : sont-ce donc ces 0,2 % qui distinguent votre PLFSS de celui de votre prédécesseur ? Cet ONDAM est à l’évidence globalement insuffisant, particulièrement l’ONDAM hospitalier. Certes, vous annoncez pour ce dernier une progression de 2,6 %, mais, dans le même temps, la Fédération hospitalière de France indique que les dépenses des hôpitaux vont augmenter de 3,1 % à 3,2 % l’an prochain, du fait de la hausse des prix des médicaments et de l’énergie ou de la revalorisation des salaires dans la fonction publique. Le différentiel entre la croissance incompressible du budget des hôpitaux et l’enveloppe qui leur sera allouée est donc de 0,5 % : exactement le même chiffre que l’an dernier !
Comment ne pas faire le constat que vous poursuivez la réduction des moyens de l’hôpital public ? Je ne vous cache pas notre déception et celle des personnels concernés, dont vous connaissez l’ampleur des difficultés. Les seules bonnes nouvelles de nature à éclaircir l’horizon toujours sombre des hôpitaux sont la fin du gel des enveloppes consacrées au financement des missions de service public, le retour – dans les textes – à la notion de service public hospitalier et la fin annoncée de la convergence tarifaire, sans que vous reveniez pour autant sur les tarifs du public déjà alignés sur ceux du privé.
Il n’est pas question non plus de revenir sur les fermetures et les restructurations des hôpitaux, comme celle imposée, contre toute logique de réponse aux besoins, par l’ARS à l’hôpital de Nanterre, en dépit de l’opposition tant du personnel de l’hôpital que des citoyens, et malgré l’existence d’un projet alternatif sérieux, élaboré avec les professionnels de santé, prenant en compte les réalités du terrain.
Si le retour du parti socialiste au pouvoir a permis de lancer une concertation sur l’avenir de l’hôpital public – ce qui est une très bonne chose –, je crains que celle-ci ne s’inscrive toujours dans le même cadre, la même logique : celle du financement par la T2A, celle des restructurations imposées par la réduction des moyens, de l’hôpital-entreprise et du management vertical instauré par la loi HPST, que vous n’envisagez d’ailleurs pas d’abroger.
M. Denis Jacquat. Mme Fraysse est plus sévère que nous !
Mme Jacqueline Fraysse. Cette même logique conduit les praticiens hospitaliers à quitter l’hôpital public, comme à Saint-Louis ou à Saint-Antoine, en raison de leurs conditions de travail déplorables et au nom de l’idée qu’ils se font du service public hospitalier. Je souhaite vivement que la suite de la concertation engagée et la réforme qui en sera issue apaisent ces craintes, qu’elle rompe clairement avec les choix politiques précédents, catastrophiques et dangereux, comme vient encore, hélas ! de l’illustrer l’actualité.
La réalité est que l’on ne peut pas changer résolument de braquet sans engager une véritable réforme structurelle du financement de la sécurité sociale qui dégage des moyens suffisants et pérennes pour assurer à l’ensemble de nos concitoyens une protection sociale digne de notre époque.
Je passe sur les éternelles mesures de taxation de l’alcool et du tabac – qui, en tout état de cause, ne risquent pas de régler le problème –, pour m’arrêter sur la regrettable décision que vous avez prise de taxer les personnes retraitées, alors que vous avez refusé d’autres propositions de recettes que nous avions formulées. Nous pensons en effet que les moyens existent, non seulement pour revenir sur les mesures les plus injustes du précédent gouvernement, mais aussi pour résorber le déficit de la sécurité sociale. Nous avons déposé de nombreux amendements en ce sens, qui permettraient à la fois de dégager des moyens financiers supplémentaires et de favoriser l’emploi en réorientant l’économie vers l’investissement utile et la création de richesses.
L’an dernier, alors qu’elle était députée, Mme Touraine…
Plusieurs députés du groupe UMP. Elle n’est pas là !
Mme Jacqueline Fraysse. …avait déclaré : « Rechercher de nouveaux financements, c’est d’abord mettre les revenus du capital à contribution au même niveau que les revenus du travail ». C’était vrai, et ça l’est toujours. C’est du reste ce que nous proposons dans un amendement visant à taxer les revenus des placements financiers des banques et des entreprises, une mesure juste et efficace. En effet, pourquoi les revenus issus des placements financiers ne contribueraient-ils pas autant que ceux issus de notre travail ? Comment justifier que ces sommes d’argent, dès lors qu’elles ne sont pas investies dans le développement économique et l’emploi, aillent à la spéculation sur les marchés financiers plutôt qu’à la réduction des déficits sociaux et de la dette sociale ?
C’est pour enclencher ces changements que nos concitoyens ont majoritairement voté à gauche en mai et juin dernier. C’est cette rupture qu’ils attendent du Gouvernement.
Notre sévérité à l’égard de ce texte n’a d’égal que notre crainte d’être déçus, notre crainte de voir échouer le changement annoncé, et c’est bien parce que nous voulons que le gouvernement de gauche réussisse que nous avons déposé autant d’amendements, notamment sur le volet financier. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Patrice Carvalho. Très bien !

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