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Pt Sénat diverses dispositions d’adaptation au droit de l’UE en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole - CMP

Nous procédons à l’ultime examen du second projet de loi de cette législature portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne.

Je voudrais en premier lieu soulever un problème de méthode, voire de démocratie. En 2021, j’avais, avec Jean-Louis Bourlanges, rédigé un rapport d’information sur les méthodes de transposition des directives européennes. Nous y rappelions – pour le regretter – que, depuis le début des années 2000, le Parlement avait examiné pas moins de neuf de ces lois, appelées Ddadue, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne. Nous en sommes désormais à onze et le rythme s’accélère puisque vous semblez vouloir nous en proposer désormais une par an.

Contrairement au dahu de nos montagnes, qui est boiteux, le principal avantage des Ddadue, résiderait, selon l’exécutif, dans le rythme de son examen, si rapide qu’il s’apparente, écrivions-nous dans ce rapport, à « un rituel purement formel de clôture du processus législatif ». (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – M. Gérard Leseul applaudit également.) Désapprouvant le recours à de telles voitures-balais législatives, nous demandions de réserver désormais ces projets de loi aux seuls cas d’urgence en veillant à « conserver une cohérence thématique » au sein des textes concernés. Ces recommandations n’ont visiblement toujours pas été entendues. Finalement, le Ddadue boiteux a tout d’un dahu !

C’est très regrettable car, une fois encore – et c’est une des faiblesses structurelles du système français de transposition –, le Parlement se trouve, en pratique, dépossédé de tout pouvoir d’appréciation. Quel message déplorable à deux mois des élections européennes !

Vous nous proposez ainsi à nouveau un texte fourre-tout qui cantonne le Parlement à un rôle de moine copiste au mépris du principe de clarté de la loi. Vous nous imposez de débroussailler dans l’urgence un maquis de dispositions techniques, dont plusieurs laisseront nos concitoyens cheminer sur un terrain semé de chausses-trapes, voire dangereux pour notre environnement.

Nous y trouvons, pêle-mêle, des mesures relatives à l’encadrement de l’influence commerciale, à la sécurité des produits, à la garde à vue, aux carburants alternatifs, à l’hydrogène renouvelable, à l’encadrement des cryptoactifs, à l’interdiction des microplastiques, à la régionalisation de la PAC, aux boues d’épuration, au marché carbone, aux contrats de concession aéroportuaires, à l’acquisition des congés en période d’arrêt de travail – et j’en passe. Ce n’est pas sérieux, d’autant moins que ce texte, comme les précédents, renvoie très largement aux ordonnances.

Loin de répondre à de quelconques urgences, comme le voudrait une conception rigoureuse du recours à cette procédure, les ordonnances sont devenues le moyen ordinaire de méconnaître la répartition des compétences normatives entre la loi et le règlement. Le Gouvernement doit impérativement revoir sa façon de travailler et cesser de malmener ainsi nos principes démocratiques.

Sur le fond, à présent, que dire de ce texte ? Si l’on excepte l’article 28 qui vient enfin réparer une faille de notre droit national, en garantissant le respect des droits de tous les prévenus, ce texte ne comporte aucune mesure satisfaisante. Songeons ainsi aux quotas gratuits pour les émissions de gaz à effet de serre, aux dérogations à l’usage des microplastiques et aux réticences à mettre en œuvre la protection des droits des fonctionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

Vous nous proposez encore une transcription minimaliste de la directive du 4 novembre 2003 en matière d’acquisition de congés en période d’arrêt de travail. Il aura fallu plus de vingt ans pour que cette directive soit enfin appliquée. Vous en profitez néanmoins pour introduire une mesure discriminante en plafonnant à quatre semaines les droits à congés acquis pour les arrêts de travail qui ne sont pas d’origine professionnelle. Alors que la directive européenne vise une harmonisation favorable des droits pour l’ensemble des salariés, vous faites le choix d’aller à l’encontre de l’esprit du texte européen, fidèles en cela à votre conception réactionnaire du droit du travail.

Vous l’aurez compris : nous ne pouvons nous satisfaire de l’examen à la hussarde d’un texte qui transforme une nouvelle fois notre assemblée en une caricature de chambre d’enregistrement. Ce projet de loi confirme le mépris dans lequel le Gouvernement tient le Parlement depuis le début de cette législature, avec l’utilisation incessante de l’article 49.3, le recours excessif à la législation par ordonnance ou par décret ou encore l’ambition désormais affichée par le Premier ministre de délégaliser, si j’ose dire, un nombre sans cesse accru de normes législatives au nom de l’efficacité.

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, nous confirmerons évidemment notre vote contre ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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