Interventions

Discussions générales

Ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à bien écouter M. le ministre, c’est le pacte dit de croissance qui permettrait de ratifier le traité budgétaire européen, un traité signé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel le 2 mars dernier, et qui n’a pas été modifié d’une seule virgule – on ne peut donc pas dire qu’il ait été renégocié.
Je passe brièvement sur le fait que le pacte dit de croissance n’est qu’une annexe aux conclusions du sommet du 29 juin dernier, et qu’il n’a pas de force contraignante – pour cela, il faudrait que la Commission présente un programme législatif en vue de son application. J’en viens directement au fond du texte.
Ce texte met, certes, la croissance en débat, mais ne s’émancipe pas de la logique austéritaire et reprend les politiques libérales de l’Union. Dès son préambule, il s’inscrit dans le cadre de la très libérale stratégie Europe 2020, et souligne l’importance et la nécessité des réformes dites « structurelles ». On a pu voir, depuis près vingt ans, ce que ce terme signifie au sein de l’Union européenne. Le pacte évoque ainsi la réforme structurelle des marchés du travail, demande la pleine et entière application de la directive Services – ex-directive Bolkestein…
M. Nicolas Sansu. Exact !
M. Marc Dolez. …et prône l’ouverture à la concurrence des secteurs du transport et de l’énergie, demandant même que le marché unique de l’énergie soit achevé pour 2014. Il évoque également la « viabilité » des régimes de retraites – une expression qui, on le sait bien, signifie le recul de l’âge de la retraite et la baisse du niveau des pensions.
Bref, le pacte, en dépit de son titre et des arguments avancés – souvent avec talent, monsieur le ministre –, n’est qu’un rideau de fumée. En effet, l’accord donné par les États à ce pacte de croissance ne modifie aucune des dispositions initiales du traité budgétaire européen que nous examinons aujourd’hui.
M. Nicolas Sansu. Très juste !
M. Marc Dolez. Bien au contraire, le pacte et le traité relèvent tous deux de la même inspiration et reposent sur le même postulat erroné, selon lequel seules des politiques d’austérité peuvent réduire les déficits et relancer la croissance. Or, l’austérité ne peut évidemment entraîner que la récession, et la récession ne peut entraîner à son tour que des déficits encore plus grands.
Dans son article 5, le traité budgétaire prône lui aussi des réformes structurelles, menées sous la surveillance de la Commission. Il le revendique d’ailleurs très clairement, inscrivant les propositions envisagées dans la suite de tous les accords passés au sein de la zone euro depuis 1997. Il est l’aboutissement, le couronnement de ces accords.
Il est en particulier le prolongement du Pacte pour l’euro plus, également élaboré par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, et signé le 25 mars 2011. Le Pacte pour l’euro plus prône, rappelons-le, la baisse des salaires et des pensions, que ce soit dans le public ou dans le privé, demande la déréglementation du marché du travail et la diminution des droits sociaux, promeut les systèmes de protection assurantiels et non solidaires, et, bien entendu, exige des coupes claires dans les dépenses publiques, ce qui signifie davantage de privatisations. À un point tel que les syndicats européens, dans leur diversité, y ont vu une offensive antisociale sans précédent, et ont qualifié le texte de véritable déclaration de guerre aux peuples d’Europe.
Cela explique, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la Confédération européenne des syndicats appelle massivement à s’opposer au traité budgétaire européen, ce qu’elle n’avait pas fait – je me permets de le rappeler – pour le projet de Constitution européenne en 2005. Cette opposition devrait, dans cet hémicycle, interpeller toutes les forces qui se reconnaissent dans la gauche.
Par essence, ce traité budgétaire est antisocial. C’est pourquoi nous le qualifions de traité de l’austérité. S’il était déjà entré en vigueur, monsieur le ministre, jamais votre gouvernement n’aurait pu engager le retour, même partiel, à la retraite à 60 ans.
C’est l’autre dimension de ce traité, qui prétend donner les moyens à la Commission et au Conseil de passer par-dessus les Parlements nationaux afin d’imposer, partout, l’austérité.
M. Nicolas Sansu. Bien dit !
M. Marc Dolez. La contrainte intérieure, la « règle d’or », même si elle ne figure pas dans la Constitution mais simplement dans la loi organique, s’imposera à toutes les lois, et donc à toutes les lois de finances. Cela remet en cause la prérogative première du Parlement qui, depuis près de deux siècles, est de voter le budget.
Les contraintes extérieures – les mécanismes supranationaux de surveillance et de contrôle de la discipline budgétaire des États – sont également renforcées. Nous considérons, monsieur le ministre, que le dispositif prévu, qui sera encore durci par le two-pack, mettra les Parlements nationaux sous tutelle de la Commission, des autres États – en clair, de l’Allemagne – et de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette remise en cause de la souveraineté nationale devrait entraîner, sur tous les bancs de cette assemblée, le rejet massif du texte.
De même, tous ceux qui entendent mener une politique de justice, de progrès et de transformation sociale dans notre pays devraient s’opposer à la sanctuarisation des politiques d’austérité, conçues comme l’unique moyen d’assainir les finances publiques.
Ce ne sera malheureusement pas le cas. Mais une chose est certaine : l’acceptation de la mise sous tutelle du Parlement, l’acceptation de la sanctuarisation des politiques d’austérité vous interdit désormais de nous resservir cette antienne que l’on nous sert à chaque traité, selon laquelle la refondation de la construction européenne est en marche et que l’Europe sociale sera évidemment pour la fois d’après.
Les députés du Front de gauche, fidèles au vote des Français du 29 mai 2005, s’opposeront résolument à ce traité. Ils entendent ainsi poursuivre avec détermination et acharnement leur combat contre l’austérité et leur lutte pour une autre Europe, sociale et démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Imprimer cet article

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques