Interventions

Discussions générales

Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Assemblée nationale est invitée à statuer définitivement, en application de l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle.
Le texte vise, d’une part, à diminuer de 5 % le taux des dépenses électorales susceptibles d’être remboursées aux candidats à l’élection présidentielle et, d’autre part, à geler à son niveau actuel le plafond des dépenses autorisées durant la campagne.
À moins de trois mois du premier tour des élections présidentielles, il nous est donc proposé de nous prononcer sur les règles qui vont s’y appliquer, bafouant, monsieur le ministre, l’usage républicain qui veut que l’on ne modifie pas les règles d’un scrutin dans l’année qui le précède. Mais sous ce régime autoritaire du président Sarkozy, il n’y a plus de règles qui tiennent !
M. Jean-Luc Reitzer. Ciel !
M. Jean-Pierre Brard. Ah ! mon cher collègue, si au moins nous pouvions invoquer le ciel et faire appel à ses secours pour vous ramener à la raison, je le ferais à genoux volontiers ! (Sourires.)
Je n’insisterai pas sur les délais extrêmement courts qui nous sont imposés ni sur la prétendue urgence de ce projet de loi qui devrait nous permettre de faire une fantastique économie de 3,7 millions d’euros sur les 220 millions d’euros de dépenses liées à l’organisation de l’élection présidentielle. Vous rendez-vous compte, cher collègue Geoffroy ?
M. Guy Geoffroy. C’est déjà ça !
M. Jean-Pierre Brard. Savez-vous vraiment ce que c’est, 3,7 millions d’euros ? C’est à peine 10 % du cadeau que le Gouvernement va faire à Mme Bettencourt sur sa contribution fiscale de cette année par rapport à celle de l’année dernière !
M. Philippe Richert, ministre. Encore la même référence ! Vous ne pouvez pas vous en empêcher !
M. Jean-Pierre Brard. Je ne peux pas m’empêcher de vous tendre le miroir pour que vous voyiez à quel point vous êtes horribles à mener cette politique qui est sans pitié pour les gens modestes, qui beurre la tartine des gens riches...
M. Jean-Luc Reitzer. Théâtre ! Théâtre !
M. Jean-Pierre Brard. …et qui, pour alimenter le populisme, vous conduit à vouloir faire quelques économies de bouts de chandelle sur l’exercice de la démocratie, parce que c’est de cela qu’il s’agit !
Il est vrai, monsieur le ministre, que, de votre côté, les contributions de vos généreux donateurs à vos campagnes électorales ne se comptent pas en quelques euros, comme au Front de gauche. Chez nous, une personne donnera un, cinq, dix euros ; chez vous, ce sont des chèques avec des zéros derrière le premier chiffre.
M. Philippe Richert, ministre. Éternel donneur de leçons !
M. Jean-Pierre Brard. À ceux qui en ont bien besoin, monsieur le ministre ! Reconnaissez qu’il faut que nous soyons des pédagogues acharnés pour continuer d’essayer de vous convaincre tellement vous êtes rétif à entendre non pas la raison, mais la morale. Las, c’est une notion qui vous est étrangère.
Oui, 3,7 millions d’euros ! C’est, monsieur Geoffroy, 800 000 euros de moins que le salaire de Michel Rollier, le patron de Michelin. C’est à peine plus que celui de Philippe Varin, le patron de Peugeot qui touche, lui, 3,3 millions d’euros chaque année. Ceux-là, vous les épargnez, tout comme le président de Total !
Vous vous esclaffez, monsieur Geoffroy...
M. Guy Geoffroy. Et si on en revenait au texte ?
M. Jean-Pierre Brard. Parce qu’en plus vous voudriez me dicter mon texte ? Mais où va cette dérive autoritaire impulsée par celui qui vous sert de gourou ? Vous voulez tellement lui ressembler que vous finissez par vous exprimer comme lui dans cet hémicycle, qui, même si vous essayez régulièrement de nous passer la muselière, reste et doit rester le temple de la démocratie.
Vous paradez en champion de la rigueur et de la moralisation des finances publiques mais vous oubliez les véritables scandales et les gaspillages qui ruinent notre République.
M. Philippe Boënnec. C’est du théâtre !
M. Jean-Pierre Brard. Oh, non, ce n’est pas du théâtre ! Si vous voulez, mon cher collègue, je vais vous emmener dans les HLM de Montreuil ou de Bagnolet.
M. Jean-Luc Reitzer. Je les connais aussi !
M. Jean-Pierre Brard. Vous verrez si c’est du théâtre, ces fins de mois impossibles avec le RSA ou le SMIC. Vous en avez pourtant, mes chers collègues, des personnes dans cette situation, dans vos circonscriptions !
M. Philippe Boënnec. Vous en parlez bien !
M. Jean-Pierre Brard. J’en parle bien parce que, moi, je sais de quoi je parle ! Je parle de ce que je connais !
M. Philippe Richert, ministre. Pas nous ?
M. Jean-Pierre Brard. Et moi, parmi mes électeurs, je n’ai pas de privilégiés qu’il faut bichonner !
M. Jean-Luc Reitzer. Parmi les nôtres, il n’y en a pas non plus !
M. Jean-Pierre Brard. Sans cesse interrompu par mes collègues, je veux revenir à mon propos.
Oui, il y a de véritables scandales, des gaspillages qui ruinent notre République ! Ce projet de loi, ce n’est que de l’affichage destiné à détourner le regard de nos concitoyens de votre gestion calamiteuse des deniers publics. Vous avez vidé les caisses !
Vous répétez à loisir que l’État doit faire des économies et réduire ses dépenses. Dans ce cas, pourquoi ne pas remettre en cause les cadeaux fiscaux que vous avez accordés aux plus riches depuis cinq ans ? Pourquoi avoir allégé de 1,5 milliard d’euros, au mois de juillet dernier, le montant de l’imposition sur la fortune ? Pourquoi ne pas être revenu, comme l’a proposé la majorité, sur la fameuse loi TEPA, qui, à elle seule, a représenté depuis 2007 un manque à gagner cumulé de 20 milliards d’euros pour les finances publiques ? Pourquoi permettre à Mme Bettencourt – je sais, monsieur le ministre, que mon propos tourne, à vos yeux, à l’obsession – de payer cette année 30 millions d’euros d’impôts de moins cette année ?
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !
M. Jean-Pierre Brard. Je sais bien que je vous fais mal en retournant le couteau de la plaie, mais vous reconnaîtrez que c’est justice que d’y prendre un certain plaisir.
Que pèse cette bagatelle de moins de 4 millions d’euros d’économie que vous nous proposez en regard de ces milliards d’euros engloutis en cadeaux à votre clientèle ?
Votre indignation est sélective, hypocrite même. Vous proposez de réaliser des économies d’épicier sur les campagnes électorales, qui sont pourtant un moment crucial de notre vie démocratique, tandis que vous fermez les yeux, mes chers collègues de la majorité, sur les dépenses somptuaires du 55, rue du faubourg Saint-Honoré, à quelques pas d’ici, à l’heure où certains confondent exercice de leur mandat et campagne électorale. Vous savez où c’est, le 55, rue du Faubourg Saint-Honoré : vous y êtes régulièrement invités pour y prendre vos ordres !
M. Jean-Paul Bacquet. Et des sous !
M. Jean-Pierre Brard. Deux cent cinquante-neuf millions d’euros dépensés dans l’achat de l’Airbus présidentiel : on n’en parle pas. Et nous pourrions évoquer les gaspillages qui ont été dénoncés par notre collègue René Dosière.
Votre projet de loi, qui se veut symbolique et que vous présentez comme ambitieux, n’est que le symbole d’un manque de cohérence et de sérieux, y compris en matière de financement des campagnes électorales et, plus largement, de vie politique.
Les mesures proposées, en particulier la baisse de 5 % du montant de l’aide publique au financement des partis politiques, se solderont par une injustice car le caractère proportionnel de cette diminution aura pour effet de pénaliser les plus petits candidats.
Monsieur le ministre, pour le candidat que vous soutenez et qui n’est pas candidat (Sourires), M. Nicolas Sarkozy, 5 %, c’est l’épaisseur du trait. Pour ceux qui financent une campagne électorale euro après euro, en s’appuyant sur les tréfonds de notre peuple qui est riche de ses valeurs, mais pas de ces actions qui produisent les dividendes auxquels vous êtes tant attaché.
M. Jean-Luc Reitzer. Démagogue !
M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas de la démagogie, c’est le reflet du réel.
Pourtant, monsieur le ministre, vous êtes originaire d’une région dont les habitants sont attachés à la justice, à la morale. En défendant un tel projet, vous faites mal à vos concitoyens alsaciens !
M. Jean-Marc Lefranc. Et les autres, alors ?
M. Jean-Luc Reitzer. Nous sommes trois députés alsaciens ici présents !
M. Jean-Pierre Brard. Eh bien vous devriez faire honneur à vos concitoyens en soutenant les propos que je tiens et pas cette justice dont je parle. D’une certaine manière, vous leur êtes infidèles – jusqu’au jour où ils vous feront des infidélités aux élections, et vous l’aurez bien mérité.
Mes chers collègues, il est aujourd’hui nécessaire de remettre à plat le financement des partis politiques pour mieux tenir compte du nombre d’électeurs dans le calcul de leurs dotations…
M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Alors il ne vous restera plus grand-chose !
M. Jean-Pierre Brard. …et de s’attacher, en somme, à ce que l’aide publique aux formations politiques soit conforme à ce que peuvent légitimement en attendre nos concitoyens en termes de respect de toutes les sensibilités.
Monsieur de La Verpillière, vous nous dites qu’il ne nous restera pas grand-chose. Je vous recommande de regarder comment, en dépit de la censure dans les médias officiels, le candidat du Front de gauche progresse dans les sondages. Il répond profondément aux aspirations de notre peuple face aux injustices dont vous êtes les promoteurs et les défenseurs, alors que nous en sommes, pour notre part, les pourfendeurs, fidèles en cela aux meilleures valeurs de notre pays et à ceux qui, dans cet hémicycle, les ont défendues. Vous qui êtes cultivé, monsieur Geoffroy, je pense en particulier à Jaurès qui, ici, a été le porte-parole des sans-voix, ce que nous continuons d’être aujourd’hui. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Jean-Pierre
Brard

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