Interventions

Discussions générales

Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Madame la présidente monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de la présentation de son nouveau plan d’austérité, début novembre, François Fillon avait annoncé une réduction supplémentaire des dépenses de l’État d’un montant de 500 millions d’euros. Il avait à cette occasion souligné, non sans une certaine démagogie, qu’au moment où nous réduisions les dépenses de l’État, les partis politiques devaient aussi donner l’exemple et que le Gouvernement avait en conséquence « décidé de limiter le remboursement des dépenses de campagne électorale en réduisant de 5 % le plafond des dépenses prises en charge et le montant des aides aux partis politiques », demeurés pourtant stables ces dernières années. C’est sûrement la première fois d’ailleurs qu’un gouvernement de la Ve République propose de faire des économies sur l’exercice de la démocratie dans le pays.
Les mesures législatives et les réductions de crédits correspondantes figurent dans le projet de loi de finances pour 2012. Nous ne discutons ce soir que de la diminution des remboursements par l’État des dépenses de campagne de l’élection présidentielle, qui nécessite une loi organique.
Le présent projet de loi vise ainsi, d’une part, à diminuer de 5 % le pourcentage des dépenses électorales susceptibles d’être remboursées aux candidats à l’élection présidentielle et, d’autre part, à geler à son niveau actuel le plafond des dépenses autorisées durant la campagne, et, si nous vous avons bien compris, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, jusqu’à la saint-glinglin.
M. Philippe Richert, ministre. Jusqu’à ce que nous arrivions à l’équilibre !
M. Jean-Pierre Brard. Au rythme où vous y allez, nous ne sommes pas près de voir le bout du tunnel !
Nous ne nous sommes jamais signalés, historiquement, comme de chauds partisans du scrutin et de la fonction présidentiels, qui demeurent à nos yeux une anomalie institutionnelle, particulièrement dans le régime qui est le nôtre et compte tenu des coups de canif portés régulièrement au principe de séparation des pouvoirs.
Le texte qui nous est proposé ce soir aurait donc pu aisément recueillir notre adhésion s’il n’avait pour fonction première de détourner l’attention de nos concitoyens de questions plus graves, de dépenses et de gaspillages autrement scandaleux, et s’il n’avait pour conséquence de pénaliser les formations politiques dont le candidat à la présidentielle réunira le moins de suffrages.
Ce projet de loi vise ainsi à faire de l’affichage, à vous permettre de parader en champions de la vertu pour mieux détourner le regard de nos concitoyens de votre calamiteuse gestion des deniers publics.
Vous n’avez de cesse de dire que l’État doit faire des économies et réduire ses dépenses. Dans ce cas, pourquoi n’avez-vous pas remis en cause les cadeaux fiscaux que vous avez accordés aux plus riches depuis cinq ans ? Je sens bien, monsieur le ministre, que je vous agace en le rappelant,…
M. Philippe Richert, ministre. Pas du tout ! C’est un bonheur de vous écouter !
M. Jean-Pierre Brard. …car j’appuie là où ça fait mal !
M. Philippe Richert, ministre. Ah bon ?
M. Jean-Pierre Brard. Il y a des gens qui nous regardent sur internet, et vous n’aimez pas qu’on leur rappelle vos agissements !
Pourquoi avez-vous, en juillet dernier, en pleine crise économique, allégé de 1,5 milliard d’euros, soit beaucoup plus que l’économie que vous nous proposez ce soir, le montant de l’imposition sur la fortune ? Pourquoi ne pas avoir remis en cause les allégements d’impôts dont le bénéfice a été massivement concentré, depuis dix ans, sur ceux que vous choyez, que vous aimez : les contribuables les plus riches ?
Vous dodelinez de la tête, monsieur le ministre, mais je n’aurai pas la cruauté de vous poser la question que j’ai déjà posée vingt-huit fois à Mme Pécresse, sans obtenir de réponse : est-il vrai que Mme Bettencourt a payé cette année 42 millions d’euros d’impôts et qu’elle n’en paiera plus que 10 millions l’année prochaine ? Faites la soustraction, et vous verrez combien le texte que nous discutons aujourd’hui est important !
Pourquoi ne pas être revenu, comme l’a proposé une partie de la majorité, sur la fameuse loi TEPA qui, à elle seule, a représenté, depuis 2007, un manque à gagner cumulé de plus de 20 milliards d’euros ? Les économies que vous proposez dans le présent texte relèvent de l’épicerie ! C’est bien le financement de la démocratie qui est en cause.
Votre bilan, c’est dix ans d’incurie budgétaire et plus de 180 milliards d’euros gaspillés en pure perte, prétendument au nom de l’adaptation à la mondialisation et à la concurrence fiscale. Que pèsent les 4 millions d’économies proposées ce soir au regard de ces milliards d’euros engloutis en cadeaux clientélistes ou encore au regard de la rémunération des grands patrons du CAC 40, dont vous n’avez cessé de servir les intérêts et d’alléger les impôts ?
Je vais vous donner quelques exemples, monsieur le ministre. Comment se fait-il qu’en pleine crise, le salaire du patron de Michelin, Michel Rollier, ait augmenté en un an de 500 %, passant à 4,5 millions d’euros ? Comment se fait-il que celui du patron de Peugeot, Philippe Varin, ait augmenté de 312 %, à 3,3 millions d’euros, alors que l’entreprise a annoncé la suppression de 6 800 emplois, dont 5 000 en France ? En valeur absolue, les patrons du CAC 40 ont touché cette année plus de 98,3 millions d’euros de rémunération, soit un salaire moyen de 2,46 millions d’euros par dirigeant, en augmentation de 24 % par rapport à 2009. Voilà qui suffit à donner la mesure du peu d’intérêt, de consistance et de pertinence que présente votre projet de loi !
Il n’est pas non plus inutile de mettre en regard de vos mesures d’économies certaines dépenses publiques excessives et inutiles. Prenons par exemple – au hasard – les dépenses de l’Élysée, bien connues de René Dosière.
Vous proposez de réaliser des économies sur les campagnes électorales, qui sont pourtant un moment essentiel de notre vie politique. Que n’avez-vous songé à vous attaquer aux dépenses du Palais ? Qu’il est loin le temps où le général de Gaulle éteignait la lumière en quittant son bureau, où il faisait installer un compteur électrique particulier pour les appartements du Président à l’Élysée, où il demandait – c’est Jean de Gaulle qui nous l’a raconté – combien avaient coûté les viennoiseries offertes à ses petits-enfants de visite au Palais, pour les rembourser ! Nous sommes loin de cette pratique morale, éthique, de l’État, et je souhaite pour ma part que nous y revenions.
Le rapport de la Cour des comptes publié en juillet dernier est édifiant. La présence de Nicolas Sarkozy à l’Élysée nous a ainsi valu, entre autres exemples, une dépense de 260 millions d’euros – gardons toujours à l’esprit les 4 millions d’euros d’économies proposées – pour l’achat d’un Airbus présidentiel, dont le seul aménagement intérieur a coûté 62 millions d’euros, avec – détail croustillant – des rideaux motorisés, pour que personne n’ait dans la cabine à faire l’effort de les tirer, qui ont coûté – écoutez bien, monsieur Geoffroy, vous qui êtes un fonctionnaire et connaissez la valeur de l’argent public –…
M. Guy Geoffroy. Vous en êtes un autre !
M. Jean-Pierre Brard. …310 245 euros, ou encore l’installation de fours haut de gamme pour un montant de 75 000 euros. Pensez au micro-ondes que vous avez récemment acheté chez Darty, monsieur Geoffroy !
M. Dino Cinieri. C’est n’importe quoi !
M. Jean-Pierre Brard. N’importe quoi mais pas à n’importe quel prix !
M. Dino Cinieri. Nous ne sommes pas allés regarder les comptes de Mitterrand !
M. Jean-Pierre Brard. Les turpitudes des uns n’excusent jamais les turpitudes des autres ! Votre insistance à vouloir dissimuler celles de l’actuel Président de la République commence à me rendre suspicieux.
M. Guy Geoffroy. Comme si vous aviez besoin de ça !
Mme la présidente. Il va bientôt falloir conclure, monsieur Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Citons encore la construction de douches au Grand Palais, à l’occasion d’un sommet de l’Union pour la Méditerranée, pour un montant de 245 000 euros, ou encore les 251 000 euros du budget de fleurs de l’Élysée et les 383 000 euros d’achats de journaux, ce qui prouve que, si le Président ne lit pas beaucoup de livres, il lit beaucoup la presse…
M. Philippe Richert, ministre. Il n’a pas de leçons à recevoir en matière de lecture !
M. Jean-Pierre Brard. Il pourrait peut-être même donner des leçons en matière de lecture de mangas, je le reconnais volontiers !
M. Philippe Richert, ministre. Ses connaissances livresques vont bien au-delà de ce qu’on imagine !
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure, monsieur Brard !
M. Jean-Pierre Brard. Madame la présidente, j’ai été interrompu, y compris par le ministre, mais je vais vers ma conclusion.
M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Ah !
M. Jean-Pierre Brard. Le Premier ministre a annoncé le gel de la rémunération des ministres et du Président de la République, mais ce n’est qu’une conséquence logique du gel du point d’indice de la rémunération des fonctionnaires et nullement une mesure nouvelle. Nous n’oublions pas non plus les considérables augmentations qui ont précédé cette mesure.
Monsieur le ministre, il est nécessaire de remettre à plat le financement des partis politiques, de mieux tenir compte du nombre d’électeurs dans le calcul de leurs dotations, alors que le mode de calcul actuel met à parité le nombre d’électeurs et le nombre de parlementaires. Il s’appuie sur un système électoral complètement injuste qui ne tient pas compte de la réalité de la volonté des électeurs. Nous n’avons pas, comme en Allemagne – votre référence privilégiée –, un système proportionnel, où un égale un.

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Jean-Pierre
Brard

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