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Discussions générales

Simplification du droit et allègement des démarches administratives

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous en sommes à sept propositions de loi dites de simplification du droit depuis 2002, propositions que j’aurais tendance à baptiser « Aux cavaliers législatifs réunis » ! Ce texte, derrière une légitime revendication de « simplification juridique », répond à plusieurs demandes émanant des lobbies.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Oh !
Mme Martine Billard. Sous prétexte d’être au service de la croissance, il est éloigné des attentes sociales et environnementales de nos concitoyens.
Je m’exprimerai, en premier lieu, sur les articles touchant aux questions de l’environnement. Ainsi, à l’article 55, le texte issu du travail des commissions vient affaiblir considérablement la portée des règlements locaux de publicité en retardant à six ans l’entrée en vigueur de leurs dispositions, et ce alors que la réforme du code de l’environnement adoptée par la loi Grenelle II avait trouvé un équilibre en la matière. Ce délai de six ans pour l’entrée en vigueur des règlements locaux de publicité – alors que la loi de 1979 a prévu une mise en conformité des dispositifs publicitaires, pré-enseignes et enseignes dans un délai de deux ans – tue le dispositif même. Il dissuade les maires et présidents d’EPCI d’instaurer un tel dispositif, qui pourrait être plus protecteur du cadre de vie que la réglementation nationale si les nouvelles règles locales – réduction du nombre de panneaux ou de leurs tailles – n’entrent en vigueur qu’après les élections municipales suivantes, et ce d’autant plus que la possibilité d’aménagement du délai de six ans par décret est d’emblée exclue pour les enseignes. Cette concession aux lobbies des annonceurs est vraiment scandaleuse. Ainsi, les quartiers de relégation sociale, sont-ils condamnés à n’être que des jungles d’enseignes publicitaires géantes au service d’une société du consommer toujours plus, alors même que les habitants modestes de ces quartiers sont exclus de cette consommation, sans que les pouvoirs municipaux aient les moyens de défendre leur cadre de vie.
De même, l’article 56 bis prévoit que les activités pratiquées selon les engagements spécifiques d’une charte Natura 2000 sont dispensées d’une évaluation au titre des incidences Natura 2000, alors qu’il convient de garder une évaluation au cas par cas, ne serait-ce que pour ne pas exposer la France à des risques de contentieux communautaires, si ce n’est pas la précaution environnementale qui vous motive.
Par ailleurs, l’obligation faite d’un cinquième essieu pour les camions de quarante-quatre tonnes, prévue au nouvel article 72 bis, va augmenter l’impact des camions sur la chaussée et le prix à payer par la collectivité pour l’entretien, tout en encourageant par là même le fret sur route, dissuadant le développement de transports alternatifs par report modal vers le rail et le fluvial. Ici encore, le lobby des camions a eu raison des engagements du Grenelle et de l’impératif de transition vers une économie décarbonée.
M. Michel Issindou. Ce n’est pas faux !
Mme Martine Billard. Concernant les articles relatifs au code du travail, vous continuez à grignoter les droits des salariés, votre grande spécialité depuis 2002 ! Heureusement, certains articles – les articles 28 et 47, par exemple – modifiant discrètement les seuils ont été supprimés en commission.
L’article 48, dans sa nouvelle rédaction, est certes moins inacceptable que le texte d’origine, mais demeure encore fort discutable.
L’article 39 bis crée un énième dispositif de négociation des minima salariaux de branche. Il en est des minima de branche comme de l’égalité salariale femmes-hommes : arrêtons avec les obligations de négociations qui tournent en rond ! Venons-en aux obligations de résultat, qui ne sont malheureusement pas contenues dans cette proposition !
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Cet article a été voté à l’unanimité !
Mme Martine Billard. Sur l’encadrement du télétravail, introduit après l’article 40, il est important que le refus d’accepter un tel poste ne soit pas une cause de rupture du contrat de travail. Relevons tout de même l’ambiguïté de la notion « de circonstances exceptionnelles, notamment la menace d’épidémie », en vertu de laquelle la mise en œuvre du télétravail est considérée comme un simple aménagement du poste de travail, faisant sauter les protections censées être introduites par l’article même. Cet alinéa, que l’on pourrait appeler « alinéa grippe A », est un aménagement exigé par un certain nombre d’employeurs au moment de l’épidémie de la maladie du même nom.
Nous demandons la suppression des articles 33 et 34. Sous couvert d’harmonisation de la définition des seuils d’effectifs entrant dans la détermination de la majoration de la réduction de cotisations sociales employeurs, l’article 33 étend le champ des entreprises bénéficiant du coefficient majoré de la réduction des cotisations sociales « dite Fillon ». Cela va bien au-delà de la simplification du droit et prive la sécurité sociale de 20 millions de recettes. Quant à l’article 34, il étend le champ des groupements d’employeurs auquel est appliqué le coefficient maximal de la réduction de cotisations sociales. Là encore, l’article va au-delà de la simplification du droit et prive également la sécurité sociale de recettes.
L’article 40 va à l’encontre de la décision de la Cour de cassation mettant en œuvre les droits fondamentaux des salariés en matière de vie personnelle et de vie familiale. Nous prenons acte de la suppression du premier alinéa, mais nous demandons la suppression de l’ensemble de l’article. En posant le principe selon lequel « la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail » – alinéa 3 non supprimé en commission –, l’article 40 va à l’encontre de la jurisprudence. Il ne se contente pas de simplifier le droit, mais il le modifie dans un sens défavorable au salarié.
Enfin, l’article 46 introduit, contre l’avis même de la direction générale du travail, un nouveau seuil, celui de onze salariés et affaiblit le dispositif des CHSCT et de la santé au travail.
Nous ne pouvons, en conséquence, accepter que de tels cavaliers législatifs aient été introduits contre l’intérêt des salariés et contre l’intérêt de l’environnement, sous couvert de « simplification du droit ». (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Martine
Billard

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