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Application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution & Prorogation du mandat des membres de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

Présentés par le Gouvernement comme de simples projets de loi de coordination et d’actualisation, les deux textes dont nous débattons soulèvent pourtant de réelles difficultés, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, le projet de loi organique tire les conséquences d’ordonnances qui n’ont pas encore été ratifiées, sur des sujets aussi importants que la police des jeux ou l’organisation du réseau de transports.

En outre, il prend acte – encore mieux que l’anticipation d’un vote de ratification ! – de dispositions législatives n’ayant pas même été adoptées par l’Assemblée nationale, notamment le projet de loi relatif à l’audiovisuel, qui prévoit la fusion de la HADOPI et du CSA. Il s’agit là d’une curieuse méthode, qui témoigne – une fois encore – d’un mépris certain du Parlement !

J’en viens à présent au fond. Les textes du Gouvernement produiront un affaiblissement du contrôle parlementaire sur les nominations à certains emplois publics. Une telle évolution va à l’encontre du rôle confié au Parlement dans ce domaine. Celui-ci est pourtant relativement récent : il résulte de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, dont l’un des effets a été d’encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République.

À l’heure actuelle, ces nominations sont repoussées si l’addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés en leur sein. À nos yeux, cette disposition est insuffisante.

Nous considérons qu’il est nécessaire d’aller plus loin, en substituant au système de veto en vigueur un système reposant sur la majorité de votes favorables des trois cinquièmes des membres des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Au demeurant, cette proposition de bon sens a été formulée au mois d’octobre 2015, lors de la remise du rapport du groupe de travail de l’Assemblée nationale sur l’avenir des institutions, présidé par MM. Claude Bartolone et Michel Winock.

Or non seulement les textes que nous examinons aujourd’hui ne vont pas dans ce sens, mais ils vont dans le sens contraire, en réduisant le périmètre du contrôle parlementaire sur certains emplois publics pourtant particulièrement importants pour la vie économique et sociale de la nation.

S’agissant de La Française des jeux, vous arguerez en toute logique, madame la secrétaire d’État, que la suppression du contrôle de la nomination de son PDG tire les conséquences juridiques de sa privatisation. Mais vous devrez alors nous concéder que c’est aussi en toute logique que nous nous opposons au dessaisissement du Parlement, comme nous nous sommes opposés à la privatisation de La Française des jeux.

J’ajoute que ce dispositif contredit – il suffit de se reporter au compte rendu de nos débats – les propos du ministre Le Maire, qui nous avait assuré, lors de l’examen de la loi PACTE, que l’État, en tout état de cause, demeurerait maître de la gouvernance de La Française des Jeux une fois celle-ci privatisée.

Quant à la réduction du périmètre du contrôle sur la nomination des dirigeants de la SNCF, elle pose un problème majeur. Avec la réorganisation de celle-ci, une seule personne sera soumise à cette procédure de contrôle, le directeur général de la société nationale, contre trois actuellement.

Le contrôle parlementaire s’en trouvera fragilisé, notamment si la société mère décide de dissocier les fonctions de directeur général, d’une part, et celles de président du conseil d’administration, d’autre part. Dans cette hypothèse, seule la nomination du directeur général sera soumise à l’avis préalable des commissions parlementaires.

Surtout, le Parlement perdra tout droit de regard sur la gouvernance du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire – SNCF Réseau –, ce qui constitue un recul particulièrement inacceptable dans un contexte d’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire.

Certes, nous notons quelques ajouts positifs à la liste des nominations, notamment le président de la Commission d’accès aux documents administratifs et le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, issus des débats et du vote du Sénat. Nous notons également l’insertion dans le tableau annexé au projet de loi organique, en commission des lois, grâce à une initiative du groupe La France insoumise, du directeur général de l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé, et de celui de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

Toutefois, ces avancées ne modifient pas le regard que nous portons sur le projet de loi organique et sur le projet de loi ordinaire. À nos yeux, tous deux participent à la dévalorisation du Parlement, relégué dans un rôle de chambre d’enregistrement, et auront pour effet d’affaiblir le contrôle parlementaire sur la nomination des dirigeants d’entreprises stratégiques. Nous en tirerons les conséquences et voterons contre les deux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

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