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Conditions mise sur le marché de certain produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire

Je livrerai d’abord un sentiment, celui d’une double régression, l’une environnementale et l’autre démocratique. Quinze années nous séparent de l’adoption du projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l’environnement : ce texte contrevient à ses articles 2 à 5. Quatre années nous séparent de l’adoption de la loi pour la reconquête de la biodiversité : ce texte contrevient à son article 2, affirmant le principe de non-régression du droit de l’environnement.

Monsieur le ministre, vous faites aujourd’hui fi de ces textes fondateurs. Beaucoup ici considèrent qu’il ne s’agit que d’une concession minime, voire marginale, et qu’il faut bien en passer par là face à une urgence économique. Pour ma part, j’en appelle à la responsabilité et à la mesure. La dangerosité des néonicotinoïdes a-t-elle reculé depuis 2016 ? Non. Des preuves scientifiques sont-elles venues remettre en cause les études prouvant leur effet sur les pollinisateurs et l’environnement ? Non, au contraire.

En vous entendant, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, justifier le retour de l’autorisation des néonicotinoïdes, j’ai été pris d’une interrogation légitime : votre majorité sera-t-elle prête à voter pour ce retour, quoi qu’il en coûte, jusqu’à s’affranchir des règles constitutionnelles de la loi commune et de notre droit de l’environnement ? (M. Cédric Villani applaudit.)

J’ai conscience, monsieur le ministre, de la charge qui pèse sur vos épaules. Commencer dans vos fonctions, en l’absence remarquable de la ministre de la transition écologique, en essayant de faire voter un tel concentré du renoncement environnemental de ce gouvernement, vous oblige à vous livrer à de terribles contorsions.

Contorsions pour faire passer les conséquences de la libéralisation d’un marché agricole pour une simple impasse agronomique.

Contorsions pour invoquer sans cesse la souveraineté alimentaire tout en continuant à appuyer sur l’accélérateur des mises en concurrence et des dumpings par le biais d’accords de libre-échange.

Contorsions pour prétendre défendre des producteurs et leurs revenus agricoles, alors que l’on renonce, au niveau national comme au niveau européen, à les protéger grâce à des outils et à des interventions publiques.

Contorsions pour défendre l’emploi de la filière de transformation sucrière, alors que rien n’a été fait pour éviter la disparition cette année de quatre des vingt-cinq sucreries implantées sur le territoire national.

Contorsions pour affirmer être impuissants à accompagner la transition et à assurer l’indemnisation des pertes de récoltes, tout en refusant de mettre en place un véritable régime public d’assurances contre les risques climatiques, sanitaires et environnementaux, ainsi que le groupe GDR l’a proposé dans une proposition de loi que je vous ferai passer.

Contorsions enfin quand, sur le plan strictement agronomique, vous soutenez qu’il n’y a pas de solution de rechange à l’utilisation des néonicotinoïdes alors qu’en même temps, vous affirmez que les solutions passent par le biocontrôle, les changements de pratiques culturales, l’implantation de haies, les auxiliaires de culture.
Ce faisant, vous ne démontrez qu’une chose : votre projet de loi ne vise pas à répondre à un problème agronomique, il tend à essayer de sortir par l’abaissement de nos normes environnementales de l’impasse dans laquelle la politique libérale a placé les producteurs en ouvrant le marché du sucre à tous les vents.

Je sais que vous vous en défendez en refusant d’endosser la responsabilité de la suppression des quotas en 2017. Mais quelle politique défendez-vous actuellement comme ministre ? Défendez-vous, comme nous, l’arrêt des accords de libre-échange ? Soutenez-vous, comme nous, le retour de la régulation des marchés et des volumes pour toutes les grandes productions au niveau communautaire ?

Agissez-vous pour garantir des prix d’achat suffisants aux planteurs, ce qui est une condition impérative de la pérennité de la production ?

Monsieur le ministre, plutôt que de vous déplacer des vertèbres par ces multiples contorsions, il serait plus simple et plus efficace de retirer ce texte de régression, afin que nous trouvions collectivement les moyens d’accompagner durablement nos betteraviers, tout en faisant une analyse précise et objective de la situation des marchés du sucre, de nos outils industriels et de transformation.

Je vous le dis avec solennité : si vous faites ces choix-là, nous sommes prêts à vous accompagner, mais nous n’accepterons en aucun cas les abandons que représente ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SOC et FI.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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