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Débat sur les avantages fiscaux donnés aux Français depuis 2017

Suppression de l’ISF, instauration d’une fiscalité proportionnelle à 30 % sur les revenus du capital, doublement du CICE en 2019, quasi-extinction de l’exit tax, défiscalisation des actions gratuites et renforcement du régime des impatriés, flexibilisation du marché du travail, zéro cotisation patronale au niveau du SMIC, réduction de la taxe sur les transactions financières, baisse de l’impôt sur les sociétés sans ciblage ni condition, voilà ce qui nous réunit ce soir, mes chers collègues !
Effectivement, la liste est longue. Tellement longue qu’il est probable qu’elle soit lacunaire – qu’il y ait quelques trous dans la raquette, comme on dit. Jouons cartes sur table et partageons ce constat, incontestable : notre pays n’a jamais autant fait, en aussi peu de temps, pour un si petit nombre !
Depuis la prise de fonction de cette majorité en 2017, les réformes fiscales ont été menées tambour battant. Un tel volontarisme politique, mis exclusivement au service du règlement des prétendues difficultés des plus aisés ne pouvait que provoquer ressentiment et colère chez nos concitoyens. Malgré les mises en garde, nombreuses et d’origines diverses, une certaine forme de suffisance, pour ne pas dire de mépris, vous a conduits à aligner les réformes, sans vous rendre compte que vous dansiez sur un volcan. Une étincelle suffisait. La hausse des taxes sur les carburants a été le facteur déclenchant d’une déflagration sociale inédite. Vous cherchiez 3 milliards d’euros et, plutôt que de les financer par le rétablissement de l’ISF, vous avez fait le choix de faire matraquer ceux de nos concitoyens qui n’ont, bien souvent, pas d’autre choix que la voiture pour leurs déplacements quotidiens. L’injustice de votre projet fiscal atteignait ainsi son paroxysme, et il aura fallu une mobilisation inédite pour vous faire reculer.
Bien entendu, la colère a été décuplée par les mesures fiscales adoptées à partir de l’automne 2017, mais son origine est antérieure : elle est le fruit de la politique de l’offre mise en application dans notre pays depuis quinze ans. Une politique qui tourne le dos aux aspirations populaires et aux attentes de nos territoires, mais aussi aux valeurs de la République. Une politique qui porte l’injustice en son cœur, opérant un transfert inédit de fiscalité.
C’est d’abord un transfert des entreprises vers les ménages. Le CICE en est l’illustration : ce sont nos concitoyens qui l’ont payé et continueront à le payer, par des services publics dégradés, une CSG augmentée, une fiscalité sur les carburants renforcée.
C’est aussi un transfert de fiscalité des ménages les plus aisés vers les classes moyennes et populaires. La disparition de l’ISF en est un symbole, le poids grandissant de la CSG et de la TVA en est un autre. À rebours de ces évolutions qui sapent le consentement à l’impôt, les députés communistes ont fait le choix d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée, le 7 mars prochain, une proposition de loi visant à rétablir l’ISF et à renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu. (« Très bien ! sur les bancs du groupe GDR.)
Mes chers collègues, nous avons, vous avez aujourd’hui une responsabilité immense pour sortir le pays de l’ornière. Il nous revient, il vous revient d’offrir une porte de sortie digne à ce mouvement social et de prendre les mesures qu’attendent nos concitoyens. Les tours de passe-passe, les usines à gaz et autres lectures partisanes ne suffiront pas. Prenez enfin de la hauteur !
Le cadre du grand débat montre que les leçons n’ont, semble-t-il, pas été retenues. Les questions rapides sélectionnées dans la thématique « Fiscalité et dépenses publiques » sont une caricature de néolibéralisme. Je vous invite tous à y jeter un coup d’œil. Dès la première question, vous cédez à la fable qui revient à comparer l’État à un ménage lambda qui vivrait au-dessus de ses moyens. Or les faits montrent que l’État n’est pas un agent économique comme les autres, tout simplement parce qu’il détermine « son niveau de rémunération » à travers l’impôt qu’il lève.
Nous avons droit, ensuite, à la deuxième question, au célèbre triptyque « Baisse des impôts, réduction de la dette et diminution des dépenses publiques ».
Quant à la troisième question, elle pourrait être reformulée ainsi : « Quelle politique publique voulez-vous sacrifier ? La défense ? L’éducation ? L’environnement ? »
Ces interrogations sont à des années-lumière de celles formulées par les concitoyens que j’ai rencontrés ces dernières semaines, et qui m’ont parlé justice fiscale, accès au service public, égalité républicaine. Une telle lecture partisane de la mobilisation citoyenne risque fort de cliver plus encore notre pays. (Applaudissements et « Rendez-vous le 7 mars ! » sur les bancs du groupe GDR.)

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Jean-Paul
Dufrègne

Député de l' Allier (1ère circonscription)

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