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Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire - lect. déf.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, vous l’avez compris en écoutant André Chassaigne tout à l’heure : nous ne partageons pas du tout votre optimisme quant à l’efficacité de ce texte, que le Sénat vient d’ailleurs de rejeter en bloc.
Je tiens à souligner votre implication personnelle – personne ne le contestera – depuis le début de ce marathon législatif : vous n’avez pas ménagé votre peine, chacun le reconnaît, mais, sur le fond, le compte n’y est pas du tout.
Un agriculteur de ma circonscription m’a dit l’autre jour d’une manière abrupte : « Au final, cette loi ne casse pas trois pattes à un canard ; elle ne changera pas grand-chose pour nos prix. » La faute en revient à votre refus incompréhensible, obstiné, d’introduire dans le débat fondamental sur la fixation des indicateurs du coût de production le moindre début de commencement de régulation.
Vous avez même rejeté les propositions consensuelles visant à placer l’Observatoire de formation des prix et des marges en position de juge de paix en matière d’indicateurs de prix. Dans les relations commerciales déséquilibrées entre les 470 000 agriculteurs, les 18 000 entreprises de transformation – pour la plupart des PME – et les quatre centrales d’achat de la distribution, vous refusez toute forme d’arbitrage extérieur et vous n’hésitez pas non plus à caricaturer nos propositions en parlant d’« économie administrée ». Non, monsieur le ministre, chers collègues, je tiens à vous rassurer : l’Observatoire de la formation des prix n’est pas le Gosplan ! Penser que l’interprofession sera en mesure de réguler tout cela relève, selon nous, de l’angélisme !
Sur cette question essentielle pour l’avenir de notre modèle agricole, pour le maintien des exploitations et leur transmission, pour les emplois dans l’agriculture, l’État se dérobe une nouvelle fois face à ses responsabilités de producteur de prix rémunérateurs. C’est pourtant la question essentielle, urgente, vitale pour notre agriculture, où la crise n’est pas virtuelle !
Je n’ai pas les mêmes références que mon copain Ruffin ; je ferai quant à moi référence à Roule galette. Votre texte m’a fait penser à cette histoire que l’on raconte à nos enfants. En l’occurrence, dans le rôle de la galette : la loi EGALIM, pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous ; dans celui du renard, la grande distribution. À la fin, c’est le renard qui avale tout cru la galette. Nous vous le disons : la politique du renard libre dans le poulailler libre ne permettra pas de faire avancer la politique de construction des prix. Depuis les EGA, le Président de la République promettait de la faire avancer, et nous assistons à une lente marche arrière. L’ensemble des mesures du texte, censé assurer le rééquilibrage de la répartition de la valeur de la chaîne de l’alimentation au profit des producteurs, est frappé du même risque d’impuissance.
On attend les détails des ordonnances, prévues pour novembre, sur l’encadrement des promotions, sur l’obligation faite aux distributeurs de revendre les produits alimentaires 10 % de plus que le prix d’achat – le fameux seuil de revente à perte. Mais l’annonce du renard ne vous a pas échappé : ces mesures ne ruisselleront pas jusqu’aux poches des agriculteurs – d’ailleurs, nous le savons, dans ce domaine comme dans d’autres, la philosophie du ruissellement ne marche pas.
La deuxième partie du texte, celle qui a trait à l’évolution de notre modèle agricole et s’appuie sur les attentes légitimes, fortes, de nos concitoyens en matière de qualité des produits et de conditions de production, déçoit également. Elle présente certes quelques avancées : les repas bio dans les cantines, les filières courtes, mais les renoncements sont là, s’agissant par exemple des petites fermes, de l’architecture d’ensemble, afin de dessiner une transformation plus globale, plus efficace de notre modèle agricole.
En ce qui concerne le glyphosate, là encore, nous avons formulé des propositions concrètes, que vous avez refusées, et nous avons voté des amendements hors de toute posture politicienne afin d’en sortir et de privilégier les mesures d’accompagnement des agriculteurs. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Monsieur le ministre, j’espère parler dans le silence.
M. le président. On écoute M. Jumel, s’il vous plaît !
M. Sébastien Jumel. Pour conclure, je voudrais vous faire part de plusieurs regrets.
À l’heure où vous vous apprêtez à présenter un budget d’austérité pour l’agriculture, en baisse de 10 %, à l’heure où la PAC est menacée, fragilisée, à l’heure où les accords internationaux de libre échange signés en catimini vis-à-vis des peuples, renforcent la concurrence déloyale et le dumping social et environnemental, à l’heure où les emplois saisonniers dans l’agriculture sont fragilisés, à l’heure où la sécheresse frappe – Jean-Paul Dufrègne a rappelé combien elle frappe fort en Ardèche –, ce texte ne tient pas la promesse des états généraux de l’alimentation. Certains l’ont dit mi-chèvre mi-chou, mais, en fait, il n’est ni chèvre ni chou : c’est un texte mou, contre lequel nous voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe FI.)

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Sébastien
Jumel

Député de Seine-Maritime (6ème circonscription)

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