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Indemnisation des victimes du valproate de sodium (Dépakine)

Le valproate de sodium est la substance active de la Dépakine, commercialisée en 1967 par le laboratoire Sanofi pour soigner principalement des troubles neurologiques, notamment l’épilepsie. Des milliers d’enfants, exposés in utero, seraient atteints d’au moins une malformation majeure, de retards intellectuels et d’autisme, autant de vies ébréchées. Or, dès le milieu des années 1980, l’inspection générale des affaires sociales alertait sur les risques d’autisme. Il faudra pourtant attendre 2016 pour que ce médicament soit formellement interdit aux femmes enceintes.

L’association de défense des victimes de la Dépakine a entrepris sa première action de groupe contre Sanofi en octobre 2017. En appel, Sanofi a été condamné à verser 2 millions d’euros à la famille d’une victime et 1 million d’euros à la caisse primaire d’assurance maladie. Pour les autres victimes, la seule possibilité de percevoir une indemnisation passe par le fonds mis en place par le ministère de la santé en 2017.

La présente proposition de résolution procède d’une inquiétude quant à la faible mobilisation de ce dispositif au regard de l’ampleur des dégâts supposés. Ce n’est pas une anomalie budgétaire qu’il convient de réparer : c’est un défaut de justice. Il est essentiel que des gestes de réparation soient produits, non seulement dans l’intérêt des victimes, mais aussi pour que l’ensemble des acteurs du médicament soient appelés à s’entourer, sans retard, de garanties suffisantes dans l’ensemble de leurs activités.

Sanofi refuse toujours obstinément d’assumer sa part de responsabilité et fait par conséquent peser l’ensemble des coûts de l’indemnisation sur les finances publiques, donc sur les contribuables

Il est donc inenvisageable de laisser ce fonds dysfonctionner. Puisque les liens de cause à effet ont été établis, on ne peut qu’approuver toute mesure visant à simplifier la procédure. La fusion des deux instances d’instruction du dossier peut être un début de solution, à condition toutefois que l’on ait l’assurance que les dossiers seront examinés rapidement mais sérieusement, sans contestation possible.

L’exposé des motifs évoque aussi la complexité des dossiers à constituer, complexité telle que le recours à un avocat, à la charge des victimes, est souvent nécessaire. Il est dommage que la proposition de résolution ne formule pas de recommandations visant à simplifier les démarches des victimes. Néanmoins, la présentation d’un rapport par le Gouvernement au Parlement en septembre prochain, que vous avez évoquée, madame la rapporteure spéciale, sera l’occasion de le faire. Au-delà, on peut s’interroger sur la nécessité de déployer une démarche plus proactive, consistant à aller chercher les possibles ayants droit.

Enfin, la proposition de résolution demande que le budget soit réévalué, car Sanofi refuse toujours obstinément d’assumer sa part de responsabilité et fait par conséquent peser l’ensemble des coûts de l’indemnisation sur les finances publiques, donc sur les contribuables. Pourtant, ce ne sont pas les ressources qui lui font défaut, puisque le groupe aurait versé près de 3,5 milliards d’euros de dividendes en 2017.

À ce stade, on ne peut que s’interroger sur le retard pris par la puissance publique à se retourner contre le fabricant. Les grands groupes pharmaceutiques représentent aujourd’hui une véritable puissance et, de par leur position, jouent un rôle exorbitant et indu dans le déploiement des politiques de santé. La situation présente souligne à nouveau la nécessité d’avancer vers un pôle public du médicament, pour que nous ne soyons plus dépendants des laboratoires privés, de leurs actionnaires et des logiques financières qui prévalent pour eux. S’il le fallait, les pénuries répétées ont remis le sujet sur la table.

En l’espèce, l’État a les moyens de contraindre le laboratoire Sanofi à indemniser les victimes, comme il l’a fait avec Servier dans l’affaire du Mediator. En 2011, une procédure spéciale pour les patients victimes du Mediator a été créée au sein de l’ONIAM. Or le laboratoire Servier refusait alors tous les dossiers. En 2016, une loi imposant le réexamen des dossiers rejetés a été votée.
Aujourd’hui, les personnes souffrant des atteintes les plus graves ont enfin obtenu une indemnisation, grâce à des décrets pris par l’État pour obliger le laboratoire à proposer des niveaux d’indemnisation à la hauteur du préjudice subi. De plus, si la victime n’est pas satisfaite, elle peut toujours demander à l’ONIAM de réparer correctement le préjudice. Celui-ci se retournera alors contre le laboratoire pour être remboursé, avec une pénalité de 30 %. Servier a donc eu tout intérêt à faire d’emblée une offre décente.

Peut-être est-ce précisément cette voie que la proposition de résolution appelle à emprunter, pour que les victimes et leurs familles soient enfin indemnisées à la hauteur du préjudice subi. En tout état de cause, il ne s’agit en aucun cas d’en rabattre. Nous voterons donc la proposition de résolution. (Applaudissements sur quelques bancs.)

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

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