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Justice de proximité et réponse pénale

Nous partageons tous, ici, un objectif : rendre une justice qui respecte les droits de la défense et des parties civiles en répondant à la hauteur des actes commis, cela dans les meilleurs délais. Nous défendons une justice qui permette de réparer le délit commis envers la victime mais qui permette aussi au coupable, une fois sa peine réalisée, de se réinsérer dans la société.

Vous évoquez, monsieur le ministre, la justice de proximité que vous souhaitez. La présente proposition de loi entend aller dans ce sens et nous en partageons le dessein. Toutefois, nous nous interrogeons : au nom de l’efficacité et de la rapidité, le texte ne porte-t-il pas atteinte aux droits des parties prenantes ?

Les crédits de la mission « Justice », dans le projet de loi de finances pour 2021, sont en hausse de 8 %, une augmentation que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a légitimement saluée. Toutefois, ce budget apparaît surtout comme une première étape du rattrapage dont la justice a besoin.

Nous ne partageons pas l’idée qui tendrait à faire croire que nous pouvons rendre une justice plus rapide et plus juste sans lui en donner les moyens humains nécessaires. Si les délais de traitement des affaires apparaissent beaucoup trop longs, ce n’est pas en ayant recours massivement aux alternatives aux poursuites que nous augmenterons la qualité de la réponse pénale rendue.

La personne qui commet une infraction a besoin d’une réponse à la hauteur de l’acte commis pour qu’elle comprenne son geste et pour l’empêcher de récidiver. Ces réponses demandent une réflexion sereine de la part des procureurs et le temps requis pour examiner correctement les dossiers. Or les procureurs et les substituts sont trop peu nombreux et nous craignons que le nombre de postes qu’il est prévu de créer ne soit pas suffisant pour répondre à cet élargissement de leurs prérogatives.

Nous ne devons pas non plus minorer la place de la victime, qui a, elle aussi, besoin d’une vraie réponse pénale et d’une réparation qui tienne compte du préjudice subi.

Nous nous interrogeons également sur la création d’une « contribution citoyenne », qui s’apparente en réalité à une amende et sur la vérification de son recouvrement. Aussi regrettons-nous que la proposition de loi ne renforce pas les solutions de contrôle des réponses prononcées dans le cas des alternatives aux poursuites.

Toutefois, l’élargissement du champ des mesures visées par le texte présente des avancées. Nous sommes bien évidemment favorables à la réparation des dommages causés, à l’interdiction de rencontrer des complices ou encore à l’interdiction de chercher à entrer en contact avec les victimes. Mais nous savons aussi que les alternatives aux poursuites ne représentent pas les mêmes garanties que les poursuites elles-mêmes et nous ne pouvons pas nous satisfaire de situations où le droit des justiciables et celui des victimes ne serait pas respecté.

Nous nous interrogeons également sur la déjudiciarisation des travaux d’intérêt général en confiant leurs modalités et leur application au service pénitentiaire d’insertion et de probation plutôt qu’au juge d’application des peines. Même si, dans les faits, cette procédure est souvent appliquée, elle n’est que le reflet d’un manque de moyens donnés aux juges. Le gain de temps que vous recherchez apparaît donc minime et, dans ce contexte, nous ne sommes pas favorables à un nivellement par le bas des procédures adoptées. Sans garantie de suivi ni de contrôle, ces procédures de déjudiciarisation pourraient à terme dégrader le pouvoir et l’action de la justice, à l’inverse de ce que nous souhaitons. Le législateur doit s’assurer du fonctionnement d’une justice humaine et protectrice des libertés et des droits.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la notion utilisée ici de justice de proximité, car il s’agit de recours aux procédures pénales et non de justice civile. Nous pensons qu’il y a un véritable lien à restaurer entre les citoyens et la justice. En ce sens, nous regrettons la suppression des tribunaux de proximité et la perte des effectifs qu’elle a entraînée, notamment en ce qui concerne les juges de proximité et les greffes.

En juillet dernier, le Premier ministre Jean Castex a annoncé lors de son discours de politique générale le retour des juges de proximité à partir de 2021. Si nous avons entendu que le Gouvernement cherchait à rapprocher les citoyens de la justice et à pallier les déserts judiciaires, les annonces faites restent floues ; nous ignorons quels tribunaux en seront dotés et quelles seront précisément leurs missions. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, deuxième juridiction de France, les magistrats, greffiers et avocats nous alertent depuis des années sur le manque de moyens humains et matériels et, malgré de premières avancées, il est urgent d’y apporter des réponses pérennes.

Aussi, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’abstiendra-t-il sur ce texte. (M. Hubert Wulfranc et M. Pierre Dharréville applaudissent.)

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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