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PLFR 2018 - Nlle lect.

Le budget rectificatif que nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture porte assez mal son nom. Il s’agit d’un budget de confirmation plus que de correction, tant il rectifie peu les choix politiques et budgétaires que vous avez faits l’an dernier – des choix favorisant le petit nombre et pénalisant le grand nombre.
L’année 2018 est la première année pleine de cette majorité et de l’exécutif. C’est l’année au cours de laquelle la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune est entrée en vigueur. Le péché originel du quinquennat de François Hollande était de ne pas avoir renégocié le traité budgétaire européen alors qu’il s’était engagé à le faire ; le vôtre, c’est d’avoir voté un budget des riches pour 2018, en supprimant l’ISF et en instaurant une flat tax à 30 % sur les dividendes. C’est votre péché originel car, dans le même temps, vous vous en êtes pris à l’immense majorité de nos concitoyens pour financer ces cadeaux fiscaux : je pense à l’augmentation de la CSG, à la hausse des taxes sur les carburants et sur le tabac, ainsi qu’à la diminution des prestations sociales. L’injustice de ce budget pour 2018 va vous coller tout au long de ce quinquennat comme le sparadrap colle aux doigts du Capitaine Haddock. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Aucun remords, aucun regret. À vrai dire, ce choix semble assumé. Vous restez droits dans vos bottes et, au plus haut sommet de l’État, on n’hésite pas à assurer le service après-vente des mesures adoptées l’an dernier : lors de son déplacement en Belgique, la semaine dernière, le Président de la République n’a-t-il pas qualifié de « bonnes » les raisons qui avaient conduit certains de nos concitoyens à aller s’installer outre-Quiévrain ? Ce faisant, il donne un blanc-seing, octroie sa bénédiction et offre un repentir « clés en main » à celles et ceux qui avaient quitté notre pays pour des raisons fiscales. Quel remarquable exemple : l’argent avant les gens ! Exilez-vous, vous serez pardonnés de vos péchés ! C’est bien cette orientation politique, qui pousse les plus hautes autorités de notre pays à faire des courbettes aux puissants, qui donne tant de crédit à la mobilisation de nos concitoyens, samedi dernier à Paris et ailleurs, mais aussi dans nos hôpitaux avec le mouvement des infirmières et infirmiers, et dans nos tribunaux avec le mouvement des avocats.
Faute de perspectives positives, en l’absence d’un horizon qui tendrait à s’éclaircir, la colère monte, les fractures qui traversent notre pays, qu’elles soient économiques, sociales, territoriales ou culturelles, se renforcent. Disons-le avec force : l’injustice de votre projet politique est le carburant de la colère qui monte dans le pays. Plutôt que de souffler sur les braises en prenant de haut cette exaspération, c’est bien d’une refondation de notre pacte social et républicain que nous avons besoin. Tel était l’objectif des députés communistes tout au long de nos discussions budgétaires : créer les conditions d’un vivre-ensemble, que l’on soit urbain ou rural, jeune ou moins jeune, riche ou moins riche.
La cohésion sociale ne se décrète pas : elle se fait par des actes concrets et des mesures fortes, mais aussi par des symboles. Ainsi avons-nous proposé, pour financer la transition écologique, ce grand débat du moment, l’instauration d’un impôt de solidarité pour la planète, l’ISP, véritable innovation budgétaire applicable aux grands groupes et offrant un rendement annuel de l’ordre de 5 milliards d’euros.
Cette mesure, balayée d’un revers de main dans nos discussions, est pourtant juste et légitime. Elle est juste sur le plan fiscal, car le taux d’imposition effectif des grands groupes, c’est-à-dire le montant d’impôt qu’ils payent dans les faits, est largement inférieur à celui de nos TPE et PME et cet impôt viendrait ainsi apporter un correctif nécessaire pour garantir la justice fiscale dans notre pays. Elle est également juste sur le plan écologique, car elle offre un rééquilibrage salutaire du financement de la transition écologique, largement supporté aujourd’hui par les ménages, comme l’illustre bien la fiscalité punitive sur les carburants.
M. Jean-Paul Lecoq. Racket !
M. Jean-Paul Dufrègne. Enfin, pour nous, il n’y a pas d’ambiguïté : ces 5 milliards d’euros doivent être intégralement fléchés vers la transition écologique. Soit dit en passant, un tel fléchage, clair et net, doit garantir le bon consentement des acteurs économiques concernés à cette mesure – même si nous n’avions pas vraiment d’inquiétude à cet égard, compte tenu des largesses fiscales dont ils bénéficient depuis votre arrivée au pouvoir.
Le débat du fléchage des ressources perçues vers la transition écologique traverse ce projet de loi de finances rectificative. Comme l’indique ce document budgétaire et comme nous l’avions indiqué lors de la première lecture, vous nous proposez de retirer 600 millions d’euros du financement de la transition énergétique pour les reverser au budget général. Ces 600 millions d’euros collectés par le biais de la TICPE, acquittée par nos concitoyens quand ils vont faire le plein, n’alimenteront pas, finalement, la transition énergétique, mais ils financeront, au choix, la suppression de l’ISF ou la flat tax à 30 %.
M. Jean-Paul Lecoq. Exactement !
M. Jean-Paul Dufrègne. Deux semaines se sont écoulées entre l’examen du texte en première lecture et notre discussion de ce jour, mais les réponses ne nous satisfont pas. Le malaise et l’incompréhension restent. Contrairement à ce que vous indiquez, il est tout à fait possible de garantir ces fonds et de les reporter pour l’année prochaine, plutôt que d’en faire une simple variable d’ajustement budgétaire en vue d’équilibrer vos comptes. 600 millions d’euros, ce n’est pas rien. Nos concitoyens en auraient bien besoin pour leur mobilité, leurs travaux de rénovation énergétique, leur alimentation et, plus généralement, leur pouvoir d’achat en berne. Je rappelle au passage qu’il faudrait 300 millions d’euros pour revaloriser les retraites des agriculteurs, comme le propose l’initiative parlementaire de mon collègue André Chassaigne dans ce domaine, adoptée par l’Assemblée et que vous avez bloquée injustement et autoritairement au Sénat au moment de son adoption définitive.
Les députés communistes et les membres du groupe GDR ont également tracé la voie d’une refonte de la fiscalité des entreprises. Force est de constater que les multinationales ont la main. Un exemple : Starbucks. Depuis 2007, cette société américaine a payé zéro euro d’impôt sur les sociétés, grâce à des mécanismes qui utilisent, à vrai dire, toujours les mêmes ficelles : le groupe Starbucks s’organise pour plomber les comptes de sa filiale en lui faisant supporter artificiellement des charges qu’elle règle à d’autres entités du groupe, sises, comme vous l’imaginez, dans des pays à fiscalité privilégiée, comme les Pays-Bas.
Cette situation ne peut plus durer. Si nous restons les bras croisés, deux dangers majeurs nous guettent : soit une société sans impôt, fantasme ultime des néolibéraux et véritable culture civilisationnelle, soit une société avec toujours plus d’impôts à régler pour les plus fragiles et, à la clé, l’explosion du pacte social et du consentement à l’impôt.
Aussi avons-nous proposé de moderniser notre impôt sur les sociétés pour lui permettre de s’appliquer aux acteurs économiques qui se jouent des États et des frontières, et transfèrent artificiellement leurs richesses. Cet impôt anti-délocalisation des bénéfices, ce prélèvement à la source des multinationales continuera d’être porté par les députés de notre groupe au cours des prochains mois.
Encore et toujours, inlassablement, il nous faudra attaquer la financiarisation toujours plus forte de nos vies et remettre l’humain et son environnement au premier plan. La finance doit être à notre service et nous ne devons pas être au service de la finance. De toute évidence, ce projet de budget n’emprunte pas cette voie, et va même, comme je l’indiquais au début de mon propos, dans le sens inverse en faisant la part belle aux riches détenteurs de capitaux, en actant la suppression de 600 millions d’euros de crédits qui devaient être alloués à la transition énergétique, en actant aussi des suppressions de crédits par millions et en réduisant les plafonds d’emplois dans la fonction publique d’État.
En conséquence, et en l’absence d’évolution substantielle, nous voterons contre ce projet de budget rectificatif, qui n’est pas meilleur pour l’Allier, chère collègue – mais je constate que Mme Peyrol est partie – que pour les autres départements ruraux, comme vous voulez le faire croire. En tout cas, en Allier comme ailleurs, nos concitoyens vous demandent de changer de politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

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Jean-Paul
Dufrègne

Député de l' Allier (1ère circonscription)

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