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Prise en charge des cancers pédiatriques

La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville. Chacune et chacun, dans cette enceinte et bien au-delà, connaît dans son entourage un enfant frappé par cette maladie traîtresse. Chacune et chacun a vu, de près ou d’un peu plus loin, des proches accompagner un enfant ou un adolescent dans ce combat de titan, affronter avec lui les soins, les douleurs, les incertitudes et, parfois, le soutenir dans sa rémission ou lui tenir la main jusqu’à la rive. Au moment où nous engageons le débat, j’ai en tête des visages ; je le dis avec émotion et sobriété, simplement, comme on se recueille.
Le recueillement, cependant, n’a que peu de place ici, où nous devons apporter des réponses – des réponses qui peuvent faire débat. Il est difficile de les apporter toutes, difficile de conjurer l’impuissance à laquelle la maladie essaye de réduire l’humain. Mais nous pouvons et devons agir. Les familles qui ont à connaître ces épreuves nous y appellent. Voilà pourquoi je tiens à remercier Mme la rapporteure d’avoir inscrit ce texte à notre ordre du jour.
Chaque année, 2 500 nouveaux cas de cancer pédiatrique sont diagnostiqués, et le cancer représente la première cause de décès par maladie chez l’enfant et l’adolescent. Face à cet enjeu, la société doit se mobiliser afin d’améliorer la prise en charge des cancers pédiatriques. À cette fin, il nous est ici proposé de mobiliser plusieurs leviers : la recherche, le soutien aux aidants, la formation professionnelle, l’extension du droit à 1’oubli. Ces mesures répondent aux revendications que j’entends.
Nous savons cependant que la recherche en cancérologie pédiatrique – comme la recherche sur le cancer en général, si nécessaire à la prévention, à la modification de nos modes de vie, de production, de consommation afin d’empêcher les cancers d’advenir – souffre depuis trop longtemps d’un manque chronique de moyens financiers, ce qui ne permet pas, ou pas suffisamment, de développer de nouveaux traitements indispensables à une lutte efficace.
L’effort de recherche français sur les cancers pédiatriques a bénéficié d’un financement de 38 millions d’euros sur la période 2007-2011, soit 10 % du financement de la recherche publique en cancérologie, estimé à 350 millions d’euros sur la même période. Les 5 millions ajoutés sous l’effet de la pression exercée lors de la discussion budgétaire sont encore insuffisants,...
M. Gilles Lurton. C’est vrai !
M. Pierre Dharréville. ...puisque les moyens manquants sont aujourd’hui évalués par les associations et par différentes missions à 20 millions d’euros par an. En effet, si d’importants progrès dans les chances de survie ont été notés entre 1980 et 1990, plusieurs données indiquent que le taux de mortalité chez les enfants victimes du cancer ne baisse plus depuis le milieu des années 1990.
Je tiens à souligner le rôle fondamental de différentes associations qui essayent tant bien que mal de combler les défaillances de la puissance publique en matière de recherche, d’accès aux soins et d’accompagnement. Si nous ne pouvons promettre des résultats, il est plus qu’essentiel d’assurer un financement suffisant de la recherche afin de permettre la réalisation d’essais cliniques qui pourraient déboucher sur de nouvelles thérapies. La mise à disposition d’un médicament suppose en effet un investissement dans la recherche publique, principalement la recherche fondamentale, pour identifier de nouveaux mécanismes biologiques sur lesquels il faudrait agir. Or les cancers pédiatriques présentent d’importantes spécificités. Il est donc primordial d’accroître le financement public qui leur est dédié, d’autant que, dès lors qu’ils se classent au nombre des maladies rares, les efforts des grands laboratoires privés ne sont pas nécessairement au rendez-vous.
Le texte qui nous est soumis traite partiellement du problème du financement de la recherche. Il crée une obligation de négociation et de coordination entre les acteurs de la recherche sur la stratégie et les moyens affectés, avec l’INCa pour chef de file. C’est sans doute souhaitable, tant les financements apparaissent éclatés entre les différents organismes de recherche.
Pour notre part, nous proposons d’aller plus loin en créant une taxe de faible montant à la charge des laboratoires pharmaceutiques privés. C’est tout l’objet de la proposition de loi de Jean-Christophe Lagarde, que nous avons cosignée. Nous aurons l’occasion de rouvrir ce débat dans une semaine, à l’occasion de l’examen de la proposition de résolution présentée par nos collègues du groupe UDI, Agir et indépendants.
L’enjeu est bien de créer une source de financement de la recherche en cancérologie pédiatrique qui soit pérenne et qui échappe aux logiques de compression des dépenses publiques. Il s’agit aussi de faire naître une ressource supplémentaire pour éviter un jeu de vases communicants entre les moyens affectés à la recherche sur les cancers de l’adulte et les dotations dédiées à la recherche en cancérologie pédiatrique, car la lutte contre les cancers chez l’enfant ne doit pas être menée au détriment du combat contre les cancers chez l’adulte.
Bien que nos attentes ne soient pas comblées sur ce point, nous soutenons les dispositions contenues dans ce texte, car elles constituent des avancées.
Le déplafonnement de la durée du congé de présence parentale pour tenir compte de la durée de la pathologie, ainsi que la possibilité de prolonger le versement de l’allocation journalière de présence parentale, vont indiscutablement dans le bon sens. Ils permettent de soutenir les aidants. On a besoin de temps pour accompagner son enfant, et c’est souvent au moment où le crédit temps est épuisé que ce besoin se fait encore plus sentir. Il convient donc de remédier à cette situation. J’en profite pour signaler qu’il s’agit d’une allocation très faible et que nous pourrions, à l’occasion, réfléchir à d’autres pistes permettant de la revaloriser.
Car, là aussi, se révèlent des inégalités sociales ; aussi la société doit-elle témoigner de son soutien effectif dans la traversée de ces épreuves. C’est un droit important que nous devons ouvrir.
Pour ce qui est des autres mesures que nous jugeons positives, nous regrettons que certaines aient été rejetées en commission. J’en évoquerai deux.
La première, c’est la suppression de l’extension du droit à l’oubli à vingt et un ans pour les jeunes qui ont été atteints d’un cancer. Or nous soutenons fortement cette extension, car nous devons garantir à ces personnes la possibilité de se projeter dans l’avenir. C’est d’ailleurs une des conditions d’une rémission pérenne. Cette projection dans l’avenir passe bien souvent par un emprunt. Or les organismes bancaires ou d’assurance continuent de faire preuve d’une très grande sévérité pour l’octroi de prêts quand il y a eu maladie, en dépit du droit à l’oubli. Ce n’est pas acceptable.
La seconde mesure supprimée par la majorité de la majorité est l’article 4, qui crée, à destination des personnels soignants spécialisés en oncologie, une obligation de formation en matière de prise en charge des enfants. Nous souscrivons à cet objectif, en souhaitant qu’il débouche sur des qualifications reconnues. Notons toutefois que l’accès à la formation continue des professionnels de santé suppose de dégager du temps, ce qui semble aujourd’hui compliqué dans un contexte où les personnels peinent à assurer leurs missions de soins, en raison du manque d’effectifs et des politiques d’austérité menées à l’hôpital public.
Nous attendons donc de ce débat qu’il nous permette d’aller le plus loin possible pour répondre aux préoccupations des familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes MODEM et UDI -Agir.)

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

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