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Prorogation état d’urgence sanitaire

Les temps d’extrême incertitude que nous traversons doivent tous nous conduire à plus d’humilité, mais aussi à plus de clarté et de démocratie.

Plus d’humilité, tout d’abord : les députés communistes ont pour principe de ne pas dénoncer chez autrui des turpitudes auxquelles il n’est pas certain qu’ils auraient eux-mêmes su échapper.

En effet, qui pouvait prétendre au printemps 2020 définir sans hésitation le cap à suivre ? Nous gardons cela à l’esprit à l’heure de nos débats.

À cet appel à l’humilité, nous en ajoutons un second : un appel à la clarté et à la démocratie. Depuis huit mois, nous avons aussi appris : nous avons appris qu’en sollicitant l’intelligence et le civisme de la population, celle-ci accepte les obligations qui lui sont imposées pour lutter contre la covid-19, même les plus contraignantes comme la privation de la liberté d’aller et de venir.

A contrario, nous avons appris que le meilleur allié de la covid-19 est l’absence de clarté des décisions publiques. Nous avons appris que lorsqu’à la confusion et à la cacophonie à laquelle la parole publique a parfois contribué au sujet du port du masque et des tests, sans parler des injonctions paradoxales, s’ajoutent l’autoritarisme et l’arbitraire, l’adhésion de la population s’affaisse.

Avec elle, c’est l’efficacité même des politiques publiques qui est entamée – et le virus gagne alors du terrain. C’est pourquoi le fait de prendre la situation au sérieux ne signifie nullement qu’il faut s’abstenir de porter un regard critique sur la réponse qu’entend y apporter l’exécutif.

Or nous donnons depuis longtemps l’alerte sur la dangerosité, pour notre démocratie, de la banalisation d’un régime d’exception dérogatoire au droit commun. L’accoutumance à de tels procédés maintiendrait l’exécutif dans une zone de confort nocive et court-circuiterait les institutions les plus essentielles, en particulier le Parlement, et la démocratie s’en trouverait affaiblie. La tentation serait grande, en effet, que ce régime d’exception devienne pour le Gouvernement le moyen d’euphémiser les pénuries et de masquer ses dysfonctionnements – comme le désengagement de l’État de l’hôpital public, organisé de longue date.

Alors que nous affrontons la deuxième vague épidémique, la situation de l’hôpital public, sur laquelle nous n’avons eu de cesse de vous alerter, est aussi désastreuse qu’elle l’était à l’orée de la crise. Malgré le Ségur de la santé, les démissions de personnel se poursuivent, toutes catégories confondues. L’hôpital est-il réellement plus solide qu’au printemps comme vous l’affirmez, monsieur le ministre ? Je ne citerai qu’un seul exemple, celui de mon département de la Seine-Saint-Denis, qui illustre hélas le fait que la question des moyens matériels et humains n’est toujours pas traitée. Comment expliquer autrement que dans ce département, qui a payé le plus lourd tribut à la crise sanitaire, le taux d’incidence aux tests soit le plus faible alors que le taux d’occupation des lits de réanimation est le plus élevé, sinon par une pénurie considérable de lits et par le triste état dans lequel se trouve l’hôpital public ?

L’état d’urgence sanitaire entré en vigueur le 17 octobre est prorogé jusqu’au 16 février 2021. Sa mise en œuvre durera quatre mois. En outre, du 16 février au 1er avril, le projet de loi prévoit l’application du régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence. Le Gouvernement demande donc au Parlement de l’autoriser à maintenir l’état d’urgence sanitaire pour une durée de quatre mois et de mettre en œuvre le régime transitoire à partir du 16 février ; nous ne pouvons lui accorder un tel blanc-seing durant une période aussi longue.

Je l’ai dit au début de mon intervention : face à la menace sanitaire, l’engagement des députés du groupe GDR ne doit faire aucun doute. Nous sommes prêts à répondre à l’appel à l’unité nationale face à une crise sanitaire que nous ne sous-estimons pas mais nous aurions tort, chers collègues, de perdre de vue le fait que c’est précisément à sa capacité à fonctionner en temps de crise que l’on mesure l’effectivité de l’État de droit. Face à l’ampleur des crises et des défis – écologiques, sociaux, sanitaires – qui s’accumulent, la réponse d’une démocratie moderne ne saurait être de s’amputer des moyens du droit, de la transparence et de la délibération collective. Tel est l’enjeu immense qui se dresse devant nous ; il dépasse même la question de la crise sanitaire. C’est aussi pour ces raisons de fond que nous ne voterons pas en faveur de ce projet de loi – sauf si nos amendements étaient tous adoptés, ce qui ne semble guère probable.

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