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Débat sur l’évaluation des politiques publiques en matière d’accès à l’IVG

À la demande du groupe GDR, nous évaluons ce soir les politiques publiques en matière d’accès à l’IVG, menées notamment pendant la grave crise sanitaire que nous traversons.

Nous le voyons trop souvent, les temps de crise sont malheureusement propices aux régressions des droits des femmes. Ces dernières semaines, toutes les propositions de nouveaux droits en faveur des femmes ont été au pire balayées d’un revers de main, aux mieux vidées de leur substance. Améliorer les conditions de travail des femmes de ménage ? Ce n’est pas le moment. Allonger le délai d’IVG ? Refus du Sénat. Ouvrir la PMA à toutes les femmes ? Repoussé aux calendes grecques.

La situation sanitaire a fortement restreint l’accès à l’IVG. De nombreuses raisons expliquent la baisse significative du nombre d’avortements durant le confinement : fermeture des structures d’accueil ; peur de sortir de chez soi ; profusion des fausses informations diffusées par les sites « pro-vie ». En outre, l’isolement accroît le sentiment de culpabilité, encore décuplé lorsqu’il s’agit de mobiliser des soignants pour un acte considéré, à tort, comme non urgent en pleine crise sanitaire.

Aujourd’hui encore, malgré le travail de terrain de nombreux professionnels, l’IVG demeure un tabou. Le confinement a mis en lumière une fois de plus la nécessité de la discrétion pour cet acte médical.

Habituellement le travail et l’école sont les deux motifs utilisés par les femmes pour pouvoir avorter en toute discrétion. L’absence de ces deux activités a mis en péril leur décision, leur choix, les contraignant à sortir du cadre légal des douze semaines de grossesse. Les chiffres sont sans concession : le numéro vert du planning familial enregistre une hausse de 184 % des demandes d’interruption au-delà de douze semaines. Les femmes qui ont dépassé ce délai n’ont pas pu avorter à l’étranger du fait de la fermeture des frontières.

Comme à chaque crise, ce sont les plus précaires qui paient le tribut le plus lourd. L’avocate Gisèle Halimi le disait déjà lors du procès de Bobigny : c’est toujours la même classe qui est frappée, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et socialement, cette classe des sans argent et des sans relations.

La demande des associations et de nombreux professionnels de santé est simple : porter le délai d’IVG de douze à quatorze semaines de grossesse pendant l’état d’urgence et durant les trois mois qui suivent.

Beaucoup de demandes d’IVG après le délai légal de douze semaines de grossesse sont d’ailleurs le fait de femmes victimes de violences, qui se trouvent souvent dans des situations conjugales ou administratives inextricables.

L’allongement de ce délai se cale sur la technique d’avortement utilisée : à douze ou quatorze semaines de grossesse, il est encore possible de procéder à un avortement par aspiration. Le délai de trois mois après l’état d’urgence se justifie par l’état des services hospitaliers après la crise. Les personnels soignants sont à bout de souffle. On ne sait pas s’ils devront affronter une seconde vague, mais on peut être sûr qu’en tout état de cause ils auront besoin de souffler, et c’est bien normal. Une baisse importante de l’activité hospitalière sera certainement constatée cet été, au détriment, en premier lieu des femmes désirant avorter puisque les délais d’attente pour un rendez-vous seront plus longs. Sans cette mesure d’urgence, limitée dans le temps, certains médecins se retrouveront dans l’illégalité pour faire face à cette détresse.

Le risque majeur est que les femmes avortent seules. Ce retour aux années 70 soulève une problématique sanitaire de grande ampleur. Vous le savez, chers collègues, quand une femme fait le choix d’avorter, rien ne peut l’empêcher d’aller jusqu’au bout.

Ce droit conquis de haute lutte était déjà affaibli avant la crise à cause de la fragilisation des services publics. La crise sanitaire a mis en lumière la fragilité de cette immense conquête des femmes.

L’avortement est une intervention médicale urgente. La remise en cause de l’IVG n’est ni plus ni moins que la remise en cause du droit des femmes à disposer de leur corps. Les droits sexuels et reproductifs des femmes doivent être considérés comme des droits fondamentaux. Connaissant la fragilité de ces droits, nous avons d’ailleurs demandé à plusieurs reprises la constitutionnalisation du droit à l’IVG mais cette proposition est restée lettre morte.

Voilà pourquoi, madame la secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, il faut porter le délai légal de l’IVG de douze à quatorze semaines de grossesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI, et sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Maxime Minot applaudit également.)

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)

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