Interventions

Explications de vote et scrutins

Langues régionales

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, rappelons tout d’abord que l’objet de notre débat ne consiste pas à s’affirmer pour ou contre les langues régionales, ce qui serait absurde. La question est plus complexe : elle consiste, d’une part, à se demander si les langues régionales sont suffisamment protégées et s’il convient aujourd’hui de favoriser leur usage dans la vie privée, mais également dans la vie publique. Elle consiste, d’autre part, à déterminer si la ratification de la Charte est compatible avec notre Constitution.
Sur le premier point, il faut relever que notre législation est favorable aux langues régionales. La première loi en faveur des langues régionales, la loi Deixonne du 11 janvier 1951, a permis l’apprentissage de quatre langues régionales dans l’enseignement public : le breton, le catalan, l’occitan et le basque. Les évolutions qui ont eu lieu ensuite, introduites par les lois de 1974 pour la langue corse, de 1981 pour le tahitien, de 1992 pour quatre langues mélanésiennes, puis la loi Toubon de 1994 et la loi du 22 janvier 2002 sous le gouvernement de Lionel Jospin, ont toutes consolidé un dispositif législatif favorable, je le répète, aux langues régionales. De fait, le rapport du Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne, remis à Mme la ministre de la culture le 15 juillet 2013, souligne que « le bilan de la politique menée en faveur des langues régionales depuis quinze ans est loin d’être négligeable ».
Pour autant, est-ce suffisant ? La France doit non seulement défendre et protéger sa diversité linguistique, mais, plus encore, la promouvoir, dans la vie privée comme dans la vie publique. Or, cette notion floue de « vie publique » fonde certaines objections à la ratification. Certes, la Charte a une acception très large de cette notion, qui englobe aussi bien l’éducation, les médias, la culture que la justice ou encore les autorités administratives et les services publics. À cet égard, il est à noter que seules les dispositions relatives aux autorités administratives et aux services publics se heurtent à des objections constitutionnelles. Or ces objections tombent grâce au dispositif juridique qui sera introduit dans l’article 53-3 à venir de la Constitution. Pour le reste, c’est-à-dire la grande majorité des dispositions de la Charte, aucune objection constitutionnelle ne peut être soulevée.
Surtout, nous savons très bien que, si l’usage de la langue n’est pas favorisé dans l’espace public, il disparaîtra. Pour éviter cela, il faut faire évoluer notre politique linguistique et s’appuyer à cette fin sur la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Ratifier la Charte est également un symbole important qui permettrait d’inscrire la défense des langues régionales dans un mouvement plus vaste, un mouvement mondial de la diversité linguistique. C’est en ce sens que nous regrettons que la Charte exclue de son champ d’application les langues dites non territoriales, parlées par nos concitoyens français d’origine immigrée. De récents rapports remis au Gouvernement concordent d’ailleurs sur la nécessité et l’urgence d’accentuer un apprentissage des langues dites de l’immigration, en particulier de l’arabe, au sein du système éducatif.
Par ailleurs, je l’ai dit, nous avons pris note des obstacles juridiques à la ratification de la Charte qui ont été relevés par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d’État.
Cela étant, la référence expresse, au sein de la Constitution, au principe d’égalité de tous les citoyens sans distinction d’origine et au principe selon lequel la langue de la République est le français constitue un solide verrou. Cette référence permet en effet de garantir que nos principes constitutionnels priment des interprétations par trop extensives de la Charte.
Cette proposition de loi constitutionnelle constitue un bon compromis. Le groupe GDR, pleinement favorable à la diversité linguistique, qui constitue un patrimoine de l’humanité, votera majoritairement pour la ratification de la Charte. Nous espérons que cela conduira la France à mettre en œuvre une véritable politique nationale de promotion des langues régionales et, plus encore, une politique en faveur de toutes les langues de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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