Interventions

Explications de vote et scrutins

Maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordre

Lors de la discussion générale, j’ai eu l’occasion de faire connaître le point de vue des députés communistes et du Parti de gauche sur la proposition de loi qui nous est soumise. J’en confirme la teneur au moment de passer au vote : il s’agit, à quelques mois des élections européennes, d’un texte de circonstance.
La proposition de loi prétend s’attaquer à l’une des créations les plus visibles et les plus dérangeantes de cette Europe libérale : des centaines de milliers de salariés low cost, soumis à une exploitation éhontée.
Personne ici, je l’espère, n’a la naïveté de penser que cette réalité-là serait une simple anomalie. Elle est l’expression même de ce qu’est devenue la construction européenne : un maillon de la mondialisation capitaliste et un vaste espace de concurrence au sein duquel le citoyen salarié n’est qu’une variable d’ajustement.
Le point de départ de cette monstrueuse dérive se trouve sans doute dans l’Acte unique européen de 1986, avec la création du grand marché unique. Les traités qui suivront, de Maastricht à Lisbonne, n’ont eu de cesse d’aggraver la mise en concurrence des peuples et la mise en œuvre à grande échelle du dumping social.
Un thème idéologique a envahi l’Europe et, en France, le débat politique national : le coût du travail devrait être diminué quoi qu’il en coûte, fût-ce au prix de l’appauvrissement des Français et du déclassement de milliers d’entre eux. Chacun se souvient de la rédaction première de la directive Bolkestein tendant à imposer le « principe du pays d’origine ». Nous étions là au sommet du moins-disant social.
Il a fallu se raviser, mais la brèche était ouverte. Le nombre de travailleurs low cost croît exponentiellement, et beaucoup sont ainsi détachés dans l’illégalité la plus absolue.
Certes, une directive européenne de 1996 s’efforçait de contenir ce mouvement, mais sans qu’il soit possible de la faire respecter. Aujourd’hui, il est question d’une directive d’application de la directive ! Vous décidez d’y ajouter une législation nationale eurocompatible, c’est-à-dire a minima et ne mettant pas en cause la sacro-sainte « concurrence libre et non faussée » qui est la source même de la monstruosité sociale à laquelle on prétend s’attaquer.
Ce qui nous est proposé n’est pas inutile, mais est ô combien dérisoire, visant au mieux à donner le change, à faire croire que l’Europe libérale est amendable.
Ce que le phénomène des travailleurs détachés met en lumière, c’est l’urgence d’une ambition européenne fondée sur la souveraineté des nations, sur les droits des salariés et sur un espace de coopération véritable débarrassé d’un libéralisme destructeur.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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