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Niche SRC : Interdiction de la différence de taux de sucre entre les régions d’outre-mer et la métropole

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. André Chassaigne. La proposition de loi de nos collègues du groupe SRC repose sur une réalité simple, aussi irréfutable qu’injustifiable : les produits alimentaires de consommation courante distribués outre-mer ont très souvent une concentration en sucre bien supérieure à celle des mêmes produits de même marque distribués dans l’hexagone. Au regard du rôle joué par la consommation de sucre dans l’apparition de l’obésité, ce texte propose donc, très simplement, de prohiber cette différence de taux de sucre entre l’outremer et la métropole.
Il y a un peu plus de trente ans paraissaient les premières études scientifiques mettant en évidence l’émergence de l’obésité comme problème de santé publique, et celle-ci fut classée au rang des maladies en 1997. Sa prévalence ayant triplé dans les pays riches, il est désormais convenu de parler d’une véritable épidémie aux conséquences multiples pour la santé publique, tant elle joue sur l’apparition des maladies cardiovasculaires, de l’hypertension, du diabète, de certains cancers…
Or, depuis trente ans, trop peu de progrès sont à mettre au crédit des politiques publiques de santé.
Une des causes de l’absence de résultats tangibles sur ce front tient à la nature de l’action publique en matière de prévention de l’obésité : en dix ans, aucune mesure législative n’a vu le jour pour contraindre l’industrie agro-alimentaire à respecter un socle, même minimal, de règles nutritionnelles. Les deux premiers programmes nationaux « nutrition-santé » élaborés pour la France sont restés sans effet. En 2009, l’équilibre nutritionnel et la lutte contre l’obésité ont été déclarés grande cause nationale par le Président de la République, et le premier plan de lutte contre l’obésité a vu le jour, insistant pour la première fois sur les spécifiques de l’outre-mer. Nous en sommes maintenant au troisième programme national « nutrition-santé » 2011-2015.
Pourquoi, après dix ans d’action publique au travers de ces plans et de diverses chartes, n’enregistre-t-on aucun résultat tangible ?
La réponse est simple : en matière commerciale dans le secteur marchand, les chartes non contraignantes, les recommandations et les référentiels de bonnes pratiques commerciales sont inopérants. Comme l’a rappelé Mme Jeanny Marc lors de la discussion, en Guadeloupe, alors même que le plan régional de santé publique a prévu une action de sensibilisation de l’État en direction des industries alimentaires en vue de diminuer les taux de sucre des yaourts de 12 à 9 %, aucun résultat n’a pu être constaté sur le terrain.
Le Gouvernement a déclaré que ces mesures n’étaient pas conformes au droit international. Or, comme cela a été rappelé, les accords du GATT prévoient qu’un pays peut faire jouer sa responsabilité pour protéger la santé de sa population. D’ailleurs, le Danemark a très récemment interdit à la vente les produits à forte teneur en sucre.
Le Gouvernement a également prétendu que les mesures contenues dans cette proposition ne relevaient pas du domaine de la loi. La représentation nationale est pourtant plus que légitime à légiférer pour garantir le principe constitutionnel de protection de la santé des Français, qui figure dans le Préambule de la Constitution de 1946.
D’ailleurs, les actions spécifiques à l’outre-mer du programme national pour l’alimentation ne devaient-elles pas être déclinées dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ? Nous l’attendons toujours… Le Gouvernement ne va-t-il pas instaurer, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, une taxation des boissons sucrées, au nom de la santé publique ? C’est bien la preuve que la lutte contre l’abus de sucres peut faire l’objet d’une traduction législative, qui n’est pas exclusive des plans.
Si aucun des arguments avancés par le Gouvernement ne tient la route, c’est que la raison de votre opposition à ce texte réside ailleurs : elle est à rechercher dans les pratiques commerciales des industriels du secteur agroalimentaire ; elle est à rechercher dans l’intense lobbying auquel se livre l’industrie et dans les conflits d’intérêts qu’elle entretient minutieusement.
Ainsi, alors même que les effets nocifs de certaines substances sont avérés, les industriels du secteur sont libres d’introduire dans leurs produits des ingrédients tels que les matières grasses hydrogénées pour faire du poids, et de forcer sur les doses de sucre et de sel, qui posent des problèmes d’addiction et permettent de fidéliser les consommateurs, notamment dès leur plus jeune âge. Ces pratiques sont indignes !
Le principal facteur d’obésité, de nos jours, n’est pas la voracité des enfants, mais bien la recherche par les industriels du secteur, du profit maximal, au mépris de la santé des consommateurs.
M. Jean Glavany. C’est vrai !
M. André Chassaigne. Cette impunité que le Gouvernement cautionne implicitement doit cesser !
C’est la raison pour laquelle le groupe GDR votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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