Interventions

Explications de vote et scrutins

PLFR pour 2012

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, heureusement que je suis républicain car, à cet instant, la gauche est majoritaire ! Il suffirait que je renonce à mon intervention et que nous votions tout de suite pour que le PLFR soit repoussé…
M. Philippe Vigier. Vous rêvez !
M. le président. Monsieur Brard, venez-en à votre explication de vote !
M. Jean-Pierre Brard. Samedi dernier, j’ai rencontré, lors d’une réunion publique, une Montreuilloise qui me disait ne pas avoir honte d’avoir voté pour Nicolas Sarkozy en 2007.
M. Jérôme Chartier. Elle a raison !
M. Jean-Pierre Brard. Elle avait cru, malgré son âge, aux belles paroles du « président du pouvoir d’achat ». Depuis, elle s’est sentie dupée. Son petit-fils est toujours à la recherche d’un CDI, sa fille ne gagne que 1 382 euros par mois malgré vingt ans d’ancienneté, et sa pension de retraite ne lui permet pas de vivre dignement, à cause des multiples réformes des retraites conduites par la droite.
M. Nicolas Dhuicq. Nous avons sauvé sa retraite !
M. Jean-Pierre Brard. À force de subir les conséquences concrètes de la politique de Nicolas Sarkozy, elle regrette amèrement son choix de 2007. Cette Montreuilloise, tout comme des centaines de milliers de Français, s’est aperçue qu’au cours des quatre dernières années le chef de l’État s’est comporté non pas comme le Président de la République, mais comme le président des riches. Diminution des droits de succession, exonération des plus-values de cession des entreprises, bouclier fiscal, division par deux du montant de l’ISF : en presque cinq ans, Nicolas Sarkozy a ruiné les finances de l’État pour servir les intérêts des repus et des nantis.
Le projet de loi sur lequel nous devons nous prononcer aujourd’hui représente la troisième vague d’austérité depuis septembre 2011. Vous faites payer aux dizaines de millions de Français qui n’en ont pas bénéficié l’addition des cadeaux fiscaux accordés aux plus riches. Selon un rapport de 2010 du Conseil des prélèvements obligatoires, les exonérations fiscales et sociales coûtent chaque année 172 milliards d’euros à l’État. Plutôt que de s’attaquer à ces exonérations fiscales et sociales inutiles, vos trois plans d’austérité ont créé 31 milliards d’euros de charges supplémentaires, ce qui réduit d’autant le pouvoir d’achat des familles, des couches moyennes et des familles pauvres. L’inégalité est manifeste entre la France d’en bas et la France d’en haut : ce sont à 85 % les ménages les moins aisés qui financent vos politiques de rigueur, alors que l’effort demandé aux rentiers et aux spéculateurs n’est que de 15 %.
Nicolas Sarkozy prétend vouloir combattre les marchés financiers, mais la « taxe Tobin » qu’il propose n’est qu’une mesure cosmétique. Elle ne rapportera au budget de l’État qu’un milliard d’euros, au lieu des 15 milliards que l’on aurait récupérés si vous aviez voté la proposition de taxe sur les transactions financières présentée conjointement par les députés français du Front de gauche et les députés allemands de Die Linke le 1er décembre dernier. La différence est sensible entre une vraie taxe Tobin et un pastiche de taxe sur les transactions financières.
Le but de celle que vous nous proposez n’est pas de s’en prendre aux spéculateurs : votre taxe n’est qu’un contre-feu destiné à faire avaler la pilule amère d’une nouvelle augmentation de la TVA de 10,6 milliards d’euros. Les consommateurs auront des fins de mois encore plus difficiles. Alors que les promoteurs de la TVA sociale annonçaient des augmentations de salaire pour les travailleurs, il n’en sera rien et les produits français ne tireront aucun avantage en termes de compétitivité. Cette TVA prétendument sociale et son corollaire, l’exonération des cotisations pour les allocations familiales, n’ont qu’un but : « défaire méthodiquement », selon les propos de Denis Kessler, le système de sécurité sociale issu du Conseil national de la Résistance.
Vous voulez que la sécurité sociale soit financée par les consommateurs, qu’ils soient salariés, chômeurs ou retraités, en lieu et place d’un financement par des cotisations de sécurité sociale assis sur un partage des richesses créées par le travail. La logique sous-jacente de ce transfert de financement est tout bonnement de donner encore et encore plus d’argent aux riches actionnaires et au patronat.
Quant à l’argument de la création de 100 000 emplois que vous brandissez, il est pour le moins contesté. Il en coûterait à la collectivité 130 000 euros par emploi créé ! Le journal La Tribune qualifie cette somme de « coût exorbitant », ce qui se comprend aisément lorsque l’on sait que l’on pourrait verser à quatre personnes, pendant un an et pour le même prix, un salaire de 2 000 euros par mois.
M. le président. Il faut conclure, monsieur Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président j’ai voulu laisser du temps à Jérôme Chartier pour arriver ! (Sourires.)
M. le président. Il est là, maintenant ; vous pouvez donc conclure.
M. Jean-Pierre Brard. Permettez-moi d’être sceptique sur ces prétendues 100 000 créations de postes.
J’en terminerai, monsieur le président, en citant des propos d’Éric Heyer, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques. Selon lui, « si les entreprises ne répercutent pas entièrement la baisse de cotisation sur les prix, ou si les autres pays européens réagissent à ce qui s’apparente à une dévaluation, alors il faut craindre des destructions de postes. »
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Jean-Pierre
Brard

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