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Pn sénat relative à la bioéthique (recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires)

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les 30 et 31 mai derniers, se déroulaient les troisièmes journées de l’Agence de la biomédecine. À cette occasion, sa directrice a fait état d’avancées considérables grâce à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, comme la réparation du muscle cardiaque après un infarctus, la régénération de la peau dans certains cas d’ulcères ou de nombreux autres exemples que je ne détaille pas.
Ces exemples illustrent les formidables perspectives ouvertes par cette recherche, faisant naître une immense espérance pour des millions de malades dans le monde. Ce sont bien cette espérance et ces champs du possible qui nous obligent aujourd’hui.
Depuis trop longtemps, le régime d’interdiction assorti de dérogations constitue un frein à la recherche médicale française et un obstacle inacceptable car contraire à l’intérêt des malades. Je rappelle que, si la découverte des cellules IPS, obtenues à partir de cellules adultes génétiquement modifiées, a constitué une indéniable avancée, elles ne sont pas en tout point superposables aux cellules souches embryonnaires, qui gardent des caractéristiques propres et restent donc, de ce fait, indispensables à la recherche.
La communauté scientifique française dans son ensemble déplore ces freins et cette hypocrisie qui ont conduit notre pays, pourtant mondialement reconnu pour sa recherche médicale, à accumuler un important retard.
Plus grave, les multiples procès intentés, notamment par la fondation Lejeune, outre les dépenses qu’ils occasionnent, gênent le fonctionnement de l’Agence de la biomédecine et entravent le travail des chercheurs, dont je tiens à saluer le travail dans de telles conditions.
Il s’agit pourtant là d’une chance pour notre recherche publique, laquelle représente 93 % des protocoles ayant obtenu une dérogation. Mais surtout, c’est de l’intérêt des malades qu’il s’agit ici. Combien de milliers de vies pourra-t-on sauver grâce à ces recherches ? Notre rôle de législateur, quels que soient nos bancs, n’est-il pas de faire tout ce qui est en notre pouvoir, dans le strict respect des règles éthiques, pour améliorer la vie de nos concitoyens ?
Bien entendu, nous nous accordons tous pour considérer que le sujet qui nous réunit aujourd’hui est à la fois trop important et trop complexe pour être traité avec désinvolture, car l’embryon et les cellules souches embryonnaires ne constituent pas, et ne constitueront jamais, un matériau banal. Il est indispensable que ces recherches soient conduites dans un cadre précis et strictement respecté. De ce point de vue, je tiens à souligner que le texte dont nous débattons ne modifie en rien l’encadrement actuel. Les conditions nécessaires à l’autorisation d’un protocole de recherche restent absolument inchangées.
Notre approche doit être équilibrée : ni béatitude scientifique, ni rigidité normative. La production scientifique doit s’inscrire en permanence dans les valeurs que nous voulons imprimer à notre société. C’est là tout le sens de l’éthique en général et, dans le cas qui nous occupe, de la bioéthique.
Je voudrais dire à mes collègues qui s’opposent à ce texte qu’ils n’ont pas le monopole des préoccupations éthiques.
Plusieurs députés du groupe UMP. Vous non plus !
Mme Jacqueline Fraysse. Certes, personne ne l’a. Donc, vous ne l’avez pas. Vous l’avez d’autant moins que votre attitude en ce domaine est à géométrie variable puisque, en d’autres temps, nombre d’entre vous ont défendu l’autorisation de recherche sur l’embryon. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Marc Le Fur. L’alternative n’était pas la même !
Mme Jacqueline Fraysse. Calmez-vous, mes chers collègues. Je vous vois bien agités.
Comme le signifie, à juste titre, le Comité consultatif national d’éthique, « la question éthique première est celle de la destruction de l’embryon et non la décision de réaliser des recherches sur les cellules après sa destruction. »
Il faut en effet être cohérent. Dès lors que la fécondation in vitro est autorisée, conduisant éventuellement à la destruction d’embryons surnuméraires, l’interdiction de la recherche sur des cellules embryonnaires en tout état de cause vouées à la destruction n’a pas de sens. J’ajoute, et ce point est essentiel, que ce qui donne la vie, c’est avant tout le projet parental, l’amour et l’éducation, car l’embryon seul n’est que potentialité de vie.
Ces implications éthiques, que personne ici ne conteste, exigent que nous veillions à ce que l’Agence de la biomédecine dispose pleinement de tous les moyens nécessaires pour mener à bien l’ensemble de ses missions, y compris le contrôle, car il ne saurait être question de laisser se développer, et encore moins de cautionner, de quelconques dérives.
En tout état de cause, je tiens à saluer ce texte de progrès et d’intelligence, porteur d’avancées et d’espoirs considérables non seulement pour nos concitoyens mais également pour des millions de personnes partout dans le monde.
Après tant d’années de débats et un chemin parlementaire pour le moins sinueux, tout est enfin prêt. Je me réjouis de voir cet engagement de campagne du Président être mené à bien, et c’est avec une grande satisfaction que les députés du Front de gauche voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et RRDP.)

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Jacqueline
Fraysse

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