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Explications de vote et scrutins

Prostitution (Explication de vote)

Monsieur le président, madame la ministre des droits des femmes, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous vivons un moment important dans l’histoire de notre assemblée, un moment qui va compter pour l’émancipation humaine. Nous allons, je l’espère, dans quelques minutes adopter un texte de loi qui appelle la société à se libérer d’un système d’exploitation et de domination : le système prostitutionnel. Nous allons enfin faire vivre la position abolitionniste adoptée par la France en 1960. Nous répondons ainsi positivement aux cinquante-cinq associations regroupées dans le collectif Abolition 2012.
Cette loi représente d’abord une nouvelle étape dans la libération des femmes qui, nous l’avons rappelé tout au long de notre très riche débat, représentent plus de 85 % des personnes prostituées.
Car la prostitution n’est pas « le plus vieux métier du monde », comme certains se plaisent à le dire. Non, la prostitution n’est qu’une des plus violentes expressions du système patriarcal (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC) et cette réalité doit être dite, ce que nous avons fait dans le cadre de la commission spéciale. Comment appeler autrement le choix d’un individu de disposer d’un corps et de l’intimité d’un être humain au travers d’un rapport imposé par l’argent ? Dans la prostitution, il n’y a pas un contrat entre deux personnes libres, mais bien quelqu’un qui décide et quelqu’un qui subit.
Nous avons entendu de nombreuses interventions citant des médecins, des associations, des femmes témoignant de cette violence, y compris à travers la parole de clients. Cette loi va donc aider toutes celles et tous ceux qui veulent en sortir, avec des mesures ouvrant à chacune et chacun un parcours de sortie du système prostitutionnel.
La prostitution, c’est aussi la traite des êtres humains : 90 % des femmes qui se prostituent en France sont d’origine étrangère. C’est un trafic mondial très lucratif pour les réseaux qui l’organisent : il génère un profit annuel de 32 milliards d’euros, avec un chiffre d’affaires annuel de 3 milliards d’euros en France.
On ne parle donc pas ici de rapports humains, mais de rapports de domination marchands fondés sur la violence.
M. Jean-Marc Germain. Très bien !
Mme Marie-George Buffet. C’est contre cela que nous combattons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C’est pour cela que nous inversons la charge de la culpabilité en la faisant désormais porter sur ceux qui profitent de ce système inhumain : les réseaux de traite et les proxénètes, mais aussi les clients.
Chers collègues, nous ne parlons pas d’une situation virtuelle où la prostitution serait libre et où les personnes prostituées feraient le choix de vivre de leurs charmes. Non, nous parlons une réalité sordide qui, comme le dit si bien l’association Zéro macho, porte aussi atteinte à la dignité des hommes. Car loin de participer à leur liberté sexuelle, cela les enchaîne à une conception de la sexualité empreinte de frustration et de domination.
Sans client il n’y a pas de prostitution, sans demande, pas besoin d’organiser le commerce humain.
Pour abolir ce système inhumain, il faut donc responsabiliser ceux qui font le choix de l’utiliser. C’est pour cela que nous décidons de pénaliser celui que l’on appelle le client. Ainsi la société aura les moyens de poser l’interdit de la marchandisation des corps.
Ce n’est ni la morale ni la volonté d’une société régimentaire qui nous anime mais une volonté émancipatrice. Car la liberté ne s’achète pas, comme elle n’est pas non plus synonyme de propriété, surtout lorsque l’on parle d’humanité. Dans le domaine de l’acte sexuel comme dans d’autres, les êtres humains ont droit à d’autres rapports que ceux guidés par la loi du plus fort, par la loi du tout marchand.
Nous avons donc à faire un choix politique non pas, je le répète, au nom de la morale, mais à partir d’une conception que nous avons de la société et du sens que nous voulons lui donner.
Ainsi nous nous mobilisons pour faire avancer les mentalités. Car les femmes doivent pouvoir s’appuyer sur des lois pour conquérir des droits et faire changer le regard de la société à leur égard en utilisant ces droits. Nous bousculons les représentations ancestrales enfermant les femmes dans l’image de la maman et de la putain qu’a dénoncée Simone de Beauvoir.
C’est donc au nom de la liberté de la personne humaine, au nom du droit à l’égalité des femmes et des hommes que je souhaite, avec le groupe GDR, que notre assemblée adopte ce texte et que son examen au Sénat ne tarde pas car pour les victimes de la prostitution, chaque jour compte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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