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Réforme de l’asile

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, le droit d’asile, en France, est en crise et la situation s’aggrave depuis plusieurs années. Malgré la consécration conventionnelle et constitutionnelle du droit d’asile, le respect de ce droit n’est plus assuré dans notre pays. Le système est engorgé, les procédures s’éternisent et les demandeurs d’asile sont nombreux à devoir patienter dans l’angoisse, plusieurs mois, dans des conditions indignes, avant d’obtenir une décision décisive pour leur avenir.
Les problèmes sont multiples : manque de places en centres d’accueil de demandeurs d’asile, saturation des dispositifs d’urgence, files d’attentes interminables devant les préfectures, procédures trop complexes, allongement des délais de traitement, manque d’accompagnement des demandeurs d’asile durant la procédure, et faible intégration des personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire.
En bref, la procédure d’asile est un véritable parcours du combattant, qui exclut tout au long du chemin des catégories entières de demandeurs. De nombreux rapports récents, tant associatifs que parlementaires, dressent le même constat alarmant de la situation dramatique des demandeurs d’asile, et s’accordent sur l’impérieuse nécessité de réformer le système en profondeur.
Les députés du Front de gauche plaident depuis plusieurs années pour une réforme ambitieuse du système d’asile, une réforme qui allie simplicité et qualité, rapidité et solidarité, et qui renforce les droits des demandeurs d’asile par la mise en place d’une procédure plus efficace et plus équitable.
Aussi, nous ne pouvons que nous réjouir de l’initiative de cette réforme. Elle répond à la fois aux condamnations de la France sur la scène européenne et à la nécessité, pour notre pays, de transposer d’ici juillet 2015 plusieurs directives du paquet « asile », qui visent à créer un véritable régime d’asile européen commun.
Nous partageons pleinement l’objectif affiché de simplification et d’accélération des demandes d’asile, afin d’améliorer la protection des demandeurs. Pour autant, nous regrettons, de manière générale, que ce texte ne mette pas clairement un terme à la confusion entretenue depuis des années entre asile et immigration, et qu’il ne dissipe pas le climat de suspicion à l’encontre des demandeurs d’asile.
Au terme de l’examen de ce texte dans notre assemblée, plusieurs avancées permettent de renforcer les garanties procédurales au bénéfice des demandeurs d’asile. Nous saluons ainsi la consécration d’un droit au maintien sur le territoire français au profit de tous les demandeurs d’asile et la généralisation du recours suspensif devant la Cour nationale du droit d’asile – CNDA.
Nous nous félicitons aussi de la consécration du principe de l’entretien individuel avec le demandeur d’asile et la possibilité pour celui-ci d’être assisté d’un tiers à l’occasion de cet entretien. De même, le renforcement de la protection des personnes vulnérables, et du droit à la réunification familiale, ainsi que la reconnaissance d’un droit à l’hébergement pour tous les demandeurs d’asile constituent de réelles avancées.
Pour autant, nous regrettons que plusieurs dispositions du projet de loi ne correspondent finalement qu’à une transposition a minima des directives, alors même que celles-ci offrent aux États la possibilité d’adopter des dispositions bien plus favorables.
Surtout, nous restons fermement opposés à la mise en place d’un schéma d’orientation directif et contraignant qui organise, en pratique, une surveillance des demandeurs d’asile au sein des centres d’hébergement. Nous sommes également vivement opposés à l’extension des hypothèses permettant un placement en procédure accélérée car celle-ci présente de moindres garanties, en particulier concernant les délais de dépôt de la demande et de recours, et le juge unique à la CNDA. Nous regrettons aussi la création de procédures d’irrecevabilité et de radiation des demandes d’asile.
Enfin, il convient d’insister sur la nécessité de déployer les moyens suffisants, afin que les garanties prévues dans ce texte – présence d’un avocat, augmentation du nombre de CADA – soient réellement effectives.
Pour conclure, vous l’aurez compris, l’appréciation des députés du Front de gauche sur cette réforme reste nuancée. Certes, le projet de loi présente des avancées indubitables, imposées par la législation européenne. Cependant, nous considérons que cette réforme manque d’ambition. Nous regrettons aussi que ce projet de loi constitue un outil de gestion des flux migratoires.
Ce sont ces raisons qui conduisent la majorité des députés du Front de gauche à s’abstenir sur ce texte.
Mme Marie-George Buffet. Très bien !

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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