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Renforcement du dialogue social

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chères et chers collègues, « Ce n’est pas seulement dans les relations politiques des hommes, c’est aussi dans leurs relations économiques et sociales qu’il faut faire entrer la liberté vraie, l’égalité, la justice. Ce n’est pas seulement la cité, c’est l’atelier, c’est le travail, c’est la production, c’est la propriété qu’il [faut] organiser selon le type républicain. » Ainsi parlait Jean Jaurès, en 1903.

Est-ce là l’œuvre que nous avons accomplie depuis quelques jours avec cette loi d’habilitation à légiférer pour le renforcement du dialogue social ? On eût parfois pu le croire en entendant les mots employés. Certains ici ont défini l’entreprise comme un bien commun, mais un bien commun qui demeurerait la propriété de son patron ou de ses actionnaires, et dans laquelle les salariés ne pourraient peser vraiment sur les grandes orientations stratégiques, au nom de la liberté d’entreprendre. On ne peut trop longtemps, je crois, se payer de mots.

Les débats auront au moins permis – croyez-en l’habitant de la Venise provençale que je suis – de faire tomber quelques masques. Si vos ordonnances sont floues, votre philosophie est claire. Le renouveau que vous prétendez incarner, vous le tirez, hélas, de la vieille soupière du libéralisme. La balance que vous utilisez pour définir les équilibres dont vous nous avez parlé est faussée.

Qu’allez-vous décider dans un instant ? Ce sera, en effet, un choix : d’inverser la hiérarchie des normes et de faire de l’entreprise le lieu où s’élabore la norme, de préférence à l’Assemblée issue de la souveraineté populaire ; de réduire le pouvoir des salariés dans l’entreprise et leurs droits ; d’inventer le CDI à durée déterminée, un nouvel appel d’air pour la précarité.

Votre projet est un projet profondément libéral et à la portée inédite. Nous allons devoir l’adopter à vingt et une heures ce 13 juillet. Ce n’est pas digne, non seulement de la représentation nationale, mais aussi des enjeux.

C’est un séisme social que vous êtes en train de déclencher, un bouleversement radical. Le MEDEF vous en sait gré, et Les Républicains, à ce que j’ai cru comprendre, regrettent de ne pouvoir se l’attribuer. Tout cela est cohérent : le journal Le Point relayait hier une enquête de l’Organisation de coopération et de développement économiques indiquant que les 10 % les plus riches seraient les principaux bénéficiaires de votre tour de bonneteau fiscal.

Madame la ministre, vous avez raison : c’est aussi cela, la vraie vie, il faut bien l’admettre, mais pour quelques-uns seulement. Vous nous avez reproché dans ce débat de n’être pas ouverts à la formidable modernité du monde – comprendre : du capitalisme – et de rechercher une lutte des classes là où la bienveillance serait si salutaire. La modernité, mes chers collègues, je crois, c’est de combattre la barbarie, les inégalités, les injustices qui font que, dans ce pays, la violence sociale continue d’être une réalité insupportable pour tant de femmes et d’hommes, qu’ils aient un travail ou qu’ils en soient privés.

Dans son diagnostic, le Gouvernement rend les salariés responsables du chômage et laisse dans l’ombre le pouvoir de l’argent. Les petites entreprises, le tissu des PME, en particulier les sous-traitantes, souffrent de cette financiarisation maladive de l’économie. Notre planète en souffre aussi. Une nouvelle charge contre le code du travail n’apportera aucune solution – j’ai entendu dire tout à l’heure que le code du travail serait responsable de la précarité, c’est assez singulier. Vous reviendrez bientôt nous voir pour aller encore plus loin, encore plus fort, encore plus bas.

Il existe pourtant des possibilités d’agir. Nous en avons égrené quelques-unes ; nous les avons mises sur la table, en vain. Qu’avons-nous obtenu dans ce débat ? Un sursis pour les normes d’ordre public et l’augmentation des indemnités de licenciement que nous avions demandée, ce qui est une bien maigre consolation pour celles et ceux qui auront à en bénéficier, sachant par ailleurs toutes les facilités à licencier que vous avez eu à cœur d’instaurer. Nous avons proposé d’encadrer l’échelle des salaires et les recours à la précarité, de mettre en œuvre une véritable sécurité d’emploi et de formation, etc.

La bataille, pour nous, ne fait que commencer. Un rendez-vous est programmé pour les salariés le 12 septembre prochain à l’invitation d’une centrale syndicale. Car vous n’avez pas de majorité dans le pays pour votre entreprise de démolition sociale.

Votre passage en force est, pour nous, un acte de faiblesse. C’est d’abord parce qu’elle laisse la finance exercer massivement son pouvoir antidémocratique que la République est non pas en marche, mais en crise. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dans son entier, votera contre ce texte.

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

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