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Santé : droits et protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la santé, mes chers collègues, nous sommes invités à nous prononcer sur ce projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement. Cela nous place dans une situation pour le moins particulière au regard des promesses qui nous avaient été faites en 2009 lorsque Mme Bachelot, alors ministre de la santé, avait annoncé une grande loi de santé mentale. Une situation singulière mais pas vraiment surprenante dans le contexte désormais coutumier qui veut qu’une réponse sécuritaire soit systématiquement apportée, quel que soit le problème posé, avec cette constante : surtout éviter de prendre le temps d’étudier sérieusement les causes et les réponses pertinentes à apporter.
Nous en avons encore l’illustration avec ce texte partiel élaboré à la suite de plusieurs faits divers qui, s’ils sont heureusement rares, n’en sont pas moins dramatiques dans la mesure où ils ont entraîné la mort.
La maladie mentale, son dépistage, son traitement et son suivi constituent un sujet important, un sujet complexe s’il en est.
Les professionnels, les patients et leurs familles espéraient qu’il nous serait proposé un texte moderne et efficace fondé sur une approche globale de la personne humaine et de son milieu, un texte qui aurait permis de redéfinir les missions, les objectifs et les moyens de la psychiatrie afin de mettre un terme à la stigmatisation persistante de la maladie mentale et de poursuivre l’évolution de la relégation asilaire vers les traitements en secteurs ouverts dont la France a été à l’initiative. Il se serait agi de traiter les patients sans rompre leurs liens sociaux, dans une conception humaniste de la psychiatrie conduisant à changer le regard que la société porte sur eux.
La déception que suscite ce texte est à la mesure des espérances qu’il a trahies.
Pour faire croire à nos concitoyens qu’ils seront désormais en sécurité, vous avez en effet décidé de limiter le projet de loi aux moins de 13 % de cas nécessitant des mesures coercitives de traitement, voire d’hospitalisation sans consentement, compte tenu de comportements dangereux.
Mais ce que vous ne dites pas à nos concitoyens, c’est que plus de la moitié des situations de crise sont le fait de malades connus qui ont interrompu leur traitement faute de personnels pour les suivre et de structures pour les accueillir quand ils en ont besoin. Une situation de crise susceptible de générer des comportements dangereux qui conduit ces malades, selon les cas, en prison ou dans un hôpital psychiatrique, d’office.
Si ce texte introduit, sur injonction du Conseil constitutionnel, l’intervention du juge des libertés et de la détention – ce qui est la moindre des choses s’agissant d’une privation brutale de liberté –, force est de constater qu’il ne prévoit aucun moyen pour permettre à la justice d’accomplir cette tâche supplémentaire.
Il n’en prévoit pas non plus en matière de santé. Nous le disons avec force : ce texte ne règle rien. Il a même vocation à aggraver la situation actuelle parce qu’il repose sur une conception erronée de la maladie mentale et de son traitement, du rôle du psychiatre et de la place, à ses côtés, des autres soignants et des travailleurs sociaux.
Dans le domaine de la maladie mentale, plus que dans tout autre, la prise de conscience de la nécessité du traitement et l’adhésion du patient aux modalités mises en œuvre sont déterminantes.
Cela exige d’importants moyens : des moyens humains, avec des personnels formés, des moyens en temps, que la tarification à l’activité nie dans son essence même, des moyens en structures d’accueil hospitalières publiques mais aussi en secteur ouvert.
Ce texte ne comporte aucune mention des mille postes de psychiatres hospitaliers actuellement vacants. Pas un mot non plus sur la misère des centres médico-psychologiques des hôpitaux de jour, des foyers et des centres d’accueil thérapeutique.
Vous envisagez même de mettre en place des traitements sans consentement à domicile, sans doute parce que, faute de mesurer l’impossibilité d’une mise en œuvre concrète, vous avez conscience de la pénurie de structures ouvertes pour suivre et accueillir ces patients.
Et vous voudriez nous faire croire que sans toucher à cela, vous allez réduire la dangerosité de certains malades mentaux ? Ce n’est tout simplement pas possible, et vous le savez, ce qui est d’autant plus inacceptable.
Il s’agit encore une fois d’une loi d’affichage, d’un leurre. Cette loi n’est pas seulement inutile, elle est contre-productive et dangereuse. C’est pourquoi le groupe GDR, dans la totalité de ses composantes, votera contre ce projet de loi sans hésiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
 

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Jacqueline
Fraysse

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