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Sécurité sociale : gestion de la dette sociale

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi organique, vous cherchez à trouver des solutions pour faire face aux 130 milliards d’euros de dettes accumulées depuis huit ans que vous êtes au pouvoir.
Vous invoquez la crise pour vous disculper. Mais, sur ces 130 milliards de déficit, la crise représente tout au plus 34 milliards. Le reste, c’est du déficit structurel, pour 34 milliards, mais aussi, pour 62 milliards, du déficit prévisionnel pour le régime vieillesse de 2011 à 2018.
Vos réponses sur le déficit structurel sont indigentes. Pire, elles déséquilibrent ce qui était en équilibre fragile. Ainsi, la branche famille, tout juste à flot, va se retrouver en déficit dès l’année prochaine puisque les recettes que vous lui transférez ne sont pas pérennes.
Pour ce qui est de l’équilibre de la branche vieillesse, il repose sur des hypothèses peu vraisemblables, comme le transfert de cotisations UNEDIC, qui supposerait un taux de chômage revenu à 4,5 %, ou le transfert des excédents des régimes complémentaires, qui nécessite l’accord préalable des partenaires sociaux. Tout cela fait beaucoup de « si ».
Quant à l’assurance maladie, vous anticipez déjà le transfert du déficit 2011 et des suivants à la CADES.
À ce tableau peu réjouissant, et devant l’ampleur du désastre, s’ajoute ces dernières semaines la cacophonie dans votre camp. Certains chez vous, refusant de renvoyer toujours sur les générations futures la dette accumulée, finissent par se rendre à l’évidence. Il n’est plus possible de rester arc-boutés sur le dogme – car c’est bien un dogme, chers collègues – du « zéro impôt » ou du « zéro prélèvement supplémentaire », alors que les impôts des plus riches ne font que baisser.
Le Président de la République et le Gouvernement continuent à vouloir allonger une fois de plus la durée de vie de la CADES. C’est pourtant votre majorité qui a fait voter en 2005, dans une loi organique, le principe de l’interdiction de tout allongement de sa durée de vie. Mais les caprices présidentiels sont passés par là.
Même si vous continuez à nier l’existence de nouveaux impôts ou taxes ou prélèvements, le plan de redressement des comptes publics que vous avez présenté aux autorités européennes contient en réalité la levée de quelque 40 milliards de recettes nouvelles d’ici à 2014.
Vous proposez que les recettes des trois nouvelles taxes sur les assurances, créées à l’occasion du PLFSS pour 2011, soient affectées à la branche famille et non plus à la CADES comme prévu initialement. En retour, la CADES se voit attribuer une fraction de la CSG à hauteur de 3,5 milliards qui financent actuellement les régimes de sécurité sociale. Bref, voilà un bel amendement de passe-passe.
Mais, ainsi, la pérennité du financement de la branche famille n’est absolument pas acquise. De plus, en transférant une fraction de CSG à la CADES, vous ne faites que déstabiliser un peu plus les comptes de la sécurité sociale en leur attribuant en contrepartie des ressources dont on sait pertinemment qu’elles sont très aléatoires et non dynamiques. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une partie de votre majorité refusait, à juste titre, de les attribuer à la CADES. Le fait de les affecter à la branche famille ne les rend pas plus pérennes.
Les comptes de la sécurité sociale risquent fort d’être dans le rouge et le déficit viendra alimenter la CADES.
Cette solution soulève d’ailleurs l’opposition résolue des six présidents de caisses – retraites, maladie, famille, recouvrement, MSA et RSI – et prive, dès 2013, le régime général de près de 1 milliard d’euros de ressources.
En définitive, il aura fallu les menaces du Premier ministre expliquant à demi-mot qu’il pourrait engager la responsabilité du Gouvernement et les rappels à l’ordre des députés par M. Copé pour que la majorité se résigne à voter les bidouillages gouvernementaux.
Cessez de vous satisfaire de palliatifs, de mesurettes d’économie. Cessez de cibler la seule « dette de crise ». Le creusement des déficits structurels est de votre responsabilité depuis huit ans que vous êtes au pouvoir. C’est l’échec de toutes vos réformes qui étaient censées ramener les comptes sociaux à l’équilibre, mais qui, en réalité, font le bonheur des marchés financiers. Sortez du dogme de la baisse à tout prix des impôts des plus riches et attelez-vous à rétablir la justice fiscale.
Les députés du groupe communiste, républicain, du parti de gauche, ultra-marins et verts, voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
 

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Martine
Billard

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