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Sécurité sociale : loi de financement 2008

Monsieur le Président, Mesdames les ministres, Chers collègues,
Ce PLFSS n’a en rien innové. Les assurés sociaux sont à nouveau mis à contribution financièrement et victimes d’une réduction de l’offre de soins.
Une part croissante de notre population est progressivement privée de l’accès aux soins : ticket modérateur, forfait hospitalier, baisse du taux de remboursement des médicaments, et désormais, les franchises médicales.
Vous qui aimez tant les sondages, vous n’aurez pas manqué de noter que 70% de nos concitoyens y sont opposés.
Les conséquences de ces franchises seront bien évidemment désastreuses. Elles vont dissuader les foyers modestes de recourir suffisamment précocement aux soins, au double risque d’un recours plus fréquent à l’accès direct aux soins hospitaliers, comme à l’automédication, ou à un recours trop tardif à des soins adaptés après une aggravation de la maladie.
Cette dérive prévisible est donc dangereuse pour les personnes concernées. Elle est dangereuse encore en termes de santé publique. Elle est enfin, au final, beaucoup plus coûteuse. Les franchises médicales par la désorganisation des soins ne pourront au final qu’aggraver le déficit déjà historique de la Sécurité sociale.
Vous justifiez ces 850 millions d’euros d’économie supplémentaires réalisés sur le dos des malades en expliquant qu’il est indispensable de maîtriser la dépense. Vous ne vous souciez guère en revanche de maîtriser les recettes. Vous n ’hésitez pas au contraire à dilapider les deniers publics en exonérations de cotisations patronales. Des exonérations inefficaces, qui n’exercent aucun effet de levier sur la croissance et l’emploi.
Vous avez l’oeil rivé sur le petit bréviaire de recettes libérales que vous attachez à suivre scrupuleusement et, depuis 2002, vous réalisez le tour de force d’enfoncer dans le rouge toutes les branches de notre protection sociale. Six PLFSS plus tard, vous n’avez toujours rien compris.
Cela fait ainsi des années que nous vous proposons en vain de réformer en profondeur le mode de financement de la Sécu et d’élargir l’assiette des cotisations. La part des salaires dans le PIB ne cessant de diminuer depuis 15 ans au seul profit des marchés financiers.
Il aura fallu une législature entière, et l’insistance de la Cour des comptes, pour que vous preniez enfin conscience de l’impérieuse nécessité d’une contribution des stock options. Encore est-ce dans une mesure bien timide et notoirement insuffisante, qui peine bien évidemment à masquer l’injustice criante de la plupart de vos mesures. Mais c’était encore trop et la CMP y a mis bon ordre comme le réclamait Laurence Parisot pour le Medef !
Dans le droit fil de cet alignement de la représentation nationale sur les exigences du Medef, il y a également le sort que vous réservez, dans ce projet de loi, aux victimes d’accidents du travail et des maladies professionnelles.
Vous avez refusé pour commencer d’exonérer ces victimes du paiement de la franchise médicale. C’est inconcevable. Est-il besoin en effet de rappeler que la gratuité des soins n’est que l’expression, pour ce qui concerne ces victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, du droit à réparation qu’ils détiennent contre l’employeur et auquel la sécurité sociale est substituée.
Il est incompréhensible, alors qu’elles sont déjà indemnisées de façon médiocre pour leurs préjudices économiques, que ces personnes soient désormais obligées de prendre à leurs charges les conséquences du dommage qu’elles ont subi du fait d’autrui.
La franchise médicale aboutit à ce que ce soit la victime qui paie les dépenses de santé dues à l’accident qu’elle a subi ou à la maladie dont elle est atteinte. Or votre discours auto-justificatif porte sur la responsabilisation des assurés sociaux. En quoi celui qui est victime de l’amiante ou celui qui est accidenté sur un chantier de construction peut-il être coupable ?
De cette grave injustice, vous n’avez cure. Vous n’avez cure non plus de garantir aux victimes d’accidents du travail la juste réparation de leurs préjudices. Vous avez au contraire décidé, tout à fait arbitrairement, de plafonner le montant des rentes en cas d’accidents successifs. Une mesure qui ne se justifie d’aucun argument de droit.
Avec mes collègues, j’ai saisi vos ministères pour obtenir du Gouvernement l’accord sur le dépôt de deux amendements portant sur la suppression des franchises médicales. Je n’ai pas eu de réponse. La démarche répondait pourtant à l’appel solennel de toutes les associations et syndicats défenseurs des salariés victimes des ATMP.
A l’heure où nos finances sociales connaissent d’importantes difficultés, où la branche AT/MP en particulier souffre d’un important phénomène de sous déclaration et de sous reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles, qui témoigne de la volonté manifeste d’un certain nombre d’employeurs d’échapper à leur responsabilité financière, l’heure devrait être pour le Gouvernement d’assumer enfin ses responsabilités et de sanctionner avec toute la vigilance et la sévérité nécessaire ces comportements.
Au lieu de quoi, vous ne faites rien. Pire encore, vous cautionnez les comportements frauduleux des entreprises (à l’exemple récemment de Renault) développés pourtant à seule fin d’éviter une majoration des cotisations AT/MP, quitte à mettre en déficit la branche.
Vous détournez enfin l’attention de nos concitoyens en prétendant hypocritement agir contre la fraude aux arrêts de travail, quant il ne s’agit en fait que de mettre les caisses sous tutelle des médecins désignés par les employeurs. Ce qui n’est absolument pas acceptable.
Pour l’ensemble des avis émis par mes collègues Jacqueline FRAYSSE et Martine BILLARD et pour toutes les raisons que je viens d’expliciter, et parce que votre acharnement à suivre les diverses préconisations du Medef et à cautionner l’irresponsabilité des entreprises ne se dément décidément jamais, nous voterons contre le présent projet de loi.

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Roland
Muzeau

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