Interventions

Explications de vote et scrutins

Société : immigration, intégration et asile

 
Avant de vous expliquer pourquoi nous voterons contre ce texte, permettez-moi deux remarques. D’abord, je regrette que nous ne soyons que vingt-trois députés pour voter, à quatre heures trente du matin, un texte qui aura des conséquences graves pour des dizaines de milliers de personnes.
Peut-être. Nous n’étions aussi que quinze pour voter la loi Pasqua, qui a fait d’un certain nombre de personnes alors en règle les sans-papiers dont on parle aujourd’hui.
Mais j’ai aussi un motif – un seul – de satisfaction qui tient à la qualité de notre débat. Contrairement à ce que vient de soutenir notre collègue de l’UMP, il n’y a eu, ni d’un côté ni de l’autre, de caricature. La question de l’ADN a donné lieu à un vrai débat, et je regrette que, à ce sujet, vous n’ayez pas entendu la voix de la raison qui s’est exprimée sur certains de vos bancs.
Avec ce texte, vous allez imposer à notre société un modèle fondé sur l’exclusion et le renfermement. Toujours plus d’interdictions, d’injonctions, de dureté à l’égard de ceux que vous ne voulez plus subir au prétexte – jamais prouvé – qu’il y a trop de migrants, a priori fraudeurs et coûteux pour l’État. Pour les choisir, vous rétrécissez le champ du regroupement familial, en imposant un apprentissage du français et des valeurs de la République, en exigeant des ressources modulables selon la taille de la famille, en faisant obligation aux parents d’avoir des enfants exemplaires – sinon, gare aux prestations familiales ! – et en recourant aux tests ADN. Vous construisez une restriction généralisée des droits des demandeurs d’asile avec les audiences par visioconférence, la remise en cause d’un procès équitable et du référé liberté, et une réduction du délai de recours auprès de la Commission de recours des réfugiés. Vous niez le droit à l’amour entre les hommes et les femmes en vous attaquant aux migrations de droit.
Nous avons essayé de vous faire entendre raison : rien n’y a fait, pas même les députés de votre majorité qui se sont élevés contre certaines propositions qu’ils jugeaient liberticides et discriminatoires. Rien n’a été cédé. Ce gouvernement ne manifeste aucune volonté d’assurer la mixité et la cohésion sociales, pas plus d’ailleurs que de lutter contre les discriminations.
Ne sachant pas comment gérer les problèmes sociaux, vous fustigez, vous dénoncez, vous pointez du doigt les mêmes personnes depuis des années : les migrants, leur famille, leurs enfants, leurs conjoints, les jeunes. Qu’irez-vous inventer lorsque le Gouvernement, faute d’avoir résolu les problèmes sociaux, voudra encore réduire les possibilités de migration ? Je crains le pire !
Aucune loi, aucune politique, aucun gouvernement ne pourra jamais maîtriser le droit légitime de tout être humain à chercher un horizon meilleur et à vivre en famille. Migrer est un droit fondamental, mais le Gouvernement l’a nié en usant d’arguments simplistes teintés d’une identité nationale primaire, qui ignorent l’apport dynamique des migrants à cette même identité.
Ce projet contient des dispositions contraires aux pactes garantissant le respect des droits humains, et c’est pourquoi je m’associerai au recours devant le Conseil constitutionnel. Il bafoue, démantèle et détruit les droits fondamentaux. Il rompt avec toute une tradition d’accueil et de consensus sur une certaine éthique au sein du Parlement et met la France en situation de violation constante du cadre international de protection de ces droits. À l’ère de la mobilité, que vous défendez, mieux vaudrait s’attacher à faire reculer la misère, les guerres et le sous-développement, œuvrer à l’émergence d’une citoyenneté ouvrant des droits sociaux pour tous et construire des relations de vraie coopération et de solidarité entre les peuples.
Notre groupe ne peut voter ce projet, qui n’est fondé que sur une approche répressive, liberticide, discriminatoire, et sur une logique de criminalisation de la migration et des migrants, qui représentent une part importante de notre société. Nous ne voterons pas un texte qui déstructure le droit, les liens sociaux, les relations humaines et qui organise la discrimination en instituant deux catégories de Français.
 

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Patrick
Braouezec

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