Interventions

Explications de vote et scrutins

Agriculture : régime de retraite complémentaire des conjoints et aides familiaux

Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, comme pour l’ensemble des séances réservées aux groupes parlementaires d’opposition, je me réjouis que nos débats suscitent quelque regain d’intérêt quelques minutes avant le vote, alors que les bancs de la majorité étaient quasiment vides jeudi dernier lorsque nous abordions le fond du problème des retraites agricoles et du régime complémentaire.
Sans doute est-ce le signe que la majorité a pris soudainement en compte la situation de détresse des retraités agricoles, particulièrement celle des aides familiaux et des conjoints, et qu’elle s’apprête à voter massivement pour cette proposition de loi tant attendue par ceux dont le niveau de vie est parmi les plus bas en France.
À moins que la consigne présidentielle et gouvernementale ne se traduise une nouvelle fois par une expression de mépris à l’égard des plus modestes, à l’égard de ceux qui n’ont pas compté leurs efforts leur vie durant, et qui ont le plus besoin de la solidarité nationale. Hélas, hélas, comment pourrait-il en être autrement quand le maître lui-même, dans un numéro médiatique pourtant préparé par ses soins, fait preuve de tant de prudence qu’il ne dit plus rien, qu’il se replie, qu’il peine et ne convainc plus personne ? Enfermé dans sa conviction qu’il ne peut que servir les puissants, il essaie, comme vous sans doute cet après-midi, de cacher son refus de répondre aux attentes des plus démunis.
Je l’ai dit la semaine dernière, depuis sa mise en place effective par la loi du 10 juillet 1952, le régime de retraite des non-salariés agricoles a été l’objet de plusieurs réformes visant à la reconnaissance juridique et à l’intégration au sein du régime des conjoints et aides familiaux, visant aussi à l’amélioration des niveaux des pensions de base et à l’adoption d’un régime complémentaire obligatoire en 2002.
Mais, vous le savez, les quelque 1 800 000 retraités actuels de ce régime ont des revenus caractéristiques d’une situation d’extrême pauvreté, pour la grande majorité bien en deçà des 700 euros du seuil de pauvreté retenu en France. Et que dire de tous les conjoints survivants d’exploitants – pour l’immense majorité, des femmes – qui ne perçoivent que 300 ou 400 euros de pension, après une vie de travail associant tâches professionnelles et tâches ménagères ?
Jeudi dernier, le quarteron de députés UMP présents a interprété le jeu de l’absurde, tantôt mettant en avant le caractère précoce et partiel de cette proposition de loi, nous invitant à attendre patiemment le débat global sur la casse des retraites, tantôt en soulevant l’incapacité de l’État à financer cette mesure de justice sociale. Quelle indécence au regard des largesses accordées aux plus riches, aux banques et aux grands groupes !
Avec ce gouvernement, chers collègues de l’UMP, vous êtes passés maîtres dans l’art de justifier l’injustifiable : le bouclier fiscal, les milliards d’euros de dividendes aux actionnaires, les millions d’euros de salaire des grands patrons.
Alors, dans une dernière tentative, à court d’absurde, vous faites même des envolées sur le registre émotionnel, témoignant du vécu de vos propres parents, pour, au final, juger presque indigne que les retraités s’indignent de leurs si volumineuses pensions. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Mes chers collègues, je le dis avec une colère contenue, les retraités agricoles sont las de tant de mépris et d’indifférence à leur égard. Ils étaient venus nombreux jeudi dernier, des départements ruraux, pour assister à nos débats. Ils étaient venus de toute la France, et, sur ces bancs, nous avions mal à la France. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
Que peuvent-ils bien penser quand des parlementaires arguent qu’il est impossible, et même impensable, de les rendre bénéficiaires du régime complémentaire obligatoire, quand, dans le même temps, des milliards d’euros de garanties sont apportés à des banques qu’ils ont largement contribué à placer au plus haut de la hiérarchie bancaire mondiale ?
Que peuvent-ils bien penser quand les géants de l’industrie agroalimentaire français, qui ont fait florès sur leur dos, distribuent chaque année des milliards d’euros de dividendes aux actionnaires sans que soit simplement envisagée leur mise à contribution pour garantir des pensions dignes pour les anciens exploitants ?
Mes chers collègues, nous avons aujourd’hui l’occasion de marquer notre considération pour le travail passé de ceux qui nous ont nourris. Rien n’est plus insupportable que de les laisser dans la misère, quand l’opulence de certains s’affiche sans retenue.
Je vous invite donc à voter ce texte, comme le feront l’ensemble des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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