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Explications de vote et scrutins

Lutte contre le décrochage scolaire

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je regrette de ne plus avoir en ma possession les documents du groupe socialiste pour pouvoir à nouveau protester contre la loi du bâillon que l’on va imposer aux parlementaires.
Monsieur le ministre, nous partageons l’ambition de la proposition de loi visant à lutter contre le décrochage scolaire qui est soumis aujourd’hui à notre vote par nos collègues du groupe SRC. Et nous la partageons d’autant plus que nos débats ont révélé l’explosion de ce phénomène. En effet, environ 252 000 jeunes seraient sortis du système scolaire entre juin 2010 et mars 2011, selon le ministère de l’éducation nationale. 72 000 seraient suivis par le réseau des missions locales, mais 180 000 seraient totalement perdus de vue, de l’aveu même du ministre.
Selon le rapport, « la comparaison avec les chiffres du décrochage scolaire des années 1990, environ 70 000, ou du milieu des années 2000, 150 000, montre que, loin de se résorber, le nombre de jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification représente une fraction de plus en plus significative d’une génération ».
En septembre 2009, le Président de la République déclarait de manière quelque peu imprudente que la lutte contre le décrochage scolaire était une priorité nationale. Alors que cette situation alarmante devrait donner lieu à une mobilisation tous azimuts, les rares initiatives gouvernementales ne semblent avoir qu’un objectif : l’orientation des décrocheurs vers toutes sortes de dispositifs – mise sur le marché du travail, service civique...– pourvu qu’ils ne soient pas scolarisés.
Le ministre a profité de nos discussions pour nous annoncer la signature de deux décrets destinés à s’appliquer lors de la prochaine rentrée. À l’entendre encore une fois évoquer la « sanction des élèves perturbateurs », nous craignons le pire. Que faudrait-il dire, monsieur Ollier, des ministres perturbateurs de la cohésion sociale ? Je constate votre étonnement mais si vous réfléchissez, vous allez tout de suite trouver ceux auxquels je fais allusion.
On se souvient de l’adoption, l’année dernière, d’une loi purement démagogique et populiste proposée par la majorité pour sanctionner les familles, en facilitant la suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire. Que dire de l’absentéisme de certain professeur de philosophie qui continue d’être rémunéré ? Vous voyez à qui je pense… (Sourires.)
M. André Vallini. Excellent !
M. Jean-Pierre Brard. Il s’agit de quelqu’un qui est toujours présenté à la télévision comme philosophe.
M. Jean-Paul Bacquet. C’est plutôt un pitre, une marionnette, un salonard !
M. Jean-Pierre Brard. Vous voyez où est tombée la philosophie, monsieur le ministre !
Quel paradoxe d’apprendre que le ministre a décidé de « remettre la règle au cœur de l’école » alors que déréguler et casser le service public de l’éducation semble être sa priorité.
En l’absence de véritables solutions proposées par la majorité pour redonner aux décrocheurs l’envie de revenir sur le chemin de l’école, cette proposition de loi a le mérite de proposer des dispositifs que nous soutenons.
Abaisser l’âge de l’obligation scolaire à trois ans au lieu de six paraît particulièrement pertinent quand on sait l’importance de l’école maternelle pour la réduction des inégalités scolaires, même si nous estimons que l’État devrait garantir un droit à la scolarisation des enfants dès l’âge de deux ans quand les parents en font la demande.
Instituer des mesures de continuité éducative au sein des établissements en cas d’exclusion et créer des cellules de veille éducative dans tous les établissements scolaires semble tout aussi intéressant. Il s’agit de remettre l’éducation nationale au cœur des dispositifs de lutte contre l’échec scolaire.
Nous sommes également favorables à la proposition de permettre à des réseaux d’aides spécialisées de venir spécifiquement en aide aux collégiens en difficulté sur le modèle de ce qui se fait dans le premier degré.
Les auteurs du texte ont rappelé fort justement que le décrochage scolaire a des causes « diverses et individualisées » et est « souvent la conséquence de difficultés familiales, scolaires, psychologiques ou sociales rencontrées dès la petite enfance et au cours de la scolarité ». Il n’est pas possible de dédouaner le Gouvernement de la forte progression de « la proportion des élèves en échec scolaire » mais aussi de « l’écart croissant entre les meilleurs élèves et ceux en difficulté » constaté par toutes les études nationales et internationales.
L’une des principales causes du décrochage scolaire réside dans la suppression des 65 520 postes programmée dans les budgets successifs depuis 2007 au nom de la révision générale des politiques publiques.
Vous aurez donc compris que, dans la double volonté de soutenir cette initiative parlementaire mais aussi de pointer la responsabilité du Gouvernement vis-à-vis de l’alarmante progression du décrochage scolaire, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)

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Jean-Pierre
Brard

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