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PLF 2012 : Engagements financiers de l’Etat

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Patrick Braouezec. Madame la ministre, la mission dont vous nous proposez d’approuver les crédits, si elle présente le caractère d’un document comptable, revêt en réalité une dimension très politique, puisqu’elle a trait à la gestion de la dette publique, dans une période marquée précisément par ce qu’il est convenu d’appeler la crise de la dette publique. Au-delà de la mise en œuvre et de l’évaluation des modalités de gestion de cette dette, le constat qui s’impose est celui de son augmentation considérable et, par voie de conséquence, de celle du montant des charges de la dette. De 44 milliards d’euros en 2010, celui-ci est en effet passé à 46,7 milliards en 2011 et devrait atteindre 48,8 milliards en 2012. La Cour des comptes a depuis longtemps tiré le signal d’alarme et le risque existe que nous aboutissions à une situation où la dette sera hors de contrôle.
Pour notre part, nous avons deux principaux motifs d’inquiétude.
Le premier est que la dette résulte, non pas de dépenses excessives, comme le Gouvernement voudrait nous le faire croire, ni du montant des investissements, qui exerceraient en retour un effet de levier sur l’économie, mais principalement des cadeaux fiscaux qui ont été accordés au fil des ans et qui ont à peu près exclusivement bénéficié aux entreprises et aux plus favorisés, sans effet tangible sur la croissance et l’emploi.
Notre second motif d’inquiétude est que les mesures préconisées par le Gouvernement dans le cadre du plan de rigueur pèseront sur la croissance et l’emploi. En effet, 90 % des efforts demandés par M. Fillon en août dernier et la semaine dernière vont affecter de près de 500 euros le pouvoir d’achat des classes moyennes. Ces mesures pénaliseront donc la consommation et la croissance, ce qui est d’autant plus préoccupant que vous brisez les deux autres leviers de la croissance : l’investissement public et le crédit.
En revanche, aucune mesure significative n’a été prise pour exiger des banques qu’elles se recentrent sur ce qui n’aurait jamais dû cesser d’être leur cœur de métier : le financement de l’économie. Il n’est pas judicieux, aujourd’hui, d’accepter qu’elles se refinancent en réduisant leur activité afin d’échapper à toute forme de recapitalisation par l’État, car ces réductions d’activité pénalisent le crédit et la croissance.
Face à l’atonie de la consommation et à l’irresponsabilité du secteur bancaire, la sagesse voudrait que le Gouvernement encourage la relance par des programmes ambitieux d’investissement public. Or vous persistez, année après année, à assécher les comptes publics et à procéder à des coupes claires dans les crédits. Non contents de priver l’État de toute marge de manœuvre, vous vous êtes attaqués aux finances locales, à la fois par la réforme de la fiscalité locale et par le gel des dotations aux collectivités, qui assurent pourtant 75 % de l’investissement public.
Puisque vous n’actionnez aucun levier de croissance, nous avons tout lieu de craindre que votre stratégie nous précipite vers une récession et contribue ainsi à l’aggravation du gouffre financier. Sans croissance, il sera en effet bien difficile de résorber la dette. Votre politique de rigueur y suffira d’autant moins que vous ne vous êtes pas fixé pour priorité de supprimer les dépenses fiscales, aussi somptuaires qu’inefficaces, consenties ces dernières années. Je songe à la niche Copé, qui a coûté 22 milliards d’euros en trois ans,…
M. Christian Eckert. Eh oui !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais non !
M. Patrick Braouezec. …et à la défiscalisation des heures supplémentaires, qui représente un manque à gagner annuel de plus de 4 milliards d’euros. Le total des niches s’élève à 75 milliards d’euros. Nous estimons possible, pour notre part, de récupérer 50 milliards en supprimant ou en aménageant les niches les plus coûteuses, c’est-à-dire, outre celles que je viens de citer, le régime des sociétés mère-fille, dont le coût annuel s’élève à 35 milliards, et le régime d’intégration fiscale des groupes, qui ampute nos finances de près de 20 milliards.
Il y a matière, vous le voyez, à réaliser des économies massives sans faire payer la crise à nos concitoyens.
Mais le problème de la dette publique soulève des questions plus fondamentales encore, qu’il s’agisse de l’obligation faite aux États de se financer exclusivement sur les marchés financiers – qui est le corollaire de l’« indépendance » de la BCE et des traités européens –, de la pertinence d’un audit de la dette publique ou de la coordination des politiques économiques, qui s’est traduite par l’exacerbation de la mise en concurrence des salariés et des normes sociales et fiscales.
Sans un desserrement de l’étau des marchés financiers, sans une remise en cause de la privatisation de la création monétaire, tous les moyens d’ingénierie financière demeureront durablement incapables de juguler la spirale de la dette. C’est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de la présente mission.

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Patrick
Braouezec

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