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Budget de l’État

PLF pour 2022 - Aide publique au développement

Le budget de l’aide publique au développement pour 2022 est en augmentation de 576 millions d’euros, ce qui porte le budget total de la part pilotable de l’APD à 3,05 milliards d’euros, et à 14,6 milliards si l’on comptabilise la totalité de l’APD. Vous avez raison d’être satisfait, monsieur le ministre, même si, bien que cela semble intéressant au premier abord, il nous faut rester prudents.

Premièrement, les députés communistes le disent systématiquement, l’APD doit devenir plus transparente – nos collègues Bérengère Poletti et Clémentine Autain l’ont également souligné – et plus lisible pour tous.

Comment y voir clair lorsque toutes les aides pilotables et non pilotables sont réparties sur vingt-quatre programmes et quatorze missions budgétaires différentes ? Comment accepter que seuls 3 milliards sur 14 milliards d’euros soient débattus lors de l’examen du projet de loi de finances ? Vous savez pourtant que cette opacité entretient le doute et érode la confiance.

Cela est d’autant plus vrai que de tels canaux de financement permettent un pilotage opportuniste et orienté vers des actions sécuritaires. Côté opportunisme, les députés communistes se demandent quelle confiance avoir dans le pilotage de notre APD, lorsque l’on augmente subitement l’aide publique au développement au Rwanda, et que – par pure coïncidence sans doute – l’armée rwandaise intervient dans la foulée au Mozambique, pour sécuriser une région où l’entreprise française Total a des installations gazières stratégiques. Quelle confiance avoir dans la filiale bancaire de l’APD – Proparco –, qui prête directement à des États et qui finance des projets, tout en se cachant derrière le secret bancaire lorsqu’on lui demande des comptes ?

Côté sécuritaire, quelle confiance avoir dans notre aide au développement, alors qu’Expertise France finance des formations militaires ou livre des blindés aux armées du G5 Sahel ?

Deuxièmement, l’augmentation du budget en 2022 – comme ce fût le cas pour tous les budgets précédents – cache une politique du chiffre, visant à comptabiliser le plus d’initiatives possible en aide publique au développement, afin d’atteindre l’objectif consistant à dédier 0,55 % de la richesse nationale à l’APD. Je pense notamment à l’APD que nous distribuons, contre toute logique, sur notre propre territoire, et qui représenterait environ 16 % de l’APD totale. Il s’agit notamment des frais d’écolage – les bourses scolaires à des étudiants étrangers, financées par l’État –, des aides aux migrants en France, et même de certaines aides destinées à nos territoires et collectivités d’outre-mer !

Troisièmement, si une telle augmentation est positive, au sens où elle respecte la promesse de 2017, elle demeure en deçà des enjeux, ceux, notamment, liés à la pandémie mondiale, qui a déstabilisé non seulement les systèmes sanitaires, mais aussi les systèmes sociaux et économiques. L’extrême pauvreté a augmenté de près de 20 % pour la première fois depuis les années 1990, et, pour la première fois depuis sa création en 2002, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme enregistre des reculs sur les indicateurs de la lutte contre ces trois maladies.

La hausse des crédits ne couvre même pas tous les engagements pris par le Président de la République : il manque encore près de 90 millions d’euros pour respecter les engagements de la France pour le Fonds mondial ; sur les 560 millions d’euros mobilisés en 2020 pour le dispositif ACT-A, visant à accélérer l’accès aux outils de lutte contre la covid-19, seulement 160 millions d’euros ont été comptabilisés par l’Organisation mondiale de la santé. Or, grâce à la valorisation opportuniste de certains financements, vous arrivez à un total de 810 millions d’euros, ce qui revient à manipuler les chiffres ! Il manque donc près de 600 millions d’euros pour être à la hauteur de vos engagements. Vous disposez ainsi de deux options : dire au Président de la République d’arrêter de faire des promesses qu’il ne peut pas financer, ou déployer des moyens à la hauteur des engagements. Dans tous les cas, c’est la France qui perd de la crédibilité au niveau international.

Enfin, quatrièmement, la gestion erratique de l’augmentation budgétaire pose de graves problèmes aux salariés qui doivent mettre en œuvre les actions. L’AFD est très clairement en surchauffe, en raison de l’augmentation de la charge de travail et d’une réorganisation interne, doublée d’une réforme du statut des salariés. Pourtant, tout le monde vous dira qu’il est impossible, pour une structure, de croître à un rythme extrêmement rapide, tout en étant restructurée. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont entendu les alertes des syndicats. Faites enfin de même, monsieur le ministre, et reprenez un dialogue social apaisé. Faites en sorte que notre APD repose sur de solides bases, avec des agents rassurés.

Tels sont les quatre sujets qui posent problème, qui expliquent que la France devienne un État hors-sol, qui se contente de bons chiffres, plutôt que de bonnes actions de terrain. Par conséquent, malgré l’augmentation des crédits en 2022, augmentation que nous saluons – elle est tout à votre honneur, monsieur le ministre –, les députés du groupe GDR voteront contre ce budget.

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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