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Adoption d’une loi européenne sur l’espace

La présente proposition de résolution européenne est une initiative bienvenue. Dans un contexte marqué par le retard d’Ariane 6, les problèmes rencontrés par le lanceur Vega et la fin des lancements de Soyouz au centre spatial guyanais (CSG) de Kourou, l’Europe spatiale est à la croisée des chemins. Heureusement, les autorités de Bruxelles semblent avoir pris la mesure de la situation et les États membres ont démontré une solidarité entre eux – nous l’avons constaté le 6 novembre, à l’occasion de l’accord entre la France, l’Allemagne et l’Italie sur la politique spatiale, qui a sécurisé les lancements d’Ariane 6 et de Vega.
Mais l’Union européenne, qui compte onze régimes différents de droit spatial, ne peut faire face aux mastodontes spatiaux américains et chinois – elle est menacée de perdre sa souveraineté dans ce domaine. Du fait d’une répartition des tâches complexe entre les États membres, l’Agence spatiale européenne et l’agence de l’Union européenne pour le programme spatial, l’Euspa, il n’est pas toujours simple d’avancer – cela fait beaucoup de monde.
Cela se voit particulièrement avec les débris spatiaux, au cœur de la résolution : les Européens ne disposent d’aucun droit commun sur la manière de les gérer. Une grande loi européenne visant à poser les enjeux spatiaux à l’échelle de l’Europe, en matière de connaissance de l’environnement spatial ou de gestion du trafic spatial, serait fondamentale – encore faudrait-il que l’ONU adopte une définition unifiée des débris spatiaux.
Cela dit, je ne peux qu’être d’accord avec vos propositions dans la mesure où elles font partie des trente-quatre recommandations que j’ai formulées avec Pierre Cabaré, dans le cadre du rapport d’information sur l’espace, publié en février 2022. Je regrette d’ailleurs que vous n’y fassiez pas référence dans vos considérants – c’était pourtant un beau travail de fond.
Pour amorcer une loi européenne, quoi de mieux que la loi du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales ? La LOS constitue une base consolidée de discussion pour avancer sur une telle législation. Toutefois, je regrette que son actualisation récente, qui est passée par un décret ne nous ait pas donné l’occasion de débattre de l’espace, un sujet trop peu évoqué au Parlement.

Dans notre rapport d’information, nous préconisions d’organiser un tel débat ; il est regrettable que l’exécutif n’y ait pas porté attention.
Plus inquiétante encore est la disparité des positions politiques sur la question de l’utilisation des ressources spatiales au sein de l’Union européenne. En effet, le Luxembourg a intégré en 2017 dans son droit interne la possibilité de l’exploitation des ressources spatiales, une législation dont disposent aussi les États-Unis depuis 2015. Les trente-cinq États signataires des accords Artemis, promus par les États-Unis dans la perspective du retour sur la Lune et de l’exploration spatiale – dont la France, l’Allemagne, l’Italie et neuf autres États membres de l’Union européenne –, ont validé l’interprétation américaine du droit des ressources spatiales. Cette dernière établit que l’appropriation des ressources d’un objet céleste ne contredit pas le principe de non-appropriation stipulé par le traité de l’espace du 27 janvier 1967 – l’unique traité qui régule les questions spatiales à l’échelle internationale.

Permettez-moi donc de douter de votre intention quand, à l’alinéa 26, je lis que vous voulez « plaider pour l’approfondissement de la réflexion européenne […] sur l’utilisation des ressources extra-atmosphériques ». Un tel plaidoyer, mené par des forces aussi libérales que les vôtres, inquiète les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine.
Cette proposition de résolution européenne aurait dû plutôt porter sur la redynamisation des débats multilatéraux pour améliorer le droit spatial international, notamment auprès du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique des Nations Unies – Cupeea. Elle aurait dû viser à dédier l’espace à la coopération internationale et à la science – c’est le cas de la haute mer et de l’Antarctique –, non à la militarisation et à l’armement. J’avais d’ailleurs insisté sur ce point dans mon rapport.
Ainsi, même si plusieurs considérants et demandes faites à l’exécutif sont intéressants, nous nous abstiendrons. L’essence libérale de la question des ressources spatiales nous retient d’aller plus loin dans notre engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

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