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CMP - PLFR de la sécurité sociale pour 2011

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe GDR.
M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 permet au Gouvernement, profitant d’une embellie passagère des chiffres du chômage, de claironner que les comptes de la Sécu s’améliorent.
Cette très légère éclaircie est due avant tout à la conjoncture, et à une diminution du nombre de chômeurs si éphémère qu’avant même l’adoption définitive du projet de loi, la situation du chômage se dégrade déjà. Votre texte serait-il prématuré ?
Parmi les motifs de satisfaction du Gouvernement figure le respect de l’ONDAM, mais à quel prix ! En première lecture, mes collègues ont longuement parlé des difficultés croissantes d’accès aux soins. Je n’y reviendrai pas, sinon pour signaler que le taux de prise en charge par l’assurance maladie ne cesse de diminuer.
Sous l’effet des franchises, des tickets modérateurs, des forfaits hospitaliers, de la contribution d’un euro, des déremboursements et d’autres mesures qui vous permettent d’afficher un respect de l’ONDAM, ce taux de couverture a diminué de 1,6 % entre 2004 et 2009, alors que les reste à charge augmentaient de 1 %. Il s’établit aujourd’hui à 75 % en moyenne si l’on inclut les patients atteints d’une affection de longue durée, pris en charge à 100 % ; si on les exclut du calcul, il ne dépasse pas 55 %.
Un flou persiste, qui permet au Gouvernement de nier ces chiffres, comme l’a fait M. le ministre en première lecture. Voilà pourquoi le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie souhaite que l’on mette au point de nouveaux indicateurs d’évaluation afin de mieux analyser le système de prise en charge des soins. Mais vous n’êtes pas pressé d’accéder à sa demande, car vous préférez finalement le statu quo à la vérité des chiffres.
Quant aux hôpitaux, une partie de leur financement est gelée pour permettre de respecter ainsi l’ONDAM. Par conséquent, ils sont asphyxiés et taillent dans leurs effectifs, bien que Mme Bachelot ait promis de ne pas leur appliquer la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Selon un document confidentiel dévoilé par la presse, l’AP-HP prévoit ainsi de supprimer 3 500 emplois d’ici à 2014, non par des licenciements, mais, de manière peut-être plus cynique encore, en ne remplaçant pas les salariés qui démissionnent pour fuir des conditions de travail de plus en plus dégradées.
En somme, qu’il s’agisse de l’augmentation des reste à charge ou de la dégradation des hôpitaux publics, les premières victimes sont les plus modestes.
Quant à la branche vieillesse, son déficit n’est contenu qu’au prix d’un nouvel allongement de la durée de cotisation. Cette mesure, comme la réduction du taux de couverture de l’assurance maladie, touche d’abord, une fois encore, les plus démunis de nos concitoyens, ceux qui ont connu des carrières hachées du fait de longues périodes de chômage.
Comme toutes les mesures peu glorieuses concernant les retraites, celle-ci a été adoptée au début des vacances d’été, ce qui montre, s’il en était besoin, l’embarras du Gouvernement et, surtout, l’inutilité de la réforme des retraites votée à l’automne dernier afin de résoudre les problèmes de financement des retraites jusqu’en 2020.
À ce propos, je souhaite revenir sur la situation des travailleurs sans emploi disposant déjà de la durée de cotisation requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein, mais n’ayant pas encore atteint l’âge légal de départ.
M. Alain Vidalies. Bien sûr ! Il faut répondre, monsieur le ministre !
M. Jean Mallot. Le ministre est indifférent !
M. Jean-Jacques Candelier. Je suis entièrement d’accord avec vous !
Récemment encore, ces personnes avaient droit à une allocation équivalent retraite d’un peu plus de 900 euros qui leur permettait d’attendre d’avoir atteint l’âge légal. Mais le Gouvernement l’a supprimée, non sans promettre – je cite les propos tenus par M. Fillon le 9 septembre dernier – de « mettre en place un système équivalent à l’AER, pérenne, pour les travailleurs les plus âgés ».
Interrogé à deux reprises sur cette promesse non tenue, M. Bertrand n’a pas répondu, se contentant de disserter sur l’activité des seniors, ce qui montre son mépris pour les personnes concernées et l’embarras du Gouvernement sur ces questions.
M. Jean Mallot. Il fait le sourd !
M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le ministre, commencez donc par trouver du travail aux seniors qui n’ont pas encore atteint la durée de cotisation leur permettant d’avoir une retraite décente, et prenez en considération les autres : après une vie entière de travail, ils méritent d’être entendus, ne serait-ce que parce que le Gouvernement s’y est engagé !
J’en viens à la mesure phare de ce texte, la prime contre dividendes.
En première lecture, nous avions dénoncé une prime qui ne concernera qu’une infime partie de salariés et dont le montant sera de facto laissé à la discrétion des dirigeants, parmi lesquels certains ne font pas mystère de leur intention de contourner le dispositif. Nous avions également dénoncé la création d’une nouvelle niche fiscale, comme du reste – cela mérite d’être souligné – les deux rapporteurs, nos collègues Yves Bur, à l’Assemblée nationale, et Alain Vasselle, au Sénat.
Cette nouvelle niche pose deux problèmes graves.
Premièrement, comme toutes les niches sociales, elle incite les employeurs à privilégier la prime, non soumise à cotisations, par rapport aux augmentations de salaires. Deux conséquences graves en découlent pour les salariés : à court terme, ils ne gagneront rien en pouvoir d’achat ; à long terme, ils perdront des droits, notamment des droits à la retraite.
Nous maintenons donc que le meilleur moyen d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés et, par là même, de relancer l’économie par la consommation, c’est d’augmenter leurs rémunérations. C’est le moyen le plus simple, le plus efficace et le plus équitable.
Le second problème est le manque à gagner pour l’État. Dans le cas présent, les pertes de recettes au titre de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés s’élèveront à 395 millions d’euros en 2011, puis à plus de 640 millions d’euros à partir de 2012. Est-il vraiment opportun, alors que le déficit de la sécurité sociale atteint près de 20 milliards d’euros et celui de l’État près de 150 milliards d’euros, de se priver de ces recettes ?
J’ajoute que, s’agissant des niches fiscales et sociales, le Gouvernement avait pris deux engagements, inscrits dans la loi de programmation des finances publiques. D’une part, la création de toute nouvelle niche sociale devait s’accompagner de la suppression d’une autre dont le montant est équivalent ; d’autre part, le Gouvernement devait transmettre au Parlement, avant le 30 juin, un rapport d’évaluation sur l’efficacité de ces dispositifs dérogatoires.
Le Gouvernement n’honore aucun de ces deux engagements. Mais qui s’en étonnera ? Les promesses non tenues sont devenues l’une de ses marques de fabrique !
Pour toutes ces raisons, les députés de la gauche démocrate et républicaine voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Jean-Jacques
Candelier

Député du Nord (16ème circonscription)

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