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Mesures d’urgence relatives aux négociations commerciales dans la grande distribution

Le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis 2017, le monde, l’Europe et la France n’ont pas été épargnés par les crises – sans parler du cortège de mauvaises réformes promues par le Gouvernement.

Paradoxalement, nous avons le sentiment que vous n’en avez rien appris – ou pas grand-chose. La crise des gilets jaunes, étouffée, incarnait pourtant de légitimes colères face aux injustices sociales, fiscales et territoriales que l’étincelle des prix des carburants était venue raviver.

La crise du covid a révélé à quel point notre système de santé était malade et combien nos renoncements industriels avaient renforcé notre dépendance – pas seulement aux matières premières. La crise énergétique, accélérée par la guerre en Ukraine, s’est transformée au cours des derniers mois en une crise inflationniste qui touche tous les pans de la vie quotidienne – rien n’y échappe : énergie, carburant, alimentation, logement, etc.

Cette inflation fait mal aux vies et se lit sur les visages des familles pour qui les débuts de mois ressemblent aux fins de mois.

Toutes ces crises, qui fracturent chaque jour un peu plus notre pays et vont jusqu’à fragiliser les fondements de la République, auraient dû militer pour le retour à un État fort, à un État stratège, à un État qui protège et qui prend soin, afin que la République soit présente partout et pour tous. Force est de constater qu’il n’en est rien. Faute de régulations volontaristes, vous laissez le marché faire son œuvre ; mais le marché ne marche pas.

Le texte qui nous est soumis, mais auquel vous ne croyez pas vous-mêmes – madame la ministre déléguée, je vous ai trouvée plus convaincante sur d’autres textes –, est l’illustration de la doctrine du laisser-faire des libéraux que vous êtes. Pire encore, en se contentant pour seule réponse d’avancer les négociations commerciales avec les grands groupes, il risque – vous le reconnaissez aujourd’hui – non seulement de fragiliser les PME et les PMI (petites et moyennes industries), déstabilisées par cette concurrence déloyale, mais surtout d’abîmer un peu plus notre souveraineté alimentaire. En faisant porter les baisses non pas sur les marges colossales de ceux qui n’ont pas connu les crises, mais sur les agriculteurs qui espéraient la concrétisation des lois Egalim 1 et 2, vous risquez de tirer vers le bas la rémunération de ceux qui nourrissent le pays.

Les jeunes agriculteurs et leurs organisations syndicales ne s’y trompent pas : ils sont vent debout, vous exhortent au contraire à faire respecter les lois et leur esprit, ainsi qu’à renforcer les contrôles de la DGCCRF.

Car si les coûts de quelques matières premières baissent à nouveau, ce n’est évidemment pas le cas des coûts de production auxquels les agriculteurs sont confrontés.

Le groupe GDR soutiendra les amendements visant à sortir les produits laitiers de cette mauvaise mesure consistant à avancer les clauses des négociations commerciales. Je vous redis mon inquiétude de voir chaque jour, chez moi, en pays de Bray, des éleveurs laitiers mettre la clef sous la porte. Rien d’étonnant à cela quand on sait que Danone leur achète le litre de lait 41 centimes ; je mets qui que ce soit au défi de le trouver à ce prix dans les rayons des magasins de Dieppe ou d’ailleurs.

Tout cela va nous conduire à tenter de corriger votre texte pour en diminuer les impacts, notamment ceux des effets de seuils, que personne ne semble avoir perçus avant le travail en commission. Tout cela va nous conduire à réitérer l’idée selon laquelle, pour stopper l’hémorragie de l’inflation qui constitue un impôt injuste pour les gens, notamment pour les plus pauvres, il faut changer de braquet.

Dès le premier texte sur le pouvoir d’achat, nous avions fait des propositions sérieuses, concrètes et faciles à appliquer – je vois que cela fait bougonner notre collègue Balanant –…

Nous avions ainsi proposé d’indexer les salaires et les pensions sur le niveau des prix ; de mettre sur la table une TVA réduite ou une fiscalité différenciée pour les produits de première nécessité – sur les carburants, par exemple –, ainsi que de revenir aux tarifs réglementés pour l’électricité et le gaz ; d’accepter enfin, même si c’est pour vous contre nature, de toucher au grisbi en mettant à contribution les superprofits, en taxant les dividendes et en ouvrant le débat sur la répartition des marges, dont le Fonds monétaire international (FMI) et la BCE eux-mêmes considèrent qu’elle est la première cause de la dérive inflationniste. Voilà ce que pourrait être un État fort, un État qui prend soin, un État stratège. En l’état actuel des choses, le groupe communiste s’oppose fortement à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

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Sébastien
Jumel

Député de Seine-Maritime (6ème circonscription)

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