Interventions

Discussions générales

Organisation du service et information des passagers dans les entreprises de transport aérien

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, les députés communistes, républicains et du parti de gauche renouvellent leur opposition totale à cette proposition de loi visant à empêcher l’exercice du droit de grève dans le transport aérien. Ce texte constitue une entaille de plus dans le droit de grève. Il revêt une gravité particulière car, en rabotant le droit de grève de salariés du secteur privé, il ouvre la voie à un encadrement généralisé de ce droit pour l’ensemble des salariés de notre pays.
M. Jean Mallot. C’est clair !
M. André Chassaigne. C’est une provocation pour les travailleurs du secteur aérien, dont la précarité et les difficiles conditions de travail sont connues de tous. Comme le signale la CGT, et avec elle tout le front syndical, uni, ce midi, à proximité de notre hémicycle, « C’est notre pouvoir de revendication nationale qui est en jeu » !
Avant de créer des entraves législatives au droit de cesser le travail, vous êtes-vous une seconde demandé pourquoi les salariés débrayaient ? Vous êtes-vous interrogés sur les motivations de ces personnels qui font le sacrifice de plusieurs journées de salaire en période de crise ?
M. Jean Mallot. Exactement !
M. André Chassaigne. Vous versez de grosses larmes sur les conséquences des grèves mais vous ne vous interrogez jamais sur leurs causes. C’est pour défendre leurs conditions de travail, leur emploi, leurs salaires, leurs droits qu’ils se mobilisent !
M. Jean Mallot. Tout à fait !
M. André Chassaigne. Nous avons déjà eu l’occasion d’affirmer, en première lecture, que les prétextes avancés par la majorité et le Gouvernement pour justifier cette réforme étaient totalement infondés.
M. Jean Mallot. Totalement !
M. André Chassaigne. Avec les salariés, nous pouvons demander : y a-t-il aujourd’hui un problème de prévisibilité des conflits sociaux dans les transports aériens ? Non !
M. Didier Gonzales. Si !
M. André Chassaigne. Chacun sait que c’est non ! Nombre de professions du secteur sont déjà tenues de déposer un préavis de grève, ce qui permet de rendre public tout conflit : les agents de sûreté, les contrôleurs aériens, les personnels d’Aéroports de Paris... Les compagnies aériennes n’ont en réalité aucune difficulté à prévoir et anticiper les mouvements sociaux, vous le savez très bien. Cette proposition de loi instaurerait le dispositif de l’alarme sociale visant à obliger les partenaires sociaux à se mettre autour d’une table pour négocier en cas de déclaration de grève. Mais, ici encore, y a-t-il un blocage du dialogue social dans les entreprises du secteur du transport aérien ? Non ! Les organisations représentatives des salariés et des employeurs se rencontrent régulièrement. Le secteur des transports aériens n’est pas une bulle isolée où le droit du travail n’aurait pas cours. Permettez-moi de citer une nouvelle fois la fédération CGT des transports : « La grève est la conséquence d’un long processus de négociation de plusieurs semaines qui n’aboutit pas, et ce n’est pas en ajoutant une période de huit jours dans le transport aérien, déjà mise en place dans les transports terrestres avec l’inefficacité que l’on connaît, que l’on changera quoi que ce soit. » Le plus souvent, lorsqu’il y a grève, c’est, en quelque sorte, que la direction l’a voulu !
M. Charles de Courson. C’est la faute du patron !
M. François Rochebloine. Vous tenez le même langage lorsque vous êtes sur le terrain ?
Mme la présidente. Monsieur Rochebloine, s’il vous plaît ! Vous avez seul la parole, monsieur Chassaigne !
M. André Chassaigne. Monsieur Rochebloine, évitez d’aboyer de cette façon quand vous êtes en difficulté, ou allez aboyer avec les salariés de votre circonscription !
M. François Rochebloine. C’est de l’agression !
Mme la présidente. M. Chassaigne a la parole et lui seul !
M. André Chassaigne. Existe-t-il des dysfonctionnements dans le transport aérien en France ? Oui ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) L’observatoire des retards, dans ses rapports annuels, a établi que les retards constatés étaient dus, dans l’écrasante majorité des cas, à des défaillances techniques, à des problèmes structurels. Cela n’a donc rien à voir avec le vieux mythe de salariés qui voudraient prendre les gens en otages !
La mobilisation des personnels contre ce projet de loi dans la semaine du 6 février a d’ailleurs été l’illustration de l’inutilité absolue de votre dispositif. En dépit de son ampleur, le mouvement a donné lieu à très peu d’annulations de vol « à chaud ». Le programme de vols d’Air France a été réalisé à hauteur de 75 %. La direction a affirmé avoir envoyé des centaines de milliers de mails et de SMS pour informer les voyageurs. Est-ce cela que vous appelez « un trouble à l’ordre public » ? En réalité, les dysfonctionnements que connaît le secteur du transport aérien sont le résultat évident du dogme de la concurrence libre et non faussée. Pression sur les coûts, sur les salaires, sur les conditions de travail, précarisation, accélération effrénée des rotations : les retards, les blocages et le manque d’information des voyageurs ne sont pas le résultat des grèves, mais celui des privatisations et de la libéralisation ! Aucun bilan n’a été tiré du démantèlement de l’opérateur public, de la multiplication des entreprises accourues sur le marché après sa déréglementation totale.
Sur le plan de l’emploi, le bilan est en tout cas très négatif. Les plans sociaux se multiplient, à Air France comme ailleurs.
M. Éric Diard, rapporteur. Il n’y a pas de licenciements à Air France !
M. André Chassaigne. À ces licenciements s’ajoutent les opérations de filialisation et de recours massif à la sous-traitance. C’est à ce dépérissement des conditions et des outils de travail qu’il faut imputer les difficultés.
Venons-en au cœur de l’affaire. Ce texte de loi n’a qu’un but : casser la grève, empêcher les salariés de se défendre, empêcher les salariés de revendiquer des droits, empêcher les salariés de protéger leur emploi ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Cette proposition de loi poursuit le vieux rêve du patronat d’empêcher les mouvements sociaux. Nicolas Sarkozy, que vous connaissez peut-être encore, s’est fait fort de rendre invisibles les grèves et les revendications des travailleurs,…
M. François Rochebloine. C’est vous qui vous moquez des travailleurs !
M. André Chassaigne. …et ce texte est la continuation d’un projet réactionnaire dont on a d’ailleurs mesuré les effets particulièrement réussis ! La preuve en est que nous discutons d’un tel texte aujourd’hui !
L’arme de destruction massive des mobilisations, c’est l’obligation de se déclarer gréviste quarante-huit heures à l’avance.
M. Charles de Courson. L’arme atomique !
M. André Chassaigne. Cette obligation, vous le savez très bien, va à l’encontre du droit de grève, qui a valeur constitutionnelle et doit exister jusqu’à la dernière minute, comme l’a très bien expliqué mon collègue Jean Mallot. Je cite l’excellent rapport du Sénat, rédigé par la commission des affaires sociales que préside par ma collègue Annie David : « Le fait est qu’il n’est pas possible de transposer toutes les dispositions de la loi de 2007 [sur le service minimum dans les transports] à un secteur libéralisé, hautement concurrentiel et où la plupart des acteurs sont privés. » Faut-il vous rappeler que, dans les entreprises privées, la législation ne prévoit ni préavis de grève ni dates de début et de fin prédéterminées ?
Avec votre texte, les salariés sont désormais obligés de « se dénoncer » à leur patron. En effet, cette autodéclaration de participation au mouvement de grève ne pourra pas être « confidentielle », contrairement à ce que précise le texte de la proposition de loi. De toute évidence, les services de comptabilité des entreprises doivent nécessairement connaître le nom des personnels grévistes pour effectuer les retenues sur salaires correspondant au nombre de jours non travaillés.
M. Charles de Courson. C’est déjà le cas !
M. André Chassaigne. Alors, arrêtez avec vos répétitions et cessez d’inscrire des énormités dans les textes de loi que vous nous proposez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
À l’heure où les compagnies aériennes réduisent leurs effectifs à tour de bras, qui pourra se déclarer gréviste sans courir le risque du licenciement ? Quel salarié en contrat à durée déterminée pourra le faire ? À l’heure où les contrats de travail et la maintenance des appareils des compagnies françaises sont délocalisés à l’étranger pour être moins coûteux, tout le monde comprend que cette forme de fichage des salariés grévistes signifie dans les faits la fin du droit de grève.
À cette obligation de se déclarer à l’avance, vous en avez ajouté une autre en première lecture : celle, dans les transports terrestres, de ne pas aller travailler lorsqu’on s’est déclaré gréviste.
M. François Rochebloine. Eh oui, c’est le minimum !
M. André Chassaigne. En voulant éviter que le mécanisme de votre service minimum soit détourné – ce qui, au passage, en démontre la stupidité – par des grévistes qui se dédiraient, vous inventez une sorte de sanction pour « délit de travail » !
M. François Rochebloine. Heureusement ! C’est le minimum !
Mme la présidente. Monsieur Rochebloine !
M. André Chassaigne. En effet, si un salarié ne souhaite plus poursuivre la grève, il doit en informer sa hiérarchie vingt-quatre heures à l’avance, sans quoi il s’expose à des sanctions disciplinaires !
M. François Rochebloine. Les usagers vous intéressent-ils ?
M. André Chassaigne. Ça ne manque pas de piquant, chers collègues, pour un gouvernement qui se targue de valoriser le travail...
M. Jean Mallot. Bravo !
M. François Rochebloine. Eh oui !
M. André Chassaigne. C’est une disposition d’autant plus ubuesque qu’en règle générale, lorsqu’une négociation aboutit, la grève s’arrête immédiatement.
M. Éric Diard, rapporteur. C’est le cas !
M. André Chassaigne. Nous en arriverions au résultat paradoxal d’une prolongation artificielle et administrative de la durée des mobilisations !
M. Éric Diard, rapporteur. C’est faux ! Il y a des arrangements !
M. André Chassaigne. En outre, est-il possible, vingt-quatre heures à l’avance, de réaffecter des pilotes ou des agents de maintenance dont l’absence avait été programmée ? Ce n’est pas sérieux !
Pour terminer, je voudrais aborder la question de l’amélioration de l’information des voyageurs. Vous utilisez cet objectif légitime pour nous refourguer votre projet de loi de destruction du droit de grève. Alors, parlons-en ! Puisque vous êtes adeptes de la transparence et de la meilleure information, pourquoi ne pas exiger des compagnies qu’elles publient systématiquement les temps de repos des pilotes qui assurent chaque vol ? Pourquoi ne pas afficher à l’attention des passagers, avant qu’ils montent dans l’avion, le nombre d’heures de pilotage du commandant dans les quarante-huit heures qui précèdent, par exemple ?
M. Éric Diard, rapporteur. Quel est le rapport ?
M. François Rochebloine. C’est n’importe quoi !
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Chassaigne.
M. André Chassaigne. Peut-être que certains citoyens refuseraient de monter dans un appareil dont le pilote vient d’effectuer trois navettes, dont une internationale, sans discontinuer et qui est aux manettes depuis plus de quinze heures ?
M. Jean Mallot. C’est assez pertinent !
M. André Chassaigne. Au lieu de vous attaquer à la dégradation des conditions de travail, de l’emploi et de l’organisation de nos transports aériens, vous montrez du doigt les salariés ! Eh bien nous, nous sommes à leurs côtés sur le front des luttes !
Mme la présidente. Je vous remercie...
M. André Chassaigne. Les députés communistes, républicains et du parti de gauche, partie prenante du Front de gauche, comme la totalité du front syndical, sont vent debout contre ce texte inique ! Ils voteront évidemment contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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