Interventions

Discussions générales

PLF 2013 (commission élargie) : Engagements financiers de l’État ; remboursements et dégrèvements

Ma première question porte sur la gestion de la dette publique. Plusieurs orateurs ont souligné que la France a bénéficié cette année de taux d’emprunt historiquement bas sur les échéances de moyen et long terme. Elle a ainsi pu, en septembre, emprunter sur dix ans à 2,21 %, et elle profite depuis juillet de taux négatifs sur le court terme. Il faut toutefois remarquer que la moitié des créanciers de la France pour la dette levée en 2012 sont en Asie et au Moyen-Orient, contre à peine un tiers pour la zone euro. Philippe Mills, directeur général de l’Agence France Trésor, soulignait récemment ne pas constater de phénomène de redomestication de la dette française, qui reste très diversifiée. Fin juin 2012, les détenteurs de cette dette sont encore majoritairement hors de France pour ce qui est du stock, à hauteur de 62,7 %. Le Gouvernement compte-t-il mettre en place des outils susceptibles de domestiquer la dette publique et garantir ainsi une proximité accrue ? Des initiatives pourraient-elles être prises en ce sens, notamment dans le cadre de la réforme bancaire ? On pourrait, en outre, ouvrir aux particuliers la possibilité de souscrire des obligations d’État, comme cela a été fait en Italie : cela a permis au gouvernement italien de lever 18 milliards d’euros auprès des épargnants italiens.
Ma deuxième question porte sur les choix du Gouvernement en matière d’orientation de l’épargne vers le financement des politiques publiques. Fin septembre, l’encours du Livret A, qui sert à financer les logements sociaux, s’élevait à 232,6 milliards d’euros au total. Pour favoriser la construction de tels logements, le plafond du Livret A a été relevé de 25 % le 1er octobre, un second relèvement de 25 % devant intervenir d’ici à la fin de l’année. On estime que le doublement du plafond du Livret de développement durable et du Livret A devrait rapporter entre 30 et 55 milliards d’euros les deux prochaines années. Cette épargne réglementée, dont l’encours dépasse 300 milliards d’euros, est un outil majeur de financement de l’économie
Or actuellement, sur 100 euros collectés, seuls 65 sont conservés et gérés, pour le compte de l’État, par la Caisse des dépôts et des consignations ; les 35 euros restants sont conservés par les banques, soit 100 milliards d’euros en 2011, que celles-ci prétendent consacrer au financement des PME. Nous sommes pour notre part favorables à ce que l’État conserve une part supérieure de la collecte et permette ainsi au Livret A de financer autre chose que le logement social. La mise en place d’une Banque publique d’investissement nous semble renforcer la pertinence d’une telle option. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?
Mon troisième point a trait à la dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité, le MES. Le projet de loi de finances nous propose d’autoriser le versement, en 2013, de deux des cinq tranches de la quote-part française de souscription au capital du Mécanisme européen de stabilité, soit une contribution d’un peu plus de 6,5 milliards d’euros l’an prochain. Comme vous le savez, nous doutons de la pertinence de ce type d’aides, destinées à pallier le désengagement des banques, et dont la mise en œuvre est conditionnée par l’adoption de politiques d’austérité qui n’ont en rien assuré une meilleure cohésion de la zone euro : la faiblesse des taux d’emprunt de la France porte à sa manière témoignage de la persistance et de l’aggravation des déséquilibres entre le nord et le sud de l’Europe.
Nous avions proposé l’an passé, conjointement avec nos collègues allemands de Die Linke, la création d’un fonds européen de développement ayant le statut de banque, afin qu’il puisse se financer auprès de la BCE. Il s’agirait de couper court à la spéculation sur les dettes des États en permettant aux plus fragiles de ne plus dépendre des marchés financiers pour le financement de leurs investissements. Que pensez-vous de cette proposition ?
Je consacrerai la dernière partie de mon exposé au Crédit immobilier de France. Jusqu’à sa dégradation par Moody’s cet été, la santé du CIF, banque sans dépôt, était bonne, avec un résultat excédentaire de 78 millions d’euros affiché pour 2011 et près de 2,4 milliards d’euros de fonds propres. Son modèle économique étant complètement dépendant des marchés, la dégradation de sa note par Moody’s a coupé son seul accès au financement.
Pour Bercy, la disparition de cet organisme de crédit serait désormais inéluctable. Sans parler des 2 500 emplois qui sont ainsi menacés, l’extinction programmée de cet organisme de crédit ferait peser une lourde menace sur le financement de l’accession des plus modestes à la propriété – le CIF assure 15 % des crédits d’accession sociale.
Pour notre part, nous pensons comme Bernard Sevez, l’ancien président du CIF, que « seule la constitution d’un outil public garantira la continuité de financement de l’accession sociale de manière pérenne ». Des banques se disent aujourd’hui intéressées par la reprise d’une partie du réseau du Crédit immobilier de France. La solution d’une reprise du CIF par l’État ou la Caisse des dépôts et des consignations ne vous semble-t-elle pas préférable, quitte à engager une négociation avec Bruxelles en ce sens ?

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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