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PLF 2013 (commission élargie) : Relations avec les collectivités territoriales

M. Alain Bocquet. Le projet de loi de finances pour 2013 obéit, dans toutes ses déclinaisons ministérielles, aux principes du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, et de la loi de programmation des finances pour la période allant de 2012 à 2017. Le gel des dotations de l’État aux collectivités locales en 2013, leur réduction de l’ordre de deux milliards d’euros en 2014 et 2015, le gel maintenu du point d’indice dans la fonction publique et la suppression d’emplois publics s’inscrivent dans ce cadre que définissent la règle d’or, la réduction à marche forcée des déficits publics et l’austérité imposée à toute la sphère publique – de l’État aux universités et aux hôpitaux, de la sécurité sociale à nos collectivités territoriales. L’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, crie « Au fou ! ». Je le cite : « Les politiques d’austérité engagées en Europe depuis 2011 – voire 2010 – sont en train de conduire à une débâcle. […] Si le Gouvernement français tenait à respecter coûte que coûte son engagement de déficit budgétaire à 3 %, cela nécessiterait l’adoption d’un nouveau plan de restrictions d’un montant de 22 milliards d’euros ».
Mais qui dit restrictions dit baisse de l’activité, hausse du chômage – avec un taux atteignant déjà les 12 % – et 200 000 destructions d’emplois supplémentaires. Quelles pertes de ressources et quels coûts sociaux en résulteront pour nos collectivités ?
Le discours du Président de la République, lors des États généraux de la démocratie locale, n’incite pas à l’optimisme. Selon lui, « des efforts seront demandés à tous, aux collectivités aussi ». Or, elles n’en sont déjà pas avares.
L’État a transféré en 2004 les allocations de solidarité aux départements. La répartition du financement est devenue en huit ans : 80% pour les conseils généraux et 20 % pour l’État – qui doit, par exemple, 2,4 milliards d’euros au seul département du Nord ! C’est loin des 170 millions d’euros débloqués ces jours-ci pour faire face aux urgences de l’ensemble des départements.
Qu’en sera-t-il du financement des 150 000 emplois d’avenir dans les trois ans qui viennent ?
On ne peut demander aux collectivités locales d’être au four et au moulin : leur imposer de payer une part de la dette causée par l’explosion du système bancaire et la politique fiscale de M. Nicolas Sarkozy tout en exigeant qu’elles assument, vous y avez fait allusion, madame la ministre, 75 % de l’investissement public. Nos collectivités sont prises dans cet étau qui les met, restrictions bancaires aidant, dans l’incapacité de répondre à la demande sociale. Comme le souligne l’Association des petites villes de France, « les investissements publics doivent être considérés comme des leviers pour l’économie et non comme des facteurs aggravant le déficit national ». Si l’on contraint les collectivités à reporter des projets ou à ne plus investir, le cercle vicieux de la récession s’installe. Oui à une rigueur budgétaire pour une bonne gestion, mais non à une austérité qui nous enfonce dans la récession.
Pour réussir le changement et la troisième étape de la décentralisation, les collectivités territoriales ont besoin d’une rupture avec toutes ces politiques d’inégalité et de pénurie. C’est possible avec une réforme de la fiscalité qui la mettrait au service d’une stratégie économique et qui redonnerait aux collectivités une autonomie fiscale. C’est possible aussi avec une réorientation du crédit et l’utilisation du pouvoir de création monétaire de la BCE pour soutenir les investissements d’avenir et l’essor des services publics.
Vous l’avez compris, dans l’état actuel des propositions de votre budget, le groupe GDR ne pourra évidemment pas le voter.
Une question particulière concerne l’une des perversités de la péréquation horizontale. La communauté d’agglomération de la Porte du Hainaut – que j’ai l’honneur de présider – abondait de 10 millions d’euros chaque année le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle alors que le produit de cette dernière, prélevée sur son territoire, s’élevait à 12 millions d’euros ; seuls deux millions d’euros étaient donc affectés à son budget. La dotation de l’État, qui s’est substituée à cette péréquation, a figé dans le temps cet ancien prélèvement de 12 millions d’euros. Or le conseil général du Nord vient d’annoncer que le montant alloué au budget de la communauté d’agglomération serait dorénavant nul au motif que la Porte du Hainaut n’était pas considérée comme un groupement défavorisé. C’est fort de café quand on sait que dans notre territoire le revenu annuel par habitant est de 9 184 euros contre 12 912 euros en moyenne nationale, ce qui fait un écart de près de 30 % ! Dans l’arrondissement où se situe cette agglomération, 20 000 personnes perçoivent le RSA et le taux de chômage s’élève à 15 % de la population active. Il faut dire que cette dotation provenait des entreprises automobiles – notamment Sevelnord du groupe PSA où 3 000 à 4 000 emplois ont été supprimés, ce qui crée de nombreuses difficultés sociales.
Qu’allez-vous faire pour prendre enfin en compte les situations concrètes des terrains en matière de situation sociale à partir de réalités et non de calculs arbitraires touchant les taux de fiscalité et autres mécanismes de même nature ? La péréquation horizontale devient un cheval de Troie de la répartition de la misère et de l’austérité dans nos communes.

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Alain
Bocquet

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