Interventions

Discussions générales

PLF pour 2012 - Lect. définitive

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 27 octobre dernier, Nicolas Sarkozy a déclaré que son « travail, c’est de rapprocher la France d’un système qui marche, celui de l’Allemagne ». Mais l’Allemagne n’est pas un Eldorado, contrairement à ce que prétend Nicolas Sarkozy. Les Allemands eux-mêmes critiquent leur modèle économique égoïste qui prospère au détriment des autres États. L’ancien chancelier allemand Helmut Schmidt a déclaré le 4 décembre dernier que « les excédents allemands ne sont en réalité que les déficits des autres États ».
Écoutez ceci, mes chers collègues : L’Allemagne est le pays d’Europe qui a le moins créé d’emplois. C’est le pays où la hausse des inégalités de revenus a été la plus forte, à l’exception de la Bulgarie et de la Roumanie. C’est le pays où la part des salaires dans la valeur ajoutée a le plus diminué. C’est le pays où le pourcentage de chômeurs indemnisés a le plus baissé. Enfin, en Allemagne, un emploi sur trois est un emploi précaire et un emploi sur dix est payé moins de 400 euros par mois. Que répondez-vous à cela, madame la ministre ? Il faut arrêter de parler de l’Allemagne en général : le responsable, ce n’est pas l’Allemagne, c’est le gouvernement fédéral allemand. Nicolas Sarkozy est en train de nous placer dans un rapport de subordination vis-à-vis de Mme Merkel et du Konzern qui décide de la politique allemande. J’ai d’ailleurs rapporté de Berlin un photomontage que j’ai fait distribuer à certain d’entre vous, mes chers collègues. Il décrit très bien la situation.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Brard, nous ne sommes pas dans une cour de récréation !
M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai, madame la ministre, nous ne sommes pas dans une cour de récréation, nous sommes dans le symbole ! Qui tient le biberon pour alimenter la pensée de Nicolas Sarkozy ? C’est Mme Merkel. Pour qui roule-t-elle ? Pour les Thyssen ou les Krupp. Ce n’est pas nouveau.
M. Sarkozy prend les Français pour des candides ! Cela marche pour vous, madame Pécresse, et pour certains membres de l’UMP, mais soyez assurée que le peuple français comprend parfaitement que M. Sarkozy tente d’imposer une régression sociale sans précédent.
Madame Pécresse, je pensais que vous aviez le sens de l’humour, surtout quand les images parlent mieux encore que le texte.
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est un peu puéril !
M. Jean-Pierre Brard. Le personnage qui est représenté est puéril, je vous l’accorde ! La mère, dans cette affaire, il n’y a pas de doute, c’est Mme Merkel ! Je comprends qu’après ces échanges, les journalistes veuillent savoir de quoi je parle. Qu’ils se rassurent, je vais leur faire parvenir un exemplaire du photomontage.
Nous assistons aujourd’hui, sous couvert d’une volonté d’harmonisation avec l’Allemagne, à une remise en cause totale des acquis sociaux arrachés de haute lutte, le siècle dernier, aux forces de l’argent.
Non, nous ne vivons pas dans le meilleur des mondes possibles. En contraignant les salaires et les investissements, le capitalisme financier tue la source de la croissance. Vos politiques d’austérité sont à l’origine d’une réalité terrible pour les salariés français, je l’ai dit tout à l’heure lors des questions au Gouvernement : ils sont pris entre le marteau et…
M. Christian Jacob. La faucille !
M. Jean-Pierre Brard. …l’enclume.
D’un côté, la rémunération des salariés diminue ou, au mieux, stagne – en valeur de pouvoir d’achat –, et ce dans le public comme dans le privé. De l’autre, vous augmentez la TVA sur les produits de première nécessité et les complémentaires santé, ce qui écrase et diminue d’autant le pouvoir d’achat des salariés. Votre stratégie de la tenaille accable la France du travail. Le célèbre dialoguiste Michel Audiard disait : « Les salariés sont les êtres les plus vulnérables du monde capitaliste : ce sont des chômeurs en puissance. »
Que fait le Président de la République pour ces salariés, les dignes représentants de la France d’en bas, qu’il regarde, lui, d’en haut ? Rien, si ce n’est proposer, lors de son déplacement à Sallanches, le 13 décembre dernier, de développer le chômage partiel.
Nicolas Sarkozy a déclaré : « Je crois à l’activité partielle. […] c’est certainement l’une des mesures que l’on peut développer […], nous y consacrerons des moyens supplémentaires. » Le Président de la République sait-il ce que c’est qu’un emploi partiel quand on est caissière chez Carrefour ? Comment ferait-il, lui, pour vivre avec 500 euros par mois ?
M. Christian Jacob. Et vous, vous le savez ?
M. Jean-Pierre Brard. Certainement mieux que vous, monsieur Jacob ! D’abord parce que, dans ma circonscription, il y a plus de situations…
M. Christian Jacob. Nous pourrions comparer nos feuilles d’impôts, si vous en avez le courage !
M. Jean-Pierre Brard. Banco ! Comparons nos feuilles d’impôts ! J’ai quitté le parti communiste depuis longtemps, mais j’ai gardé les mêmes conditions de rémunération parce que je n’ai jamais fait de la politique pour de l’argent.
M. Jérôme Chartier. Et où va le reste ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Dans les niches !
M. Jean-Pierre Brard. Le reste, monsieur Chartier, je le donne ! Le fait que vous m’interrogiez en dit long sur vous-même…
M. Jérôme Chartier. Vous le donnez à qui ?
M. Jean-Pierre Brard. Aussi bien au Secours populaire qu’au Secours catholique qu’à la Fondation de l’Institut Curie, ou encore aux Petits frères des pauvres, mon cher collègue !
M. Jacques Remiller. Et Mme Voynet, elle fait comment ?
M. Jean-Pierre Brard. Vous irez en parler avec elle, elle est en voie de recyclage !
Mais revenons-en à notre propos, chers collègues.
Le Président de la République ose dire qu’il est favorable au travail précaire. Sait-il ce que sont les fins de mois impossibles ? Ce qu’est la vie des femmes seules avec des enfants quand elles ne savent pas de quoi le lendemain sera fait ? Comment être aussi inhumain, aussi peu sensible à la misère, si ce n’est dans les discours, quand il parle de la France qui travaille dur et qui se lève tôt, mais qu’il ne fréquente jamais ? Il est vrai qu’on ne peut pas aller à la fois au LIDL du coin et fréquenter le Fouquet’s ! Nous n’avons pas les mêmes références !
Alors que les entreprises du CAC 40 ont réalisé 83 milliards d’euros de bénéfices l’année dernière et servi 40 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires, des entreprises profitables, comme Renault, se servent de ces dispositifs pour augmenter leurs bénéfices et rémunérer grassement leurs actionnaires, délocaliser davantage et supprimer des emplois – chez Renault comme chez Peugeot. Pour autant, le ministre nous a dit cet après-midi que ce qui se passait chez Peugeot, par exemple, ne l’indignait pas particulièrement.
Le chômage partiel sert de variable d’ajustement de la masse salariale et permet de faire supporter par la collectivité la rémunération des salariés de ces entreprises. C’est un marché de dupes. Un article des Échos daté d’hier cite la situation des salariés de l’entreprise Poclain Hydraulics, qui ont conclu en 2008 – les naïfs ! – un accord sur le chômage partiel et une diminution de salaire correspondante. S’il n’y a eu aucune suppression d’emploi dans cette entreprise, les salariés n’ont pas été récompensés des sacrifices consentis puisque les bénéfices réalisés ont été distribués aux actionnaires de l’entreprise. C’est cela, votre système ! C’est rendre la vie chaque jour plus difficile pour les gens qui n’ont à vendre, comme disait le grand ancêtre, que leur force de travail, tandis que ceux qui en vivent sont de plus en plus riches, grâce aux actions qu’ils possèdent et dont les dividendes grossissent grâce au travail de ceux qui usent leur vie dans les entreprises.
Monsieur le président, je sens que vous allez me rappeler à l’ordre…
M. le président. Vous le pressentez à juste titre !
M. Jean-Pierre Brard. Je voudrais dire à Mme la ministre, en paraphrasant un homme politique américain, Frederick Douglass, que les puissants – vous appartenez à cette classe, madame la ministre, dût votre modestie en souffrir, encore que je n’aie pas l’impression qu’elle en souffre vraiment… Les puissants, disais-je, ne connaissent d’autre limite à leurs exactions que la patience de ceux qu’ils oppriment. Je vous le dis, chers collègues de la majorité, vous devriez être attentifs au grondement qui vient du peuple et qui vous dit : « Nous n’en pouvons plus ! » Et la révolte gronde aussi bien dans nos campagnes que dans nos entreprises tant les injustices sont insupportables.
Monsieur le président, je vais quitter cette tribune, mais je sens bien que tout à l’heure, dans mon dos, vous vous interrogiez sur ce que j’avais distribué à nos collègues et qui les faisait sourire. Comme je ne veux pas vous priver du plaisir de recevoir ce petit cadeau, je vais vous donner le photomontage que j’ai évoqué tout à l’heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Jean-Pierre
Brard

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