Interventions

Discussions générales

PLFR pour 2012

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux pour le groupe GDR.
M. Gaby Charroux. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous venons d’entamer la discussion d’un texte que nous aurions pu examiner avec beaucoup de sérénité si notre gouvernement ne s’était avisé de déposer, la semaine dernière, deux amendements tendant à la mise en place du crédit d’impôt de 20 milliards d’euros, d’une part, et, d’autre part, à la hausse conjointe de deux taux de TVA à compter de 2014.
Certes, ce projet de loi comporte un certain nombre de dispositions utiles visant la lutte contre la fraude fiscale et les pratiques abusives d’optimisation fiscale : le contrôle de l’origine des fonds détenus à l’étranger, la sanction des montages abusifs en matière de donation-cession, les dispositions prises pour lutter contre le trafic de tabac, la fraude à la TVA ou encore la disposition relative aux transferts de sièges de société... Autant de mesures qui vont dans le très bon sens.
Mais si le groupe GDR salue le renforcement des moyens juridiques de lutte contre la fraude et connaissons la volonté du ministre d’avancer sur ce dossier, nous devons rappeler que l’efficacité de cette lutte suppose un renforcement conjoint des moyens matériels et humains. De ce point de vue, nous avons eu l’occasion de souligner, lors de la discussion budgétaire, que le recul des crédits et la décision de supprimer plus de 2 000 emplois en 2013 à la direction générale des finances publiques, après déjà la suppression de 25 000 emplois en dix ans, ne nous paraissent pas cohérents avec l’objectif affiché de combattre plus efficacement la fraude.
Nous saluons aussi l’initiative de faire valoir auprès de nos partenaires européens l’exigence de l’adoption d’une directive anti-blanchiment et de l’approbation d’un véritable plan communautaire de lutte contre la fraude fiscale. Compte tenu du coût estimé dans notre pays de la fraude internationale, entre 15 milliards et 20 milliards d’euros, il est à l’évidence nécessaire de développer les moyens de la combattre au plan européen. Le rapport du sénateur Éric Bocquet a formulé des propositions en ce sens visant, par exemple, à approfondir la coopération entre les administrations fiscales de l’Union européenne, à obtenir la création d’une obligation de transparence comptable pays par pays pour les multinationales, à attribuer un numéro d’identification fiscal commun aux contribuables européens effectuant des opérations transfrontières et à favoriser les contrôles fiscaux multilatéraux. La coopération fiscale renforcée au sein de l’Union européenne nous semble être la clef de la lutte contre les multiples méfaits de la concurrence fiscale.
Ce projet de loi de finances rectificative porte deux autres mesures qui appellent de notre part quelques remarques.
Première mesure : la mise en œuvre de l’accord trouvé avec le gouvernement belge concernant Dexia et l’ouverture correspondante de crédits à hauteur de 2,5 milliards d’euros, une somme qui correspond à la ponction annuelle qui sera opérée sur les ménages par la hausse prévue de la TVA.
Nous voyons ici directement où nous conduit la dérégulation du système bancaire. Si Dexia a déjà été secourue deux fois, en 2008 à hauteur de 6 milliards d’euros puis en 2011, c’est en effet parce qu’elle a participé pleinement à l’économie casino des subprimes avec nos collectivités locales, pour plus de 25 milliards d’euros.
Nous serons bien évidemment extrêmement attentifs au projet de réforme du secteur bancaire qui sera proposé le 19 décembre prochain ainsi qu’au plan complet annoncé par le Gouvernement, qui prévoit la création d’une nouvelle banque des collectivités locales avec le concours de la Banque postale et de la Caisse des dépôts, ainsi que l’élaboration d’un dispositif pour les collectivités étranglées par les emprunts toxiques. Il est d’autant plus indispensable de bâtir une réforme solide que les emprunts n’ont pas fini de poser problème : les derniers produits structurés ne s’éteindront qu’à la fin des années 2030.
Second dossier : la banque PSA Finance. Il nous est proposé d’intervenir afin de sécuriser son plan de financement durant la période de restructuration du groupe, arguant des contreparties obtenues sur le plan de la gouvernance du groupe et compte tenu des engagements pris quant à la production de nouveaux véhicules dans l’usine de Rennes ou la revitalisation et la réindustrialisation du site d’Aulnay.
Notre position sur ce point n’est guère différente de celle des salariés du site d’Aulnay qui se battent pour maintenir leur emploi et réclament des garanties écrites de PSA. Il est non seulement anormal qu’une entreprise qui, quoi qu’on en dise, fait du bénéfice puisse fermer une usine, mais également choquant de demander au Parlement de mettre 7 milliards d’euros sur la table pour aider PSA sans cette contrepartie minimale.
Permettez-moi d’en venir enfin aux deux amendements du Gouvernement déposés la semaine dernière, qui sont le fer de lance du pacte pour la compétitivité et l’emploi annoncé le mois dernier.
La baisse de 20 milliards d’euros des prélèvements sur les entreprises, décidée par le chef de l’État et que vous nous proposez d’approuver par voie d’amendement, ne nous semble pas une mesure de nature à favoriser le redressement productif que nous appelons tous de nos vœux. Il y a plusieurs raisons à cela.
Tout d’abord, contrairement aux idées reçues, ce n’est pas du coût du travail que souffre notre économie, mais au contraire du poids des prélèvements financiers opérés sur la richesse produite. Ce sont ces prélèvements financiers qui pénalisent l’investissement et l’emploi. Deux chiffres illustrent cette réalité : en trente ans, le montant des dividendes versés aux actionnaires a été multiplié par vingt, au détriment des salaires ; depuis 2003, le montant de ces dividendes dépasse celui des investissements réalisés dans les entreprises. C’est donc sur ce levier qu’il faut agir.
Vous avez fait, contre toute attente et sans doute sous la pression du patronat, le choix de poursuivre dans la voie des exonérations de charges des entreprises. Ces exonérations ont crû de manière exponentielle durant les vingt dernières années, passant d’un montant de 1,9 milliard d’euros en 1992 à 30 milliards en 2008, sans exercer d’effet tangible sur la croissance et l’emploi. Les exonérations de cotisations sociales dites allégements Fillon sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC pour un montant de plus de 20 milliards d’euros ont eu, de l’aveu même de l’INSEE, des « effets ambigus sur l’emploi » et n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, pas davantage que la réforme de la taxe professionnelle, présentée également en son temps comme une mesure de compétitivité.
Une nouvelle baisse massive des charges des entreprises n’offre donc, selon nous, aucune garantie en termes de croissance et de création d’emploi.
Nous formulons depuis des années une proposition alternative forte, celle de la modulation de l’impôt sur les sociétés : pénaliser les entreprises qui font le choix de donner la priorité aux dividendes et réduire l’imposition des entreprises qui font le choix de l’investissement productif, de l’emploi et de la recherche.
Vous aviez annoncé que vous exploreriez cette piste, mais vous nous proposez finalement une formule usée et d’autant plus sûrement condamnée à l’échec que l’étude publiée par le cabinet COE-Rexecode, pourtant inféodé au MEDEF, montre que parmi l’ensemble des secteurs d’activité, l’industrie, secteur confronté à la concurrence internationale, devrait être l’un de ceux qui tireront le moins parti du crédit d’impôt. À l’opposé, les services aux particuliers et le commerce, pourtant à l’abri de la concurrence internationale, devraient être les principaux bénéficiaires de la mesure.
Plutôt que de compenser la baisse de l’imposition des entreprises par une hausse correspondante de la taxation des dividendes, il nous est proposé en outre, dans un second amendement, de transférer le plus lourd de la charge vers les ménages par une hausse de la TVA qui revient ni plus ni moins à rétablir l’équivalent de la TVA sociale que toute la gauche a combattue sous la précédente législature. Non seulement cette hausse va peser sur le pouvoir d’achat des ménages et la demande intérieure, mais elle risque en outre de se traduire par de graves difficultés dans le secteur des artisans du bâtiment, durement éprouvé par la crise, et à terme par une charge supplémentaire évaluée à près de 500 millions d’euros pour les bailleurs sociaux.
La baisse conjointe des dépenses publiques à hauteur de 10 milliards d’euros sur deux ans risque enfin de pénaliser un peu plus l’investissement public et de peser ainsi sur l’activité. À supposer que le crédit d’impôt soit un levier de l’investissement privé, ce dont il est permis de douter, est-il judicieux de déshabiller Pierre pour habiller Paul, de réduire l’investissement public afin de favoriser l’investissement privé plutôt que de jouer sur leur complémentarité ? Nous ne le pensons pas.
Nous y reviendrons en cours de discussion, mais un point nous paraît essentiel : la nécessité de soumettre les politiques de soutien aux entreprises au respect de critères économiques comme la création de valeur ajoutée, la recherche et l’investissement, de critères sociaux comme l’emploi et la formation ou de critères environnementaux comme la transition écologique de l’outil de production.
C’est la condition sine qua non d’une sortie par le haut de la crise économique que nous traversons.

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Gaby
Charroux

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