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Pn interdiction de l’écriture dite « inclusive »

Lorsque j’ai vu l’inscription à l’ordre du jour de la journée d’initiative parlementaire du groupe Rassemblement national d’une proposition de loi visant à interdire l’écriture inclusive, je me suis dit que ce groupe ne se souciait guère de l’inflation, des enfants qui dorment dehors, des services publics en lambeaux ou du manque de professeur. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Aujourd’hui, je me fais la même réflexion, mais je vois tout de même un intérêt à ce débat : il permet de mettre au jour l’idéologie profondément réactionnaire du Rassemblement national et, dans le même temps, son incompétence. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

La rédaction de l’article unique de la proposition de loi flirte en effet avec le ridicule : il interdit l’« écriture dite inclusive » dans les devoirs des élèves et les documents d’usage scolaire ainsi que dans les actes administratifs alors que cette expression recouvre des pratiques aujourd’hui totalement intégrées par la langue française. Lors des débats en commission, mes collègues ont noté que la proposition de loi fait elle-même usage de ces pratiques à de nombreuses reprises. Vous participez à ce que vous dites exécrer, sans même vous en rendre compte, car vous êtes soumis au pouvoir particulièrement inclusif de notre langue.

Votre texte, qui interdit explicitement la double flexion et les mots épicènes, aurait pour conséquence, s’il était adopté, d’interdire aux députés de prononcer des discours contenant les expressions « toutes et tous » ou, pour ceux de notre groupe, de parler « des travailleurs et des travailleuses ».

Il nous interdirait de parler de « personnel politique » au lieu d’« hommes politiques » ou de « droits humains » – expression que vous combattez tous les jours – au lieu de « droits de l’homme ».

Ces expressions d’une grande banalité seraient interdites par les sauveurs autoproclamés de la langue et de la culture françaises. Malgré les tentatives du rapporteur pour corriger le tir par des amendements portant sur des procédés syntaxiques, il est clair que le Rassemblement national est opposé à toute forme d’égalité de genre dans la langue.

Il est sain d’avoir un débat sur la langue française, car nous en sommes les usagères et les usagers, mais vouloir en fixer les normes par la loi relève d’une méthode profondément autoritaire. Une langue – son orthographe, sa grammaire, sa syntaxe – évolue continuellement par son usage : c’est un fait qu’il faut accepter. Il n’y a donc rien d’aberrant à vouloir accepter de nouveaux usages nés d’un souci d’égalité, afin que les représentations liées à la langue ne renvoient plus à des stéréotypes de genre. Comment justifier la règle selon laquelle le masculin l’emporterait sur le féminin ? Nous avons tous du mal à l’expliquer à nos enfants.

Cette règle, qui est récente, doit évoluer. La volonté d’interdire des techniques d’écriture visant à rendre la langue plus égalitaire traduit en réalité un projet politique réactionnaire, plutôt qu’un souci de sauvegarder notre langue.

Le langage peut contribuer à renforcer les stéréotypes, mais il est également un outil de transformation sociale. Il n’appartient à personne, ni à vous ni à nous, de décider de son sens. Vous versez une nouvelle fois dans la démagogie, vous criez au danger face à la moindre évolution des pratiques de la langue, vous caricaturez les femmes et les hommes qui cherchent à rendre la société moins inégalitaire. Cette proposition de loi s’inscrit en droite ligne de vos positions contre un meilleur respect des droits. Vous êtes toujours à rebours de l’histoire : vous vous êtes opposés au mariage pour tous en 2013, à l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et à l’adoption par les couples homosexuels. Il y a dix ans, Marine Le Pen souhaitait dérembourser les interruptions volontaires de grossesse (IVG) en cas de nécessité budgétaire et dénonçait les « avortements de confort ». Vous feignez d’avoir évolué sur ces questions car vous savez que ces positions ne sont plus tenables aujourd’hui dans une société qui avance bien plus vite que le législateur. Le Rassemblement national n’est jamais le moteur des changements sociaux, il est toujours dans la réaction et le conservatisme ! Vous vous en prenez à l’éducation à la sexualité et dénoncez un lobby LGBT imaginaire à l’école. L’enseignement du respect des autres et de l’égalité des genres à l’école, très peu pour vous, alors qu’il est décisif dans la lutte contre le harcèlement scolaire.

Votre intention est non de lutter contre les difficultés que pourraient poser les points médians, mais plutôt d’agiter une nouvelle fois les fantasmes d’une déconstruction omniprésente ou d’une invasion wokiste pour faire peur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)

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