Interventions

Discussions générales

Pouvoirs publics : élection des représentants au Parlement européen

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, mon intervention portera exclusivement sur la première partie de ce projet de loi, relative à l’élection de deux députés européens supplémentaires. La seconde partie, qui offre la possibilité aux Français établis hors de France de voter dans les centres d’élection consulaires lors des élections européennes, n’appelle pas de remarque particulière de notre part. Il n’en va pas de même des modalités retenues pour la désignation des deux députés appelés à siéger au Parlement européen depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
Ma première remarque concerne le calendrier.
La logique aurait voulu que le Gouvernement anticipe la situation et définisse, préalablement au précédent scrutin, les régions françaises qui devaient disposer des deux élus supplémentaires. En décembre 2008, le Conseil européen avait d’ailleurs invité les douze États appelés à bénéficier de représentants supplémentaires à agir en ce sens.
Six d’entre eux avaient tranché la question avant les échéances électorales de juin 2009, à l’instar de l’Espagne qui a organisé les élections de 2009 à partir de listes intégrant les quatre élus supplémentaires que le traité de Lisbonne lui octroyait.
Je souligne qu’aucun de ces États n’a choisi de désigner les députés supplémentaires par un vote de son parlement, cette possibilité n’ayant pas même été envisagée avant que la France ne le demande.
Dans notre pays, pendant une longue période, rien n’a été fait. Après de longues tergiversations, il a même été envisagé de désigner un député de la majorité et un député de l’opposition pour siéger à Strasbourg en qualité d’observateurs, en attendant une solution définitive pour 2014, date des prochaines élections européennes. Nous devons en convenir : sur ce sujet, le Gouvernement a fait la preuve d’une incurie manifeste.
Finalement, le principe et les modalités de l’attribution de ces sièges supplémentaires ont fait l’objet d’un protocole signé à Bruxelles, le 23 juin 2010, et nous n’en débattons qu’aujourd’hui.
Ma seconde remarque porte sur le fond, c’est-à-dire sur la procédure retenue. Nous considérons qu’elle est particulièrement choquante sur le plan du respect des principes démocratiques.
En optant pour la désignation des deux représentants supplémentaires au Parlement européen par notre assemblée, parmi ses membres, le Gouvernement a fait le choix d’ignorer délibérément le vote exprimé en juin 2009.
Il aurait été logique d’avoir recours aux résultats des élections du 7 juin 2009 et de désigner soit les deux premiers non élus, soit les deux candidats de la liste qui bénéficie du plus grand nombre de voix non productives, soit de favoriser les régions les moins bien représentées, autrement dit les plus désavantagées au regard du rapport entre élus et population selon l’INSEE. C’est, en tout cas, ce qu’ont fait tous les autres pays concernés.
En effet, la France est le seul des douze États bénéficiaires de sièges supplémentaires à avoir choisi une procédure d’élection aussi absurde que peu démocratique, après l’avoir imposée, seule contre tous, dans le protocole. Car, s’il est vrai, comme le ministre et le rapporteur de la commission des lois l’ont rappelé, qu’il s’agit bien de la troisième option ouverte par le protocole, il faut souligner qu’elle l’a été à la demande expresse de la France. Aucun autre pays n’a choisi cette procédure qui entre en contradiction avec l’Acte de 1976, relatif à l’élection des représentants de la France au Parlement européen, selon lequel ces derniers sont élus au suffrage universel direct et à la proportionnelle. Je constate donc que s’instaure une confusion entre les scrutins : selon nous, elle traduit une certaine forme de mépris des électeurs.
Ce mépris concerne les électeurs de juin 2009, dont le vote n’est pas pris en compte, mais aussi ceux de juin 2007 qui, dans deux circonscriptions, ont envoyé un député à l’Assemblée nationale sans imaginer que ce dernier siégerait finalement dans une autre instance, sans même être directement élu.
Nous pensons même que la confusion confine à la manipulation. L’argument du Gouvernement selon lequel il serait « contraire au principe de sincérité du scrutin d’utiliser a posteriori les résultats d’un scrutin pour l’élection d’un nombre de représentants différent de celui initialement prévu » n’est guère convaincant. D’une part, le Gouvernement est seul responsable du retard qui pourrait nuire à cette sincérité. D’autre part, l’élection au scrutin de liste à la proportionnelle non seulement n’interdit pas ce type de désignation a posteriori mais, au contraire, s’y prête facilement. Ainsi, lorsqu’un siège est déclaré vacant le premier non élu est proclamé. Enfin, cela signifie-t-il que les onze gouvernements qui n’ont pas choisi la procédure française et qui prévoient tous que les députés supplémentaires seront déclarés élus à partir des résultats des élections de 2009 ont manqué à l’exigence de sincérité du scrutin ? Évidemment, non !
Je le dis avec gravité : ce texte piétine les principes démocratiques élémentaires, et il opère une confusion inacceptable entre les modes de scrutin. Il ne respecte ni les institutions européennes ni le Parlement européen. Faut-il rappeler que ce dernier n’est pas la représentation des Parlements nationaux et que l’usage de la proportionnelle quand il s’agit de désigner deux députés vise, de fait, à donner un siège supplémentaire aux deux principales formations politiques du pays ?
Pour toutes ces raisons, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront contre ce texte, refusant ainsi de cautionner une aussi flagrante manœuvre alors que l’évidence imposait de répondre à l’exigence de la transparence et, surtout, de respecter le choix des électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
 

Imprimer cet article

Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)
Voir cette intervention sur le site de l'Assemblée Nationale

Sur le même sujet

Lois

A la Une

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques