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Pt mesures d’urgence relatives aux négociations commerciales dans la grande distribution

Vous nous invitez à donner notre assentiment à un projet de loi visant à avancer de quelques semaines les négociations commerciales annuelles de la grande distribution, l’objectif étant de permettre aux consommateurs de bénéficier au plus tôt de la baisse de certains prix alimentaires.

Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a déjà déclaré qu’avec cette seule mesure, les prix allaient baisser de 5 % à 15 % selon les produits, alors même que dans de nombreuses filières, les coûts de production ne reculent pas, et que les prix de l’énergie devraient se maintenir à un niveau haut – en raison, d’ailleurs, de votre refus de réguler les prix de l’électricité et du gaz pour les entreprises.

Pire, la boulimie de profit des transnationales de l’agroalimentaire ne connaît pas la crise. Ces dernières réclament déjà des hausses de 10 % à 15 % par rapport aux prix fixés en début d’année 2023. Simple opération de communication en période de rentrée scolaire, ce texte risque de fournir de nouveaux leviers pour accélérer la hausse des prix en rayon.

En continuant de tout miser sur les seules négociations commerciales, il se révèle même plus dangereux qu’il n’en a l’air. Tout d’abord, le Gouvernement n’a tiré aucune leçon des effets de l’inflation sur la dégradation sans précédent de la qualité de l’alimentation des Français. C’est d’autant plus irresponsable que le texte se limite à un nouvel acte de foi dans les vertus de la grande distribution. Après le trimestre anti-inflation de mars dernier, au service des marques distributeurs, vous mettez désormais la grande distribution en position de force dans la négociation, alors que ses pratiques marketing sont toujours plus inquiétantes pour la qualité diététique, mais aussi sanitaire et environnementale des produits.

Ensuite, il faut le dire : avec cette anticipation des négociations commerciales, vous tournez le dos au principe même de la loi Egalim et de la construction du prix à partir des coûts de production de l’amont agricole.

Je partage ainsi pleinement les craintes exprimées par l’ensemble des syndicats agricoles. Les agriculteurs ne doivent pas servir de variable d’ajustement ni subir de pression pour faire baisser leurs prix, alors que les coûts de production n’ont pas diminué.

Ces constats confirment que votre bricolage n’actionne pas les bons leviers. Si votre objectif est réellement de contraindre les grandes entreprises, qui ont dopé leurs marges dans des proportions ahurissantes ces derniers mois, la puissance publique doit intervenir pour encadrer les marges. C’est tout à fait possible !

Les parlementaires communistes le défendent depuis très longtemps, notamment avec l’application d’un coefficient multiplicateur entre les prix d’achat au producteur et les prix de vente au consommateur. Ce dispositif existe dans le code rural ; encore faut-il l’appliquer et l’étendre à tous les produits alimentaires pour contrer efficacement les logiques spéculatives.

Il faudrait pour cela que l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires se transforme en une véritable régie publique, agissant comme une régie d’intervention sur les prix alimentaires.
Contrôler les prix, intervenir sur les marges, sécuriser la chaîne de valeur du producteur jusqu’au consommateur, telle serait une politique cohérente et efficace. Hélas, j’ai bien conscience que ce n’est pas là le cœur du logiciel obsessionnellement libéral qui guide le Gouvernement.

Le dispositif que vous nous proposez aujourd’hui sera impuissant à équilibrer la chaîne de valeur au bénéfice des producteurs et des consommateurs, et impuissant à conjurer les effets d’aubaine à l’origine de la boucle profit-prix qui menace actuellement l’économie française.

Des améliorations ont certes été apportées, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, pour ne pas laisser de côté les PME, et leur permettre de négocier plus tôt que les grands groupes. Toutefois, sans encadrement des marges, nous continuerons, texte après texte, à brasser du vent.

C’est pourquoi nous voterons contre ce texte.

Enfin, si nous souhaitons permettre à chacun de consommer des produits français et locaux de meilleure qualité, nous n’échapperons pas au débat sur l’augmentation des salaires et leur indexation sur l’inflation : 87 % des Français s’y déclarent favorables !

Le Gouvernement, comme le Medef, devrait répondre à cet impératif social et économique, plutôt que de plonger des millions de Français dans la pauvreté, et laisser les ménages sans autre solution que de rogner constamment sur leurs dépenses alimentaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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