Interventions

Discussions générales

Pt refondation de l’école de la République

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’école ouverte à tous et toutes, l’école qui a pour mission la réussite de chacun et chacune est source d’épanouissement pour chaque individu. Elle est aussi au cœur de l’originalité de notre République, dont les avancées sociales et humaines sont essentiellement issues de l’intervention populaire, de la démocratie grâce à l’accès du plus grand nombre aux connaissances.
L’école de la République, qui a su offrir à des générations de filles et de garçons la possibilité de se former, d’acquérir des connaissances quel que soit le milieu social dont il ou elle était issu, et d’être acteur, actrice dans la société, a longtemps été une référence. Mais l’Éducation nationale a beaucoup souffert ces dernières décennies ! Aussi, nous ne pouvons que nous satisfaire de voir affirmer une nouvelle ambition pour cette école à laquelle nous tenons.
En effet, l’école a besoin d’une rupture forte avec la politique de la droite qui a sacrifié l’éducation de nos enfants au libéralisme, en imposant des critères comptables à ce qui relève d’abord de l’humain. À coups de RGPP et de dénigrement des compétences des équipes éducatives, le travail des enseignants et le parcours des élèves ont connu de plus en plus de difficultés.
Aussi, refonder l’école est une ambition vitale pour l’avenir, celui de notre pays à travers celui de ses enfants. Car, il faut le reconnaître, l’école de la République ne permet plus aujourd’hui la réussite de toutes et tous. Notre système est aux abonnés absents d’une véritable démocratisation ! Il n’arrive plus à dépasser les inégalités sociales et territoriales.
Le projet de loi qui nous est soumis répond-il vraiment à cette belle ambition ? Monsieur le ministre, vous nous avez mis en appétit par vos interventions et la consultation que vous avez menée sur la refondation. Mais le menu contenu dans votre projet de loi n’est pas entièrement satisfaisant. C’est d’ailleurs la raison de la manifestation nationale pour l’éducation du 6 avril prochain à l’appel de la FSU, dont l’objet est de tenir « les engagements d’un projet ambitieux de l’école maternelle jusqu’à la fin du lycée... »
J’aborderai d’abord la question de l’équipe pédagogique pour me féliciter de la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Avec le retour à une formation professionnelle des maîtres, dans le cadre d’une formation universitaire de haut niveau, et d’un effort de prise en compte et de développement de la recherche pédagogique, ce projet de loi est en rupture avec la politique précédente qui avait rayé la formation au métier d’enseignant.
Mais nous restons au milieu du gué. L’absence d’un véritable prérecrutement risque non seulement de limiter les vocations, notamment pour les jeunes issus des catégories les plus modestes, mais aussi d’amoindrir la qualité de la formation. Les emplois d’avenir professeur présentent un semblant de prérecrutement, mais ils n’en sont pas. Ils relèvent en effet du droit privé, et sont conditionnés à un travail à mi-temps sans en avoir le salaire. Ces jeunes sont envoyés dans les territoires les plus démunis et doivent officier en tant que remplaçants, faute de maîtres formés à mettre devant ces classes. On ajoute ainsi de la précarité et de l’inexpérience à un système scolaire qui aurait, au contraire, besoin de fondations solides.
C’est le sens des amendements que les députés du Front de gauche ont soumis au débat. Ces exigences au plan de la formation et des statuts doivent accompagner le nouvel effort de recrutement.
Après des années de réduction des postes, le projet de loi programme la création de 60 000 postes sur la durée de la législature : 1 000 postes seront consacrés à la formation initiale et continue des enseignants, 7 000 pour « plus de maîtres que de classes », 3 000 pour l’accueil des enfants de moins de trois ans dans certaines écoles maternelles. C’est une annonce positive, mais la situation très tendue de certains territoires montre que nous avons besoin d’un plan de rattrapage soutenu dans le temps et qui, je l’espère, monsieur le ministre, ne sera pas mis en cause par les nouvelles saignées programmées par les politiques d’austérité européennes.
Concernant les embauches et le statut ensuite, je déplore que dans l’éducation nationale trop de personnes soient aujourd’hui embauchées sous des contrats de droit privé pour une durée limitée. Aussi souhaiterais-je connaître, monsieur le ministre, vos objectifs en matière de titularisation et de déroulement de carrière de ces personnels, ainsi que les modalités de validation des acquis à mettre en place dans cet objectif.
Enfin, pour valoriser les métiers de l’éducation et donner envie à de nombreux jeunes de les investir, il faut parler formation, statuts, mais il faut aussi parler salaire. Et de ce point de vue, monsieur le ministre, nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement après trois années de blocage.
Votre projet est centré sur l’élémentaire et la maternelle. Il renvoie à plus tard la réforme du second degré alors que nous savons que le collège est un passage difficile de notre système éducatif et qu’il débouche trop souvent sur une orientation précoce et subie, avec pour conséquence l’échec scolaire et les nombreux « décrocheurs ».
Nous aurions pu construire cette loi sur une obligation scolaire de trois ans à dix-huit ans. Cela aurait permis de traiter du rapport entre le premier et le second degré au-delà du cycle CM1, CM2, sixième. Cela aurait permis de reporter l’orientation des élèves et ainsi d’assurer à chacun et chacune une culture commune de haut niveau. Cela aurait montré les limites que vous avez vous-même rappelées, monsieur le ministre, de la démarche du socle commun, qui perdure dans le projet au détriment de l’idée de culture commune.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que d’autres lois sont à venir sur le second degré. Mais une question se pose alors : pourquoi décider aujourd’hui de la régionalisation des lycées professionnels ? Certes, un amendement a été adopté, grâce à M. le rapporteur, qui donne le dernier mot aux rectorats dans le choix des filières ; mais rien n’est dit sur l’ambition que vous avez affichée vous-même, notamment sur le niveau de connaissances délivré par ces établissements. Rien non plus sur l’intégration de l’enseignement professionnel dans l’enseignement général, dans la culture commune que devrait délivrer l’Éducation nationale.
Pour revenir à l’objet de votre projet de loi et à ses propositions concernant le premier degré, je voudrais vous interroger sur l’école maternelle.
La loi reconnaît cette école, et je m’en félicite, comme une école à part entière. Alors pourquoi ne pas décider maintenant de ramener à trois ans l’âge du début de la scolarisation obligatoire ?
Par ailleurs, la loi prévoit que les missions et programmes de l’école maternelle seront revisités. Elle ouvre aux zones d’éducation prioritaires la scolarisation à deux ans. Pour notre part, et c’est le sens de nos amendements, nous pensons que tous les enfants dont les parents le souhaitent doivent être accueillis partout dès deux ans pour garantir une meilleure scolarité. Bien sûr, cet accueil à deux ans nécessite une formation et des conditions d’encadrement spécifiques, comme je l’ai souligné dans ma proposition de loi relative à la scolarisation à deux ans.
Un autre sujet me tient particulièrement à cœur, celui de l’aide aux enfants en difficulté, car il est au cœur de nombreuses mobilisations : je veux parler des RASED. Les amendements adoptés par la commission visent à les conforter. Mais rien n’est dit dans le corps du projet sur les objectifs pédagogiques de ces réseaux et leurs rapports avec « le maître en plus ». Quid de la formation des maîtres spécialisés ? Quid de leur lieu de travail, dans ou à l’extérieur de la classe ?
Nous sommes satisfaits que soit acté le fait que l’enseignement artistique relève de l’Éducation nationale et non du périscolaire. Car il serait dommageable que ces enseignements et d’autres soient délégués.
Quant aux rythmes scolaires, leur réforme – nécessaire – pose également le problème de la qualité éducative du périscolaire. Cela demande que chaque commune dispose, au-delà de la première année, des moyens nécessaires pour avoir un encadrement qualifié et des locaux adaptés.
Une dernière remarque sur votre projet de loi, monsieur le ministre. Trop d’acteurs des équipes éducatives sont absents des conseils nationaux mis en place sur le programme et l’évaluation. Je vous propose, par amendements, d’y remédier, notamment par le biais de conseils consultatifs.
Pour conclure cette intervention, je voudrais dessiner une image de la refondation de l’école. Prenons cette refondation comme une belle maison à construire. Je dirai qu’avec le projet de loi qui nous est soumis, nous posons en grand nombre de premières pierres, mais le chantier est loin d’être terminé. Nous avons encore du travail à accomplir pour que cette loi permette à l’école de la République d’assurer la réussite de tous les élèves. Nous sommes disponibles, soyez en certain, monsieur le ministre, pour y travailler. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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