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Pt Sénat diverses dispositions d’adaptation au droit de l’UE en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole

Nous sommes saisis, comme cela est le cas très régulièrement, d’un projet de loi Ddadue, acronyme abscons désignant la transposition de directives et de règlements européens relatifs à de nombreux domaines, sans cohérence d’ensemble.

L’exercice auquel nous nous livrons transforme le législateur en moine copiste, quasiment dépossédé de son droit d’amendement. Le législateur national en est réduit à faire ce à quoi je vais m’astreindre : commenter. Le parlementaire européen n’est pas mieux loti : son rôle se borne en général à donner un avis consultatif, l’adoption des directives s’effectuant dans le huis clos du Conseil de l’Union européenne.

Cette Union européenne est libérale, nous le savions, mais elle est aussi antidémocratique. C’est pour cette raison que les trois mois qui viennent doivent être l’occasion pour tous les progressistes de défendre l’Europe des peuples, l’Europe de la fraternité, l’Europe de la paix.

Les dispositions des trente-quatre articles s’inscrivent pleinement dans la doxa libérale tiède et ringarde, à l’exception de l’article 28, qui vient enfin réparer une faille de notre droit national en garantissant les droits fondamentaux des prévenus. Notre groupe souhaite pointer plusieurs dispositions problématiques.

Parlons d’abord des questions environnementales. Le fameux système d’échange de quotas carbone est un frein puissant à la transition écologique. Que de retard pris dans l’application du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, alors que les quotas gratuits seront alloués jusqu’en 2036. C’est une ineptie : il eût été possible d’avancer cette date à 2030, comme le recommandait un rapport sénatorial.

Faut-il rappeler qu’en France, en 2022, le marché carbone englobait 1059 installations qui ont émis 84 mégatonnes de CO2, soit environ 20 % des émissions territoriales de la France. En parallèle, 52,9 millions de quotas gratuits ont été alloués à l’industrie pour une valeur de près de 5 milliards d’euros, un montant sans commune mesure avec le 1,8 milliard d’euros de recettes annuelles. Prenons l’exemple de Total, le dix-neuvième plus important émetteur de gaz à effet de serre du monde entre 1988 et 2015. Pour ses raffineries françaises, il a reçu gratuitement 71 % des quotas dont il avait besoin en 2017, soit environ 25 millions d’euros.
Nous déplorons de même que la date d’entrée en vigueur de l’article 31, relatif à l’interdiction des microplastiques, soit trop lointaine – cet article s’aligne sur le droit des pays les moins vertueux en matière environnementale. De plus en plus de recherches démontrent pourtant la nocivité des microplastiques – la dernière en date, celle d’une équipe napolitaine, a montré qu’ils étaient présents dans les artères coronariennes. Les leçons de l’amiante, des phytosanitaires ou du chlordécone n’ont visiblement servi à rien.

Dans le cadre de cette doxa libérale, comment ne pas souligner l’ambiguïté de l’article 6, qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur l’encadrement des cryptoactifs ? Nous savons à quel point le recours à ces cryptoactifs a favorisé les pratiques de blanchiment et de financement de réseaux mafieux ou terroristes, sans jamais rien apporter à l’économie réelle. Sans valeur intrinsèque, ces actifs sont voués à ne valoir que zéro euro, à moins qu’ils ne fassent l’objet d’emballements spéculatifs auxquels succédera inévitablement l’effondrement. L’explosion de la bulle bitcoin en 2018 a montré les risques que ces actifs faisaient courir pour l’économie. Quid de celle qui grossit depuis la fin de l’année 2023 ? À force d’avoir tout déréglementé, vous courez derrière chaque innovation financière pour tenter d’imposer un semblant de régulation – toujours trop tard.

Enfin, comment ne pas évoquer l’amendement no 44 du Gouvernement, qui vise à mettre notre droit en conformité avec le droit européen s’agissant de l’acquisition de congés en période d’arrêt de travail. Il aura fallu plus de vingt ans pour que la directive du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail soit enfin appliquée. Pourtant, fidèles à votre idéologie selon laquelle une personne qui ne travaille pas – qu’elle soit au chômage ou malade – est avant tout un fainéant responsable de son sort, vous en profitez pour introduire une mesure discriminante en plafonnant à quatre semaines les droits à congés acquis pour les arrêts de travail qui ne sont pas d’origine professionnelle. Alors que la directive européenne vise une harmonisation favorable des droits pour l’ensemble des salariés – c’est suffisamment rare pour être souligné –, vous faites le choix d’une transposition a minima, quitte à aller à l’encontre de son esprit. J’espère que les sous-amendements que nous avons déposés seront adoptés. C’est à croire que l’amélioration des droits des travailleurs vous est définitivement insupportable !

Vous comprendrez donc que nous ne votions pas ce texte. Du sort qui sera réservé à ces sous-amendements dépendra notre position finale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

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Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)

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