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Stationnement des personnes en situation de handicap

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans le cadre des orientations de la loi du 11 février 2005 reconnaissant l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi ambitionnait de rendre notre cadre de vie commun plus accessible aux personnes en situation de handicap, notamment les espaces publics, les transports, les logements et les établissements recevant du public.
Il s’agit d’un impératif démocratique. En effet, le droit à l’accessibilité pour tous relève du principe d’égalité, qui fonde notre Constitution.
Pour les personnes en situation de handicap, c’est le préalable – vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État – à la scolarisation mais, aussi, à l’accès au logement, à l’obtention d’un travail et à la possibilité de s’y rendre, à l’accès à la culture et aux activités sportives si elles le souhaitent. En un mot, le droit à une vie citoyenne pleine et entière.
Le texte dont nous débattons ce soir vise à améliorer les possibilités de déplacements en automobile. Il est vrai que le recours à la voiture est souvent une garantie d’autonomie puisque les transports en commun sont très loin d’être accessibles, ce qui ne permet pas une liberté de déplacement suffisante pour les personnes handicapées.
D’ailleurs, c’est peu dire que des évolutions urgentes sont nécessaires et attendues en la matière.
Avec cette proposition de loi, les personnes handicapées détentrices d’une carte de stationnement telle que prévue à l’article L. 241-3-2 pourront avoir accès, gratuitement et sans limitation de temps – du moins, avec une amplitude horaire extrêmement importante – à l’entièreté des places de stationnement ouvertes au public.
C’est incontestablement une amélioration de la vie quotidienne de ces personnes. Cette disposition permettra de multiplier les places disponibles et de diminuer le coût des trajets.
Ce dernier point n’est pas anodin car avec un taux d’activité très inférieur à celui de l’ensemble des personnes de 15 à 64 ans et un taux de chômage s’élevant à plus du double de celui de la population totale en âge de travailler, selon une étude de la DARES datant de 2011, les difficultés financières des personnes en situation de handicap peuvent être importantes.
Il est vrai, comme le soulignent certaines associations et comme vous l’avez rappelé, que la gratuité rompt avec le principe d’égalité.
Cependant, nous pensons que la faiblesse du nombre de transports en commun adaptés, à laquelle s’ajoute le report de la mise en accessibilité des voiries, accroît largement les difficultés auxquelles doivent faire face des personnes en situation de handicap.
Il est évident que le fait de devoir revenir mettre de l’argent dans l’horodateur – pour ne prendre que cet exemple – présente pour les personnes handicapées des contraintes qui ne sont pas les mêmes que pour les personnes valides.
À ce titre, la différence de situation nous semble justifier la mesure spécifique qu’est la gratuité en leur faveur.
De plus, c’est important, cette mesure leur permettra d’être plus sereines.
Combien de personnes en situation de handicap renoncent à se déplacer en voiture, notamment dans des régions densément peuplées – je pense à l’Ile-de-France, que je connais bien, mais aussi à de grandes métropoles comme Bordeaux. Les difficultés y sont très importantes et compliquent la vie de ces personnes.
Il nous semble donc indiscutable que les dispositions d’ailleurs très modestes – il faut en être conscients – contenues dans ce texte aideront les personnes concernées.
J’évoque des dispositions très modestes car la proposition de loi prévoit d’importantes dérogations à la gratuité – ce qui nous préoccupe – pour, je cite, « les parcs de stationnement disposant de bornes d’entrée et de sortie accessibles aux personnes handicapées depuis leur véhicule ».
Sachant que les parkings privés ou confiés en concession sont en général équipés de ces dispositifs et qu’ils sont de plus en plus présents au cœur de nos villes, la gratuité pourrait rapidement devenir marginale.
M. Damien Abad. Eh oui !
Mme Jacqueline Fraysse. C’est d’autant plus vrai que dans les aéroports et dans les gares TGV, en général éloignés des centres villes, les parkings sont tous sous cette forme, ce qui accentue encore notre interrogation.
Mais ce n’est pas là la seule ombre au tableau.
En effet, cette proposition de loi intervient quelques mois à peine après l’adoption de la loi d’habilitation qui a pour objet de retarder, encore une fois, la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Joëlle Huillier. C’est faux ! C’est l’inverse !
Mme Jacqueline Fraysse. Elle a été adoptée au nom du pragmatisme suite à la non-application de la loi de 2005.
Le Gouvernement tente aujourd’hui, bien sûr, de surmonter l’obstacle en demandant notamment aux communes qui sont directement concernées des engagements programmés dans le temps et financés, ce qui n’a pas manqué de heurter – à juste titre – les personnes en situation de handicap, leurs familles et les associations qui les représentent.
C’est d’autant plus vrai que cette décision intervient au moment même où le Gouvernement décide de réduire les dotations aux collectivités locales dans des proportions jamais atteintes.
M. Arnaud Robinet. Eh oui, c’est catastrophique !
M. Damien Abad. En effet !
Mme Jacqueline Fraysse. Je vous en prie, chers collègues de droite. Ce sont 11 milliards d’économies qui leur sont imposées.
M. Thierry Benoit. C’est sans précédent.
Mme Jacqueline Fraysse. C’est d’ailleurs la raison principale qui a motivé le vote contre ce texte de la part de notre groupe, vous vous en souvenez.
M. Damien Abad. Nos collègues socialistes doivent souffrir d’entendre tout cela. C’est dur, la réalité !
Mme Jacqueline Fraysse. Nous estimions aussi que ce report était dû à un manque coupable d’anticipation alors que notre groupe avait régulièrement alerté quant aux retards pris.
Nous n’étions d’ailleurs pas les seuls puisqu’un rapport d’information et un rapport conjoint du conseil général de l’environnement et du développement durable, de l’inspection générale des affaires sociales et du contrôle général économique et financier constataient au mois d’octobre 2011 que l’obligation de mise en conformité des établissements recevant du public ne pourrait être tenue dans les délais prévus par la loi.
En tout état de cause, cet ajournement, je le répète, ne répond pas au problème central, celui du financement…
M. Damien Abad. Eh oui !
Mme Jacqueline Fraysse. …qui constitue pourtant la raison principale de la lenteur des réalisations en matière d’accessibilité, même s’il est vrai qu’une volonté politique doit être affirmée.
À titre d’exemple, dans ma ville de Nanterre, nos ressources diminueront de 3,5 millions par an uniquement pour la dotation générale de fonctionnement, ce qui représente donc près de 12 millions d’euros de budget en moins pour les années 2014 à 2018. Chacun mesure ce que cela signifie et combien cela ne peut qu’avoir des répercussions sur toutes les actions, dont celles concernant l’accessibilité, qui sont pourtant urgentes.
Comment les élus locaux seraient-ils mieux armés aujourd’hui pour faire face à leurs obligations de mise en accessibilité si leurs moyens financiers diminuent ?
Il n’est pas sérieux de n’invoquer que la bonne volonté. Il faut aussi et surtout que les moyens soient au rendez-vous. De ce point de vue, les choix politiques du Gouvernement actuel ne vont pas dans le bon sens, c’est notre opinion, et c’est le moins que l’on puisse dire !
Le plus cocasse, vous me permettrez de le noter, c’est que les auteurs de cette proposition de loi sont des parlementaires du groupe majoritaire, celui-là même qui a voté la loi repoussant la mise en œuvre de l’accessibilité…
M. Damien Abad. Eh oui !
Mme Jacqueline Fraysse. …mais surtout qui, texte après texte, vote des plans d’économie drastiques…
M. Damien Abad. C’est un réquisitoire !
Mme Jacqueline Fraysse. …réduisant les moyens publics comme jamais dans notre histoire.
Pour éviter d’être désagréable en parlant de duplicité, je me contenterai de souligner le manque de cohérence, juste le manque de cohérence…
M. Damien Abad. Bien sûr ! Vous êtes courageuse, madame Fraysse !
M. Arnaud Robinet. En effet, vous faites preuve de courage politique.
Mme Jacqueline Fraysse. …et le fait que vous savez, comme nous tous, que les aménagements de mise en accessibilité ne peuvent qu’être encore retardés faute de moyens pour les mettre en œuvre.
Je tenais à dire tout cela. J’ai conscience que ce n’est pas facile de l’entendre, et je le regrette.
Ceci étant dit, les députés du Front de gauche voteront bien sûr ce texte.
M. Arnaud Robinet. À contre cœur !
Mme Jacqueline Fraysse. Non, pas du tout. Avec beaucoup de conviction, mais nous en mesurons simplement les limites…
M. Damien Abad. Très bien !
Mme Jacqueline Fraysse. C’est un texte utile, que nous voterons donc sans hésiter quoique nous mesurions le petit pas qu’il représente.
M. Arnaud Robinet. Et ses limites, en effet.
Mme Jacqueline Fraysse. Pour terminer, je répète que ce texte ne peut ni ne doit nous détourner de l’essentiel, à savoir la volonté politique et les moyens financiers pour permettre la mise en œuvre enfin concrète de la loi de 2005.

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Jacqueline
Fraysse

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