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Industrie verte - CMP

Les trente ans de désindustrialisation, qui ont laissé des cicatrices dans les territoires et le souvenir de nombreux drames humains, ne sont pas une opération du Saint-Esprit, mais le fruit de choix politiques que les libéraux que vous êtes continuez d’incarner.

Vous êtes coresponsables de ces dizaines d’années de casse industrielle, notamment pour avoir alimenté financièrement des patrons qui arboraient fièrement un pin’s annonçant la création de « 1 million d’emplois » dont nous n’avons en réalité jamais vu la couleur.

Nous avons bien compris que le nouveau mandat coïncidait avec la naissance d’un autre discours du Président de la République, du ministre Le Maire et d’autres membres du Gouvernement, dans lequel nous avons vu poindre des accents de souveraineté industrielle, de made in France, de renouveau industriel.

Hélas, ce discours ne s’est pas accompagné d’une véritable politique stratégique, comme en témoigne ce texte. Certes, le saupoudrage de France 2030 était intéressant, mais il ne s’est agi que de répondre à des appels à projets, de graver dans le marbre les inégalités territoriales. Finalement, pour solliciter France 2030, il vaut mieux être une entreprise en bonne santé et puissante que pauvre et malade.

Le texte est en réalité une nouvelle nuance de votre libéralisme. Il fait la part belle à des mesures incitatives et se concentre sur quelques filières à peine naissantes autour d’innovations dites vertes dont on peine à percevoir la portée. Rien n’est prévu dans le texte pour décarboner les industries existantes ni pour cibler les filières à développer en priorité. Vous avez adopté deux ou trois de nos amendements qui ne mangeaient pas de pain – je ne vais pas me plaindre que vous ayez adopté certains des miens –, mais vous avez refusé toutes les propositions sérieuses de planification industrielle que nous avions formulées.

Si vous aviez adopté certains de nos amendements, vous n’auriez pas fait l’impasse sur des sujets fondamentaux : pas de renouveau industriel sans formation, sans relance de la recherche et du développement, sans une organisation des filières.

Et même lorsqu’il aborde les bons sujets comme la commande publique, le texte reste au bord du gué, très loin de donner les moyens aux collectivités locales de soutenir l’économie locale par exemple.

En refusant de pousser le diagnostic au-delà de quelques mesures d’affichage, vous adhérez à un récit qui reste à côté des enjeux. Oui, si nous voulons réduire l’empreinte carbone de la France, il faut sauvegarder nos entreprises ou réimplanter celles qui ont été délocalisées. L’industrie la plus propre est celle qui est chez nous. Entre 1995 et 2018, les émissions importées ont augmenté de 78 %.

Un kilo de textile produit en France a une empreinte carbone deux fois plus faible que s’il était produit en Chine.
Relocaliser 25 % de la production du textile acheté en France diminuerait l’empreinte carbone de 3,5 millions de tonnes de CO2 par an. Selon RTE – Réseau de transport d’électricité –, si tous les biens manufacturés importés étaient produits en France, l’empreinte carbone diminuerait de 75 millions de tonnes de CO2. La marche est haute, mais vous n’esquissez pas le moindre mouvement pour la gravir.

Votre texte manque de muscles et de nerfs, c’est-à-dire de moyens. Au sein du budget pour 2024, vous avez une nouvelle fois choisi d’aider les entreprises dans des secteurs ciblés, sans politique globale ni stratégie.

Nous avons deux autres regrets.

Nous déplorons que les aides prévues soient allouées sans instituer de contreparties sociales ou environnementales et sans associer l’intelligence ouvrière à la détermination des projets industriels accompagnés.

Nous aurions aimé que nos amendements destinés à abonder le fonds « friches » afin de réactiver les 7 200 friches répertoriées soient adoptés. Sur ce sujet, auquel je suis très attaché, je déposerai d’autres amendements dans le cadre du projet de loi de finances. Pas de renouveau industriel sans foncier disponible, pas de renouveau industriel sans un plan Marshall de réappropriation des friches industrielles.

Ce qui pose problème, c’est moins ce qu’il y a dans le texte que ce qu’il n’y a pas. Il manque de souffle et c’est la raison pour laquelle le groupe GDR s’abstiendra. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)

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Sébastien
Jumel

Député de Seine-Maritime (6ème circonscription)

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