Interventions

Explications de vote et scrutins

Pt org. programmation et gouvernance des finances publiques

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Gaby Charroux. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie et des finances, chers collègues, nous achevons le débat sur ce projet de loi organique avec le sentiment que l’austérité sera malheureusement au rendez-vous budgétaire.
Avec le traité, puis avec ce texte organique, nous ne définissons pas des règles temporaires afin de « redresser la situation » : nous faisons le choix de nous enfermer pour une longue période dans un carcan budgétaire qui n’aura pour effet que de briser l’activité et d’interdire les politiques propres à relancer l’économie et à créer des emplois.
Ce projet de loi organique ne propose que de définir des procédures. Ce n’est pourtant pas un texte technique.
Certes, il n’est pas question de « règle d’or » et le texte peut sembler apporter des éléments de souplesse. Il ne faut pourtant pas se méprendre sur sa portée. Il va très certainement corseter la discussion budgétaire. Il ne comporte en effet, comme le soulignait le ministre lui-même, « aucune échappatoire » aux règles aberrantes mais très strictes formulées par le traité.
Ce texte organique exige que l’ensemble des administrations publiques, y compris la Sécurité sociale et les collectivités territoriales, présentent une situation budgétaire en équilibre ou en excédent. Il prévoit même d’encadrer le recours à l’emprunt.
Cette logique comptable est un non-sens économique. De même qu’il est dangereux de se fixer pour objectif la norme arbitraire de 3 % de déficit alors que tous les indicateurs économiques sont dans le rouge, tous les économistes ou presque le disent, de même il est économiquement dangereux de vouloir un objectif d’équilibre s’appliquant de manière uniforme à l’ensemble des administrations publiques, sans tenir compte de leurs spécificités ni du contexte économique et social dans lequel s’inscrit leur action.
L’argument selon lequel il nous sera heureusement possible de tenir compte de la conjoncture et de dévier de la trajectoire en fonction de circonstances exceptionnelles me paraît illusoire. C’est la Commission européenne qui définira les règles du jeu et elle n’a jamais fait preuve, nous le savons, de particulièrement de souplesse. En toile de fond de ce texte figurent en effet les pouvoirs contraignants dont dispose désormais la Commission pour imposer ses vues tant au Gouvernement qu’au Parlement.
Son bras armé sera cette nouvelle institution indépendante que crée la loi organique : le Haut conseil des finances publiques. Celui-ci ne donnera, certes, que des avis qui ne seront formellement assortis d’aucune sanction. Il n’est toutefois pas inutile de le rappeler : le texte précise que, si le Haut conseil venait à constater un « écart important » appelant une « correction », il en serait « tenu compte » par le Gouvernement.
M. Marc Dolez. Eh oui !
M. Jean-Jacques Candelier. C’est un carcan !
M. Gaby Charroux. De quelles marges de manœuvre disposera alors l’exécutif ? Il ne sera libre, me semble-t-il, que de définir la méthode à employer pour corriger la trajectoire. Le Parlement, quant à lui, ne sera libre de débattre que sur la question de savoir si la méthode envisagée est la bonne ou non.
L’objectif, lui, ne souffrira aucune discussion, aucune contestation. Il demeurera intangible et sera dûment contrôlé par ces nouveaux gardiens de l’orthodoxie budgétaire. Le Haut conseil des finances publiques s’érigera de fait en arbitre des choix politiques les plus élémentaires de la vie démocratique et empiétera sur la souveraineté budgétaire du Parlement. Celui-ci ne conservera plus, aux termes de ce texte, que des bribes des maigres compétences budgétaires qui sont déjà les siennes.
Si certains s’efforcent de minimiser la portée de ce texte, nous constatons pour notre part qu’après avoir lâché les rênes de la politique monétaire, nous nous apprêtons à nous dessaisir de notre politique budgétaire. Il nous semble que c’est la voie inverse qu’il fallait emprunter. Il fallait renégocier le traité et réorienter l’Europe en se fixant notamment pour objectif de la doter d’institutions démocratiques et de remettre collectivement la main sur la politique monétaire afin d’alléger le fardeau de la dette, qui pèse injustement sur nos concitoyens, de rétablir notre déficit commercial et de relancer la croissance de notre pays et de notre continent.
Nous continuerons donc de tenter de vous convaincre que la France doit avoir le courage et l’audace d’engager avec ses partenaires une discussion franche, en partant du constat d’évidence que la voie que nous empruntons est sans issue. Les députés du Front de gauche voteront évidemment contre le présent texte, si peu conforme à l’exigence du changement et aux attentes des femmes et des hommes de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Gaby
Charroux

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