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Questions au gouvernement

Avenir de l’activité industrielle à Belfort et en France

Monsieur le Premier ministre, l’industrie a garanti durant de longues années notre souveraineté économique. Elle a fait de nous une grande puissance, avec beaucoup d’emplois à la clef. Pourtant, la part de l’industrie dans notre PIB n’a fait que baisser, tombant à 11 %, contre 22 % en Allemagne par exemple. Encore aujourd’hui, des filières entières sont soumises aux logiques des marchés financiers : les chantiers de l’Atlantique, Renault, Alstom, General Electric, Ascoval, Arjowiggins.

Les banques se détournent de ce secteur, et ce sont des fonds de pensions qui achètent nos fleurons, comme Ascoval, racheté par Olympus, ou General Electric, détenu par le fond américain Trian Fund Management. Nous n’avons plus affaire à des industriels, mais à des avocats fiscalistes ; et nous subissons encore la politique américaine qui impose à la France ses lois et sa guerre économique.

Monsieur le Premier ministre, réindustrialiser la France, c’est d’abord préserver l’existant. Les salariés, de l’ouvrier à l’ingénieur, veulent se projeter dans l’avenir. Si le capitalisme est « devenu fou », alors il faut prendre les mesures qui s’imposent !

Samedi, 8 000 personnes ont manifesté leur détermination contre le plan social de General Electric, qui menace directement la production française de turbines à gaz à Belfort. Ce site est le seul au monde à fabriquer neuf segments de turbines différents. Nous en aurons besoin pour relever les défis du changement climatique ! Ce plan va, de plus, à l’encontre de l’accord avec l’État français de 2014 où il est écrit – article 3.4 – que l’activité turbine à gaz sera maintenue durant dix ans à Belfort.

Avec la perte de tels savoir-faire, c’est notre pays tout entier qui s’affaiblirait. C’est pourquoi les députés communistes vous demandent solennellement un moratoire ; il faut stopper ce plan pour prendre le temps de garantir l’avenir à long terme de toute la filière énergétique française. C’est une question de souveraineté nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Dans votre question, je vois deux aspects.

Le premier, c’est une déclaration d’amour à l’industrie. Je la partage, pour de nombreuses raisons, qui tiennent à la commune où j’ai vécu et où j’ai été élu, à certains de mes choix professionnels, au fait aussi que, comme vous et comme beaucoup d’autres qui siègent sur ces bancs, je suis convaincu qu’une partie de la puissance et de la souveraineté d’un État résident dans sa capacité à produire, donc dans une industrie forte, innovante, propre, ambitieuse. Je suis intimement convaincu qu’un pays doit avoir des usines. Vous vous souvenez peut-être, monsieur le député, qu’il fut une époque, pas si lointaine, où l’on pensait que peut-être un pays pourrait garantir sa souveraineté sans disposer de la moindre usine. Je n’en crois rien.

Je suis totalement convaincu que nous devons préserver une industrie forte, en France et en Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, et sur plusieurs bancs du groupe LT.) Ce n’est pas un mince sujet.

C’est la raison pour laquelle nous avons adopté une politique dont nous considérons qu’elle est susceptible de favoriser les implantations industrielles en France.

C’est un fait : depuis deux ans, les investissements dans des entreprises industrielles en France ont crû comme ils n’avaient jamais crû au cours des dernières années. C’est un fait : depuis deux ans, l’industrie recrée des emplois nets. Je ne dis pas que c’est un succès indépassable, je ne dis pas que des emplois ne sont pas détruits, mais il se crée, aujourd’hui, dans notre pays, plus d’emplois industriels qu’il n’en disparaît ! C’est une excellente nouvelle, et nous devons prolonger cette tendance, puisque nous voulons que notre industrie soit forte.

C’est la raison pour laquelle le Président de la République a proposé aux partenaires sociaux, à l’ensemble des forces vives de ce pays, de réfléchir à un « pacte productif 2025 ». Si nous voulons produire beaucoup, nous devons voir loin ; si nous voulons transformer notre appareil productif, pour l’adapter aux exigences de notre temps, pour limiter son empreinte environnementale, pour faire en sorte que la transition écologique qui vient soit une chance et non pas une contrainte, alors nous devons organiser notre appareil productif. C’est le but de ce pacte que nous proposons.
Je me réjouirais, monsieur le député, que vous participiez à son élaboration. Je suis certain que vous y prendrez toute votre part. (Approbations sur les bancs du groupe GDR.)

Le second volet de votre question porte sur le cas de General Electric. Les ventes de turbines à gaz ont décru partout dans le monde : la transition écologique commence probablement à produire ses effets, ce qui montre que nous devons adapter nos appareils industriels. Pour les salariés de General Electric, c’est une mauvaise nouvelle, une terrible nouvelle, et vous avez relayé leur colère et leurs inquiétudes ; je les ai entendues dans votre question, et je les partage.

Notre objectif est de faire évoluer le plan proposé par General Electric, qui doit entendre les salariés et accepter de limiter au maximum les réductions d’emploi contraintes. Les fonds qui sont à disposition – et notamment les 50 millions d’euros récupérés par l’État – doivent être utilisés pour adapter l’outil industriel et pour déclencher aussi rapidement que possible des projets d’investissements visant à transformer l’usine pour développer des emplois dans des secteurs porteurs, comme l’aéronautique.

Cette transition est indispensable, et nous l’accompagnerons. Nous défendrons l’industrie française, car c’est un actif précieux auquel vous, l’ensemble des députés assis sur ces bancs et moi-même sommes attachés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

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