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Questions au gouvernement

Crise de la République

Monsieur le Premier ministre, la République est en crise, cela ne date pas de la semaine dernière.

Elle est en crise parce qu’elle semble trop souvent renoncer à ses promesses, parce que les inégalités se déploient, parce que l’intérêt général n’est pas assez défendu, parce que trop de femmes et d’hommes manquent de logements, de salaires, de pensions. Notre République est en crise parce que les politiques que vous poursuivez avec acharnement ont un seul objet : s’en remettre toujours plus au marché.

Vous organisez la confusion des intérêts, vous voulez une puissance publique réduite au rôle de passe-plat pour les lobbys de la finance. Vous attaquez la fonction publique, les services publics. Vous attaquez les salariés, les retraités, les chômeurs. Vous attaquez nos droits. Vous avez choisi de passer en force quand vous ne pouviez pas passer en douce.

Votre politique abîme la République. Il faut refonder celle-ci dans des dynamiques de protection et de promotion des biens communs.

Vous allez continuer en catimini avec le traité CETA sur le libre-échange. Vous récompensez ceux qui licencient, vous dilapidez Aéroports de Paris, vous cassez l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes. Vous cherchez à camoufler la crudité de ces actes dans votre discours mais ils n’en finissent pas de vous revenir à la figure. Vous avez fait la morale à la France entière, favorisé les premiers de cordée, exercé un pouvoir narcissique au lieu d’affronter les grandes questions sociales, écologiques, démocratiques.

Aujourd’hui encore, des enquêtes montrent les effets de la pollution atmosphérique ou l’ampleur des atteintes à la santé au travail. Les urgences et les pompiers sont en grève. Êtes-vous encore en état de gouverner ? (« Oh ! » sur quelques bancs du groupe LaREM)

Avec vous, c’est la République privatisée, c’est la République empêchée, c’est la République pour quelques-uns. Votre politique abîme la République. Il faut refonder celle-ci dans des dynamiques de protection et de promotion des biens communs. Quand, monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin poser un peu votre sac, arrêter cette fuite en avant et écouter le pays qui n’en finit pas de gronder ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC ainsi sur quelques bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Dharréville, je pourrais relever le sens de la nuance qui préside à la formulation de votre question.

Mais je voudrais répondre à votre question le plus directement et le plus sincèrement possible. Vous affirmez que nous n’écoutons pas et que le seul souci de notre politique serait, au fond, de mettre à genoux la République pour faire prévaloir le marché. Cela ne correspond pas à ce que je pense mais cela résume, je crois, que ce vous avez dit.

Je vais vous dire ce qui a prévalu lors des décisions prises par le Gouvernement. Nous avons fait le choix de renforcer toutes les missions régaliennes de l’État, en accordant, c’est vrai, plus de moyens à la défense, en recrutant, c’est vrai, plus d’agents au sein de la police nationale, de la gendarmerie ou de la DGSI – Direction générale de la sécurité intérieure –, en faisant, c’est vrai, un effort considérable pour affermir les budgets de la justice.

Bref, en toutes circonstances, nous avons défendu, en augmentant leur budget, les activités régaliennes de l’État – celles qui, vous le savez parfaitement, monsieur le député, sont irréductibles au marché et qu’aucun acteur privé ne peut prendre à son compte. Cela, nous l’avons fait après de longues années de désintérêt, voire d’abandon. Comment pouvez-vous dire, alors que de tels choix sont massifs, clairs et discutés devant l’opinion publique, que, ce faisant, nous réduirions à néant la République et voudrions faire prévaloir le marché ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Monsieur le député, avec la bonne foi qui vous caractérise, comment pouvez-vous l’affirmer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

De la même façon, nous essayons de réparer plusieurs dispositifs sociaux qui, si on lit leur description, semblent pétris de bonnes intentions mais qui, objectivement, dans la France telle qu’elle est, ne fonctionnent pas, se résument parfois à des droits déclaratifs et ne contribuent pas à une réelle égalité des chances. Lorsque nous prenons ces problèmes à la racine, je nc crois pas que nous fassions prévaloir le marché mais au contraire que nous revenons à l’origine même de la promesse républicaine. C’est le cas lorsque nous décidons de dédoubler des petites classes afin que chacun puisse acquérir, au début de la vie, de la scolarité, des chances de réussir plutôt que d’essayer, dix ans plus tard, de corriger des inégalités qui se seront accrues. En agissant ainsi, nous essayons d’affermir la République et certainement pas de faire prévaloir le marché.

Pourquoi faisons-nous en sorte que dans notre pays, oui, des entreprises réussissent, oui, on crée de la croissance, oui, on attire des capitaux, y compris étrangers ? Parce que nous souhaitons que davantage de richesse soit créée, donc redistribuée, en France. Car là réside aussi la promesse républicaine. Je ne crois pas qu’un seul penseur de la République ait voulu une France pauvre pour aboutir à l’égalité.
Je pense au contraire que la France doit être prospère pour être forte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que quelques bancs du groupe UDI-I.)

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